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Une vie en archives : le fonds François-Georges Pariset
Les archives de François-Georges Pariset (1904-1980) sont parmi les dernières à avoir rejoint les fonds d’historiens de l’art conservés par la bibliothèque de l’INHA. À l’occasion des quarante ans de sa disparition, cet historien spécialiste de Georges de La Tour a fait l’objet le 19 octobre dernier d’une journée d’études organisée par le centre qui porte aujourd’hui son nom, dépendant de l’université Bordeaux-Montaigne.
Généreusement donné par la famille à l’INHA en 2018, le fonds Archives 161 documente toute la carrière et les activités de François-Georges Pariset et vient naturellement prendre place au sein de l’ensemble des archives d’historiens de l’art conservées par la bibliothèque. Il y rejoint en effet les fonds de deux des rapporteurs des thèses de Pariset, Pierre Lavedan et Louis Réau, mais également ceux de plusieurs personnalités avec lesquelles Pariset a pu avoir de multiples échanges ou des communautés d’intérêt, de la même génération (Pierre Francastel, Louis Grodecki, André Chastel), ou des suivantes (Jacques Thuillier, Antoine Schnapper, Sylvia Pressouyre).
D’abord élève à Strasbourg et à Paris, François-Georges Pariset est reçu à l’agrégation d’histoire et de géographie en 1927. Après quelques années d’enseignement dans divers lycées, notamment aux lycées Fustel-de-Coulanges à Strasbourg et Carnot à Paris (1929-1939), il est nommé assistant à la Sorbonne, à l’Institut d’art et d’archéologie, où il obtient son doctorat en 1947. Appelé en 1952 à la chaire d’histoire de l’art moderne et contemporain de Bordeaux, il y reste jusqu’à la fin de sa carrière, en 1974.
De Strasbourg à Bordeaux, de la Renaissance au néo-classicisme
Tous les sujets de recherche de François-Georges Pariset se reflètent dans le fonds, s’enrichissant d’année en année puisque même lorsqu’il s’oriente vers une nouvelle matière, celle-ci s’ajoute aux précédentes plutôt que de prendre leur place. Pariset s’intéresse d’abord, au milieu des années 1920, à la cathédrale de Strasbourg puis à l’humanisme alsacien. Il se consacre ensuite à l’étude de la Renaissance germanique, avec des artistes comme Matthias Grünewald, Tobias Stimmer, Hans Baldung Grien, puis glisse vers le maniérisme lorrain, représenté par Jacques de Bellange et Claude Deruet. Cela l’amène sans doute à travailler pour sa thèse sur Georges de La Tour, dans la lignée du redécouvreur de ce peintre, Hermann Voss, et peu après l’exposition Les peintres de la réalité en France au XVIIe siècle au musée de l’Orangerie (1934-1935). La correspondance présente dans le fonds de l’INHA montre bien que Pariset reçoit tout au long de sa carrière des demandes de conseils ou d’avis sur des tableaux en lien avec La Tour, et qu’il entretient des relations au long cours autour de ce sujet, y compris avec des correspondants étrangers. C’est encore un moment où les attributions restent à faire pour nombre d’œuvres et Pariset argumente en faveur ou défaveur de tel ou tel artiste (La Tour, mais aussi Bellange, Deruet ou d’autres), s’appuyant sur ce qui est disponible à l’époque, c’est-à-dire souvent des photographies en noir et blanc.
Demeter, lettre à F.-G. Pariset sur un tableau représentant saint Jérôme, avec tirage photographique. Paris, bibliothèque de l’INHA, Archives 161/12/3. Cliché INHA
L’obtention d’un poste à l’université de Bordeaux signe le début d’un intérêt jamais démenti pour le classicisme et l’histoire de la ville au XVIIIe siècle : après plusieurs années de recherches, il organise ainsi une exposition sur l’architecte Victor Louis (1731-1800) aux Archives municipales de Bordeaux en 1980, attirant notamment l’attention sur le fonds de dessins de cet architecte conservé en Pologne. Il est à noter que nombre de ces travaux ont servi à défricher des thèmes qui ont été retravaillés ensuite à partir de ces premières bases.
Ayant abouti à une impressionnante bibliographie, ces sujets de recherche sont représentés dans le fonds par des notes de lecture, de dépouillements d’archives, des brouillons, des tirés à part et de nombreux ouvrages annotés et truffés — c’est-à-dire des ouvrages dans lesquels Pariset a inséré de la correspondance, des notes manuscrites, des coupures de presse, etc. Les archives documentant sa pratique enseignante sont un peu différentes : programmes de cours publics, annotations d’exposés d’élèves, suivi de carrière, relations avec les universités où il a exercé — quelques documents témoignent ainsi de ses prises de position sur la place de l’histoire de l’art comme enseignement à Bordeaux. La sociabilité d’un historien de l’art au milieu du XXe siècle se trouve ici illustrée de multiples façons, par son implication dans de nombreuses sociétés savantes, locales, nationales ou internationales, ou bien, plus évident, par sa correspondance. Celle-ci forme l’ensemble le plus important du fonds, des milliers de pièces entre les années 1920 et 1980 (lettres, brouillons, cartons d’invitation, cartes de visite, de vœux, de félicitations), donnant à voir un réseau étendu de connaissances, proches ou formelles, amicales, familiales, professionnelles. Les échanges peuvent s’étirer parfois sur plusieurs dizaines d’années, comme avec le conservateur au département des Estampes de la Bibliothèque nationale Roger-Armand Weigert, ou bien être très denses et ramassés. Si le relevé exhaustif des très nombreux correspondants reste à faire, le respect du fonds lors de son traitement a impliqué un classement chronologique de cet ensemble, ce qui permet de dégager des moments clés (parutions d’ouvrages, récompenses, carrière de François-Georges ou de son fils Jean-Daniel, etc.).
À gauche : Pierre Lavedan, lettre à F.-G. Pariset mentionnant Jacques Thuillier, le 28 novembre 1961. À droite : cartes de félicitations à F.-G. Pariset pour sa Légion d’honneur, 1961. Paris, bibliothèque de l’INHA, Archives 161/5/2. Clichés INHA
Des archives personnelles
Ces archives ouvrent par leur richesse de multiples perspectives. François-Georges Pariset a gardé trace de ses activités, parfois au jour le jour, de ses publications, de son parcours ; plusieurs curriculum vitae et auto-bibliographies se retrouvent parmi les documents, ce qui a grandement aidé au classement du fonds tout en donnant chair au producteur. Cela signale aussi l’intérêt que celui-ci trouvait à revenir sur son parcours personnel : issu d’une famille d’origine alsacienne, à la généalogie marquée par l’histoire — la grande, la famille ayant quitté l’Alsace pour la Lorraine après 1870, et la discipline universitaire, que son père enseignait —, François-Georges Pariset avait sans doute conscience de s’inscrire dans un déroulé plus large. Si la famille conserve un cahier avec des recherches généalogiques précises, plusieurs dossiers du fonds de l’INHA sont relatifs aux années 1930-1940. La relation de Pariset avec l’Allemagne des années 1930 se lit d’une part dans plusieurs documents, retraçant son séjour lorsqu’il est invité à Berlin et qu’il garde trace de l’ambiance politique et intellectuelle du moment, qu’il continue à suivre une fois rentré en France. D’autres retracent son parcours lorsqu’il est mobilisé en 1940 — son journal pour cette année vient en complément de ce qui a été déposé à La Contemporaine. Un autre fil conducteur autour du protestantisme permet également de considérer le parcours intellectuel de François-Georges Pariset sous un angle plus personnel et spirituel.
Le dessin, une histoire de famille
F.-G. Pariset, notes et croquis autour d’Etienne Delaune. Paris, bibliothèque de l’INHA, Archives 161/11/4/2. Cliché INHA
L’un des traits notables de l’historien de l’art est sa pratique du dessin. Doté d’un très bon coup de crayon, Pariset parsème ses notes de croquis qui les prolongent, les explicitent et soulignent la dimension qui l’intéresse : un croquis général de l’œuvre pour la composition, ou bien au contraire des détails, des ornements, une figure isolée. Le dessin peut également avoir une dimension quasi photographique, comme ces esquisses d’œuvres vues en salle des ventes et commentées, non seulement par les couleurs, mais par les sentiments suscités. Ce sont les tantes de François-Georges Pariset qui lui ont appris à dessiner : quelques archives forment un sous-fonds consacré à ces trois professeures de dessin, abondant un autre axe des collections de la bibliothèque de l’INHA. Amy (1867-1937), Jeanne (1869-1898) et Mina (1871-1916) Pariset, sœurs de Georges Pariset, le père de notre historien de l’art, ont été formées à la toute fin du XIXe siècle, aux Beaux-arts de Nancy puis à Paris — Académie Jullian pour Amy et Jeanne, et atelier de madame Thoret pour Mina. Elles exposent ensuite au Salon de la Société lorraine des amis des arts puis enseignent le dessin à Nancy, à l’école normale et dans leur atelier privé. Elles fréquentent les cercles artistiques nancéens, les archives les montrent en contact avec Victor Prouvé, notamment, et admirant Émile Gallé, alors que leur frère est en contact avec Paul Perdrizet, gendre du fondateur de l’École de Nancy. Le fonds de l’INHA comprend de la correspondance avec leur frère et des documents en lien avec leur formation et leurs activités d’enseignement. Elles publient en particulier des articles et un ouvrage issus de leurs expériences pédagogiques à destination des enfants. Tout jeune, François-Georges a donc pu profiter de leurs leçons et développer l’un de ses outils d’observation réflexive, dont il reste à étudier l’utilisation dans ses archives.
F.-G. Pariset, croquis commenté d’un tableau sur la couverture d’un catalogue de vente de 1941, graphite sur papier. Paris, bibliothèque de l’INHA, Archives 161/13/1. Cliché INHA
Sophie Derrot, service du Patrimoine
Pour aller plus loin
F.-G. Pariset, L’Œuvre de Georges de La Tour, Paris, 1947, 4 vol. ; thèse publiée : Georges de La Tour, Paris, H. Laurens, 1948.
F.-G. Pariset, L’Art classique, Paris, PUF, 1965.
F.-G. Pariset, L’Art néo-classique, Paris, PUF, 1974.
Journée d’étude François-Georges Pariset (1904-1980) : objets et méthodes d’un historien de l’art, 19 octobre 2020, organisée par le Centre François-Georges Pariset (université Bordeaux Montaigne, EA 538) et Passages (École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux, UMR 5319.