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« Indisponible », « En traitement », « En reliure » : la conservation des collections (1/5)
Après les missions du service de la Conservation et des magasins à la bibliothèque de l’INHA, nous abordons, dans ce deuxième volet, les principes de conservation préventive.
La conservation des collections comprend l’ensemble des moyens qu’une bibliothèque met en œuvre pour favoriser la préservation des documents dans le temps, c’est-à-dire faire en sorte qu’ils restent en bon état le plus longtemps possible et que leur dégradation, inévitable, soit retardée au maximum. Si les interventions de conservation curative peuvent redonner vie à un document, sa préservation commence avant tout par la mise en œuvre d’une politique de conservation préventive, dont voici, en six points clés, les principaux principes mis en œuvre à la bibliothèque de l’INHA.
Les magasins de conservation sont climatisés : leur température et leur taux d’hygrométrie sont maintenus artificiellement à des niveaux prédéterminés. Le service de la Conservation et des magasins s’assure que la température soit toujours située entre 18 °C et 22 °C, et que le taux d’hygrométrie reste entre 50 % et 60 %. La bibliothèque dispose d’appareils de mesure instantanée et s’équipe progressivement de capteurs radio directement reliés à un logiciel de contrôle commun aux établissement partenaires de Richelieu, qui permet de consulter les données environnementales à distance. Les magasins sont hermétiquement coupés de l’air extérieur pour protéger les documents de la pollution urbaine et de la poussière provenant de la circulation. L’air que fait circuler le système de climatisation est purifié avant d’être envoyé vers les magasins.
Le contrôle de l’environnement concerne aussi la détection de nuisibles biologiques. Des pièges à insectes et à rongeurs sont disposés dans chaque magasins et régulièrement contrôlés. La moindre suspicion de présence de xylophages entraîne l’isolement de rayonnages entiers de collections et une procédure d’identification du type d’insecte en laboratoire, qui permet de déterminer un traitement approprié du bois et des collections impactées.
Le service de la Conservation et des magasins s’assure de limiter au maximum les diverses contraintes subies par les documents en favorisant leur bonne tenue sur les rayonnages. Ils doivent impérativement être maintenus bien droit. Ce faisant, chaque document ne fait subir à sa reliure que la contrainte de poids pour laquelle elle a été conçue pour résister dans le temps. Les documents sont maintenus par des serre-livres, sans être toutefois trop serrés. Toutes ces précautions permettent de prévenir les déformations, les déchirures et les arrachements de coiffes sur les documents. Les documents de grand format sont pour leur part conservés à plat, dans la mesure du possible.
Assurer une tenue bien droite des documents est un réflexe élémentaire de la conservation préventive. Ici la cote 4° F (collections Jacques Doucet), qui contient de nombreux documents trop fragiles pour la consultation. Cliché INHA
Les interventions de conservation préventive les plus courantes sont la protection de jaquette d’éditeur par un système de pochette transparente appelée liseuse (ou Jacket), le pelliculage des documents avec un revêtement auto-adhésif transparent ou encore le remboitage souple à l’aide d’une colle plus durable que celle de l’éditeur. Ces diverses interventions sont réalisées par des prestataires extérieurs spécialisés. Ils procèdent également à la reliure des collections de périodiques qui permettent d’assembler plusieurs fascicules dans un corps d’ouvrage rigide beaucoup plus adapté à la conservation dans le temps.
La préservation des documents passe aussi par une manipulation adaptée. Celle-ci commence dès le prélèvement. Les agents doivent saisir les documents par la tranche pour éviter de déchirer leur coiffe. Sur les chariots, les documents sont disposés de la même manière que sur leurs rayonnages (jamais à plat). La consultation de documents fragiles ou précieux se fait sous surveillance, et la bibliothèque met des futons et des serpentins à disposition des lecteurs.
Dans le billet précédent a été abordée la mise sous pochette des documents trop dégradés (acides notamment). Ces pochettes sont utilisées de manière temporaire, avant que le document soit envoyé en réparation, mais il existe en réalité presque autant de conditionnements qu’il existe de types de documents à conserver. Au deuxième niveau du magasin central, les derniers numéros de périodiques reçus (avant reliure) sont conservés dans des boîtes transparentes. Un principe similaire s’applique aux catalogues de vente en magasins fermés, qui sont tous conservés dans des boîtes SECAN. Il existe également des boîtes spécifiques à la conservation à plat, ou pour les archives (les boîtes dites Cauchard) et d’autres qui sont destinées à la conservation des photographies. Tous ces conditionnements ont un Ph neutre, nécessaire pour éviter que les documents qu’ils contiennent ne s’acidifient par contact.
Pour les documents patrimoniaux, de nombreux conditionnements sont réalisés sur mesure et s’adaptent aux dimensions du document qu’ils contiennent. Les boîtes de tailles standard peuvent contenir quant à elles des mousses de conservation qui permettent de caler les documents plus petits que les boîtes. Il s’agit d’une matière assez dense, qui possède également un Ph neutre.
De gauche à droite : boîte Klug, boîte Cauchard, boîte SECAN, boîte sur mesure ; au centre : pochette de conservation avec ses différentes mentions. Cliché INHA
Les négatifs et tirages photographiques doivent théoriquement être conservés à des températures très basses (entre 0 et -20 degrés) et un faible taux d’hygrométrie (30 à 40 %). Dans ces conditions, il devient extrêmement contraignant de mettre à disposition du public ce type de documents. Par ailleurs, maintenir un tel climat de conservation est assez complexe et demande un équipement des locaux conséquent et très onéreux. À la bibliothèque de l’INHA, les magasins de conservation sont également des espaces de travail où évoluent les équipes des différents services, alors même que toute variation termo-hygrométrique doit théoriquement être évitée pour une bonne préservation des documents. Ainsi, la mise en œuvre de la politique de conservation préventive doit savoir s’adapter à des contraintes autres que la seule préservation des documents.
L’un des points clés de la conservation préventive est son application au quotidien par les agents en poste dans les magasins. Il est nécessaire de sensibiliser les équipes, et d’expliquer quels types de manipulations peuvent comporter des risques pour les documents et pourquoi. En surveillant la consultation des documents fragiles et en repérant des documents détériorés en retour de communication, les agents en banque de communication participent à la politique de conservation préventive de la bibliothèque. Il existe aussi une signalétique exhaustive, généralement apposée sur les pochettes de conservation. Des mentions simples et sans équivoque telles que « Acide », « Incommunicable », « Communication surveillée » ou encore « Numérisé » indiquent la marche à suivre pour la manipulation et l’éventuelle communication des documents.
Deux documents sous pochette de conservation. Le premier est « acide » et nécessite une « communication surveillée ». Le deuxième est « fragile » et considéré « incommunicable ». Le document au centre est « numérisé », et par conséquent « incommunicable ». Cliché INHA
La numérisation est également un acte de conservation préventive. Les collections qui sont choisies pour être numérisées comptent parmi celles qui sont à la fois les plus consultées, mais également les plus fragiles. La numérisation d’un document permet de rendre exceptionnelle la manipulation de l’original. C’est la politique appliquée pour la consultation des collections les plus précieuses. Aucune communication de document original n’est possible s’il existe une version numérisée accessible, sauf justification d’un besoin scientifique exceptionnel. L’an dernier, un corpus de livres de fêtes a fait l’objet d’une prestation de numérisation. Il s’agit d’un fonds patrimonial exceptionnel constitué de documents ayant un intérêt majeur pour le public des chercheurs, mais dont la manipulation est contraignante et assez risquée. Sa numérisation et sa diffusion sur la bibliothèque numérique ont contribué à sa sauvegarde, tout en le valorisant auprès de publics plus larges. Les collections courantes ne sont pas en reste, car la bibliothèque numérise progressivement l’ensemble de sa collection de catalogues de vente, qui sont extrêmement consultés par les lecteurs.
Alix Saunier
service de la Conservation et des magasins
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