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Autour des archives d’historiens de l’art
Les 28 et 29 janvier 2019, l’INHA a participé à un atelier de réflexion autour des archives d’historiens de l’art au Getty Research Institute de Los Angeles. Cette occasion a permis de mettre en perspective un axe majeur des collections de la bibliothèque.
Les historiens de l'art à l'INHA
S’il paraît évident que les historiens sont les premiers à exploiter les collections de la bibliothèque, il est moins connu que l’INHA conserve également de nombreux fonds d’archives provenant de leur activité. Ainsi, sur les 168 fonds d’archives actuellement conservés, une soixantaine correspond à une activité de recherche et de publication dans le domaine de l’histoire de l’art. Ces fonds présentent un paysage très divers, autant dans les personnalités (historiens académiques, amateurs, conservateurs, marchands, etc.) que dans la volumétrie (de quelques dossiers à plus de 450 boîtes). Il faut par ailleurs souligner la présence de nombreux documents d’archives dans d’autres collections (Autographes et Manuscrits).
Outre quelques fonds et producteurs sur lesquels l’on dispose encore d’assez peu d’informations, trois périodes peuvent être distinguées dans les collections d’archives, sachant que l’ère d’excellence de ces documents couvre les décennies entre 1880 et 1960. La première période est formée de fonds provenant de personnalités de la seconde moitié du XIXe siècle, souvent également journalistes ou critiques, comme Paul Mantz ou Philippe Burty. S’y ajoutent les relations appartenant au cercle de Jacques Doucet, parfois même collaborant à la constitution de la première bibliothèque d’Art et d’archéologie (Albert Vuaflart, André Girodie). Ensuite vient une période caractérisée par des figures qui mêlent leur pratique de l’histoire de l’art à leur activité professionnelle de conservateur, souvent au musée du Louvre (Jean Guiffrey), au château de Versailles (Gaston Brière) ou à la Bibliothèque nationale (Paul-André Lemoisne). Les fonds de la dernière période proviennent d’historiens de l’art ancrés dans le milieu académique, avec la figure majeure d’André Chastel et les personnalités qui gravitent autour de lui, élèves (Robert Klein), prédécesseurs (Pierre Lavedan), contemporains (Louis Grodecki, Pierre Francastel).
Travaux de Robert Klein autour des « Tarocchi » de Mantegna, vers 1967. Paris, Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, collections Jacques Doucet, Archives 91, 81. © INHA, photo Michael Quemener
Un atelier stimulant
Ces collections de l’INHA ont été présentées fin janvier lors de l’atelier au Getty Research Institute (GRI), tout comme celles des Archives of American Art (AAA) hébergées par le Smithsonian, ou celles du Getty lui-même. Cet atelier fut l’occasion de discussions riches autour de la collecte, du traitement et de l’exploitation des archives d’historiens de l’art, mêlant chercheurs et chercheuses en histoire de l’art et responsables de collections. À l’aide d’études de cas, il a en particulier été question des documents les plus exploités pour comprendre les relations entre historiens de l’art, en particulier la correspondance. La conférence d’Elizabeth Sears, de l’université du Michigan, portant sur les universitaires réfugiés pendant les années 1930 a ainsi souligné l’importance du recours aux archives pour comprendre le contexte d’exil de ces personnalités, notamment des dossiers de candidatures et des lettres les accompagnant.
Le double positionnement des participants a encouragé les réflexions autour de la manière dont les archivistes et les historiens de l’art peuvent bénéficier mutuellement de leurs connaissances respectives. Ainsi, la conférence donnée par Jérémie Koering sur les dessins d’historiens de l’art comme outil épistémologique questionne l’archiviste sur le signalement de ces dessins dans les instruments de recherche des fonds. Le signalement a fait l’objet des échanges les plus riches, avec l’idée que la visibilité des fonds permettait d’ouvrir des pistes de recherches et donc de faciliter la conservation et l’exploitation des archives, voire leur versement par les historiens producteurs. Le cas des fonds dispersés entre plusieurs établissements rend la nécessité d’un signalement commun encore plus prégnante, d’autant que les producteurs concernés sont souvent caractérisés par un fort attachement à plusieurs institutions, en plus de leur fonds personnel. L’INHA utilise ainsi Calames, un outil commun à de nombreux établissements de l’enseignement supérieur et autres, mais la question se pose également au niveau international.
Un exemple tiré des collections du Getty : les archives autour de Nikolaus Pevsner. (Photo S. Derrot)
Des outils spécifiques autour des historiens de l’art ont été évoqués, ainsi que des pistes pour leur développement, intégrant le signalement d’archives. Ce fut le cas du Dictionary of Art Historians, hébergé par l’université de Duke (Caroline du nord), initiative sœur du Dictionnaire des historiens de l’art de l’INHA, ou bien du prototype du SNAC (Social Networks and Archival Context), hébergé par les Archives nationales américaines. L’évolution de tels outils s’oriente vers plus d’interopérabilité, afin que l’utilisation de ressources provenant de multiples établissements soit facilitée. Comme le montre l’exemple du SNAC, les possibilités de visualisation des données ou de mise à disposition d’API sont une perspective de développement incluant les outils des humanités numériques en histoire de l’art. Le numérique a d’ailleurs été un sujet transverse des débats, soit sur les possibilités de numérisation des fonds, soit sur l’exploitation des données générées par les institutions.
Pour l’INHA, ce fut l’occasion de se situer dans le paysage de la conservation et de l’exploitation de ces archives. Le partage d’expériences avec des établissements aux missions ou aux collections similaires aux nôtres (GRI, AAA, mais également Warburg Institute de Londres) permet d’intéressantes mises en perspective et la diffusion d’informations à une large échelle (réflexion sur les politiques d’acquisition et les plans de traitement par exemple). Le retour et la discussion avec les chercheurs et chercheuses présents ouvrent également des pistes pour continuer un travail commun autour de ces archives qui voient se faire l’histoire de l’art.
Sophie Derrot, service du Patrimoine