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Chorégraphier, écrire la danse
Mis à jour le 17 juillet 2024Vademecum Histoire des arts | Collège
Depuis les travaux menés par Marcel Mauss, l’anthropologie nous a appris à identifier et à savoir nommer l’existence d’un savoir du corps. La danseuse et chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker, figure majeure de la danse contemporaine, autrice de plus de 35 chorégraphies, parvient dans une magistrale conférence donnée au Collège de France à expliciter les bases de son analyse de la pensée du corps en mouvement s’articulant à partir, entre autres, des codes musicaux.
L’horizontal, le vertical, la marche et le souffle, et puis tourner et sauter, et puis chercher l’envol et défier la gravité. C’est à peu près tout. C’est « ce qui reste ». Mais ce tout petit nombre de choses, cette réserve naturelle qu’est demeuré notre corps humain, il nous est encore permis de le sonder avec le sens de l’infini. Car je pense, avec une foi très farouche, que le corps est un inépuisable réservoir de mémoire. Je pense que dans notre corps sont encodées notre naissance, notre enfance, et toute notre expérience émotionnelle, sociale, Carolien Coenen, École de danse d’Anne Teresa De Keersmaeker sur la place Ladeuze, 15 octobre 2011, photographie, Louvain (Belgique). spirituelle. Et aussi bien : l’histoire de nos parents, celle de nos aïeux. Et c’est d’ailleurs parce que notre corps contient en abondance tout ce code que nous pouvons le connecter à toutes sortes d’autres codes plus abstraits, musicaux, géométriques, topologiques. Le potentiel de code produit par ce type de courts circuits est alors illimité. […] La musique écrite me délivre des concepts qu’on ne trouve nulle part ailleurs : canon, variation, rétrograde, développement, polyphonie, modulation… Une très large partie de mon lexique de chorégraphe est directement empruntée à celui de la formalisation musicale. […] La musique est une pensée, une façon de penser. D’organiser le temps, aussi. Dans mon obsession à faire du corps dansant un carrefour, un lieu de rencontre entre monde abstrait et le monde matériel, la musique est mon plus grand secours.
Anne Teresa De Keersmaeker
Éclairage
La chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker pense le corps dans son expression la plus minimale. Le dépouillement est à l’œuvre et met à nu la danse même. L’espace se fait réceptacle, dans la plus extrême simplicité des principes générateurs de mouvements, ceux de la marche par exemple. Le principe de répétition reste riche et complexe, les modèles mathématiques guidant son écriture. À la recherche de combinaisons pour produire une multiplicité d’infimes différences, la chorégraphe, dès ses débuts, s’empare de la question musicale via la temporalité et le rythme. Le temps musical s’organise avec le bas du corps, qui peut éventuellement contraster avec les mouvements du haut. Dans son premier spectacle, Fase, Four Movements to the Music of Steve Reich, en 1982, en écho à la musique minimaliste du compositeur américain Steve Reich, se joue une partition hypnotique faite de répétitions, un réseau complexe de formes et de motifs traversés par de légers glissements et de subtiles variations.
Ressources :
Des captations sur la thématique Incarner une abstraction
Une conférence de Anne Teresa De Keersmæker chorégraphe. Incarner une abstraction
Une présentation de la chorégraphe Anne Teresa De Keersmæker de la série La Minute du Spectateur
Ouvertures
Loïe Fuller, par ses recherches avant-gardistes sur la lumière, la couleur et le mouvement, révolutionne les arts scéniques à la fin du XIXe siècle. Dans ses spectacles, elle évoque, par sa gestuelle ondoyante, le lys, l’orchidée, le papillon. Initiatrice d’une nouvelle esthétique, et symbole d’un rapprochement entre beaux-arts et arts décoratifs, elle suscite l’admiration des milieux littéraires et artistiques. La chorégraphe incarne l’esprit de l’Art nouveau en libérant le corps de la tradition, de l’entrave du costume de scène et pose les bases de l’abstraction en danse. « Contrairement à une croyance répandue, tous les peuples du monde ne dansent pas » nous enseigne l’ethnoscénographe Françoise Gründ. Mais les peuples qui dansent exploitent tous des systèmes de codifications différents, appris par la répétition lorsqu’il s’agit de groupes sociaux à transmission orale. L’immense diversité des danses permet de faire un tour du monde foisonnant des pratiques et des notations. Ici, deux exemples du monde indien. « En Inde, le dieu Shiva, crée le monde en dansant. L’image de Shiva nataraja, « le roi de la danse » éclaire encore aujourd’hui pour les Indiens l’énigme de l’univers. En l’honneur du dieu, le roi Raghunata Nayak (…), danseur et musicien lui même, rédige en langue telugu un traité de la danse, le Valmikicharitra, mentionnant les cent huit karana ou pas de Shiva, avec la liste des syllabes rythmiques et des unités de mouvement correspondantes. […] Dans l’état du Kerala, en Inde, les teyyam, les mudhiyettu, les tirayattam, danses extraordinairement codées et faisant partie des religions dramatiques archaïques et pré-hindouistes, agissent aujourd’hui comme des séances thérapeutiques et contribuent à souder les individus de très basses castes. […] L’envol, la panique, le chevauchement par la divinité, le rut, les ruades, les soubresauts, l’apaisement font partie d’un vocabulaire chorégraphique vieux de plusieurs millénaires et immédiatement décodable par les villageois concernés. »
Ressources :
Un dossier pédagogique La danse serpentine dans la série Le pont des Arts
Un article Loïe Fuller, pionnière de l’abstraction dansée
Un billet Découvre le Bharatanatyam
Un parcours Danses indiennes, une découverte de la danse indienne
Pistes pédagogiques
1 Observer et confronter les représentations de la ronde dans les arts visuels, au cinéma et dans des captations chorégraphiques. Analyser cette forme chorégraphique première de l’enfance, la répétition du mouvement comme procédé de composition, la contextualiser (folklore, modernité…).
Ressource : Un parcours La ronde, des captations et des analyses
2 Comparer diverses représentations graphiques de notation chorégraphique. Puis concevoir une notation simple pour garder la mémoire des trajets et des mouvements dans un espace contraint de l’établissement (le couloir, l’escalier, la salle de classe).
3 Analyser les dimensions symboliques de la chute dans différentes captations chorégraphiques. C’est l’occasion d’engager une confrontation entre ballet académique et danse contemporaine.
Ressources :
Une analyse de La Chute des Damnés de Dirk Bouts
4 Identifier les procédés de représentation du mouvement du danseur ou de la danseuse dans une image fixe
Référence au programme de cycle 3
Histoire des arts
Dégager d’une œuvre d’art, par l’observation ou l’écoute, ses principales caractéristiques techniques ou formelles
Référence au programme de cycle 4
Histoire des arts
Thématique 3 Le sacre de l’artiste (XIVe-début XVIIe s.)
Développement des arts du spectacle : le tragique, le sacré, le comique et la fête
Arts plastiques
L’œuvre, l’espace, l’auteur, le spectateur
La relation du corps à la production artistique
Éducation physique et sportive
S’exprimer devant les autres par une prestation artistique et/ou acrobatique
EMC
Respecter autrui
Compétences en histoire des arts
Décrire une œuvre d’art en employant un lexique simple adapté
Attendus de fin de cycle en histoire des arts
Rendre compte en termes personnels d’une expérience artistique vécue, soit par la pratique soit comme spectateur
Connaissances et compétences associées en histoire des arts
Utiliser un lexique simple mais adapté au domaine artistique concerné, à sa forme et à son matériau, pour aboutir à la description d’une œuvre dans sa globalité
Domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture
Domaine 1 Les langages pour penser et communiquer