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« Indisponible », « En traitement », « En reliure » : la conservation des collections (1/5)
Mis à jour le 9 septembre 2020
En coulisses
Auteur : Alix Saunier
Dans ce troisième billet de présentation de la mission de conservation de la bibliothèque, nous vous présentons le travail effectué par le service de la Conservation dans le cadre de l’entrée d’un fonds d’archives. Menées avec d’autres services de la bibliothèque, les opérations de conservation commencent en effet avant l’arrivée des documents à la bibliothèque.
Les profils des producteurs d’archives (ou de leurs donateurs) qui proposent leur fonds à la bibliothèque de l’INHA sont très diversifiés : historiens de l’art, critiques, érudits, galeristes, marchands, artistes, etc. Après une première prise de contact avec la direction de l’INHA, de la bibliothèque ou le service du Patrimoine, une première visite chez le donateur permet d’estimer l’intérêt du fonds d’archives pour la recherche et sa concordance avec la politique documentaire de la bibliothèque. Il s’agit généralement de correspondances avec d’autres professionnels, de documents annotés, de dossiers de documentation, de notes de recherche et de manuscrits ou de tapuscrits de leurs parutions ou de versions intermédiaires de celles-ci, voire d’écrits n’ayant jamais été publiés. Le service du Patrimoine détermine avec le donateur les modalités d’entrée du fonds et ses conditions de consultation. Il rédige également les documents présentés au conseil scientifique et au conseil d’administration de l’INHA en vue de l’acceptation du don.
Le service de la Conservation et des magasins intervient lors d’une deuxième visite sur place, quand l’ensemble des éléments à prélever a été délimité. La première mission du service est de déterminer l’état des documents. Si de manière générale, les archives récentes se trouvent à proximité immédiate du bureau de leur producteur, il n’est pas rare qu’une partie des documents les plus anciens soient entreposés dans des espaces annexes utilisés comme lieux de stockage, tels que des caves ou des greniers, ou comme c’est régulièrement le cas à Paris, dans des chambres de bonne situées dans le même immeuble quelques étages au-dessus de l’appartement du producteur. Le service de la Conservation est particulièrement vigilant quant aux conditions de température et d’hygrométrie de ces espaces qui ne sont pas systématiquement isolés. La température peut y varier au gré des saisons (chaud en été, froid en hiver) et la présence d’humidité y est favorisée. Certains lieux peuvent être plus propices à des infestations de nuisibles comme des rongeurs ou des insectes xylophages. Lors de sa visite, l’équipe cherche à repérer la présence de rejets d’animaux ou des miettes de documents concentrées en un seul endroit, et vérifie que le mobilier en bois se trouvant sur place ne comporte pas de surface grêlée ou de fine sciure de bois, symptomatiques d’une infestation de xylophages.
L’ordre d’origine des documents est soigneusement repéré et documenté avant la mise en cartons. Photo INHA.
Pour autant, dans un appartement ou une maison qui semblent sains de prime abord, le bureau ou la bibliothèque du producteur des archives peuvent réserver des surprises. Il n’est pas rare que plus d’une année s’écoule entre le dernier accès aux archives et leur transfert. Durant cette période, l’appartement peut ne plus être habité et il n’est dans ce cas plus régulièrement chauffé, aéré ou même éclairé. Ces conditions peuvent être propices au développement de moisissures. Dans les habitations anciennes, les défaillances d’isolation sont par ailleurs assez communes. Il y a souvent un jour au niveau des fenêtres et des portes qui laissent passer l’air de l’extérieur, l’humidité et parfois même de l’eau de pluie. Le service de la Conservation cherche donc systématiquement à repérer d’éventuelles coulures ou décolorations des murs sous les fenêtres, car elles laissent suspecter la présence de moisissures. Cette suspicion se renforce si le lieu n’a pas été éclairé depuis un moment, car l’obscurité favorise le développement des champignons, tout comme l’absence de renouvellement de l’air ambiant. Lorsque des tâches circulaires noires sont observées, l’infestation ne fait pratiquement aucun doute.
L’état des documents est toujours expertisé quel que soit l’état de salubrité du lieu où ils se trouvent, car la possibilité existe toujours que certains documents aient été entreposés auparavant dans un espace infesté, avant d’être déplacés vers l’espace sain dans lequel l’équipe les trouve. Il s’agit de vérifications faites en flagrance, car il est rarement possible de contrôler l’état de conservation document par document, du fait de leur quantité et des contraintes de temps. L’équipe observe la quantité et le type de poussière qui s’est déposée sur les documents. Certains sont parfois saturés de poussière sèche accumulée au fil des années ou d’une fine couche de poussière grasse issue de la pollution urbaine. Dans ce cas, une prestation de dépoussiérage peut être décidée avant d’intégrer le fonds aux collections de la bibliothèque.
De mauvaises conditions de conservation amènent à la dégradation de certains documents (ici moisissures) et à la nécessité d’une décontamination. Photo INHA
Lorsqu’un document présente une suspicion d’infestation, le premier réflexe de l’équipe consiste à arrêter immédiatement de le manipuler. Cela permet d’éviter la projection des spores généralement très volatiles des champignons, ou le déplacement de larves d’insectes. Il est également primordial de changer les gants portés en les retournant sur eux-mêmes et de les jeter dans un sac poubelle fermé, puis de se laver les mains. Les documents infestés sont emballés hermétiquement dans du polyane et signalés pour les isoler du reste des documents jugés sains. Le cas échéant, il s’agit surtout des documents localisés dans d’autres pièces de l’appartement, car tous les documents à proximité immédiate des documents infestés passeront systématiquement par une prestation de décontamination : soit en traitement par anoxie, soit en traitement à l’oxyde d’éthylène. Il est inconcevable de prendre le risque de transférer un document potentiellement contaminé au sein des magasins de la bibliothèque, car celui-ci pourrait rapidement infester l’ensemble des collections. Certaines institutions, dont la conservation est la mission principale, comme les Archives nationales, disposent de leurs propres espaces de décontamination et de dépoussiérage, car ces étapes sont systématiques et obligatoires avant l’entrée d’un fonds dans leurs magasins.
Lors de l’entrée d’un fonds, la seconde mission du service de la Conservation consiste à mettre au point la logistique de transfert du fonds, ce qui nécessite parfois des visites supplémentaires des lieux. Une première visite, qui se fait généralement en même temps que l’expertise de l’état de conservation, consiste à estimer la volumétrie du fonds et à repérer les documents et mobiliers qui nécessitent un conditionnement et un transport spécifiques du fait de leurs dimensions ou de leur fragilité. Cette visite permet également de cerner les contraintes propres à l’agencement du lieu. L’équipe identifie les problèmes de circulation au point de départ du transfert. Les immeubles parisiens sont généralement anciens et ils sont équipés d’ascenseurs de petite taille, auxquels doit s’adapter le prestataire pour le transport des documents. Les passages de cours intérieures et les halls d’entrée comportent souvent des petites volées d’une à deux marches qui nécessitent la mise en place d’une rampe métallique. Les passages étroits sont également repérés.
Un fonds reconditionné en boîtes Armic, prêt à être enlevé et transporté par le prestataire. Photo INHA
Si la volumétrie est faible, le transfert est géré en interne avec le véhicule de service de l’INHA et, dans certains cas, la participation du service des Moyens techniques. Les services du Patrimoine et de la Conservation travaillent de concert au reconditionnement des documents en boîte ARMIC (cartons à couvercles au PH neutre, très résistants qui permettent le transport et le stockage temporaire des documents avant leur traitement). Lorsqu’un transfert est effectué par un prestataire, le reconditionnement des documents lui est très rarement confié. C’est généralement le responsable du fonds pour le service du Patrimoine qui dirige cette opération, car il dresse un premier inventaire des documents enlevés, et note scrupuleusement les emplacements et agencements d’origine des différents sous-ensembles de documents qui constituent le fonds. Ces informations facilitent le traitement du fonds pour sa mise à disposition du public et apportent de la cohésion à l’ensemble des documents.
Le service de la Conservation et des magasins est chargé d’orienter et de guider le prestataire lors de l’enlèvement. Le fonds est balisé par une signalétique visible et univoque, et le responsable INHA pour le transfert veille à ce que la manipulation des documents respecte les principes de conservation préventive. La valeur patrimoniale des fonds fait que bien souvent, comme c’est le cas pour les transports d’œuvres d’art, le camion du prestataire est scellé au départ devant le personnel de la bibliothèque et reste scellé jusqu’à l’arrivée du fonds à la bibliothèque.
Alix Saunier, service de la Conservation et des magasins
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