Impressionnisme noir

La légende d’une peinture uniformément « claire » a progressivement imposé une compréhension hédoniste de l’impressionnisme, caractérisé par la légèreté de sa touche, la simplicité de ses toiles d’où la narration se serait absentée, et le défaut de pensée de ses auteurs enregistrant la nature ou la vie moderne autour d’eux, mus par leur seul « plaisir de peindre ». Il s’agit bien d’un paradigme du divertissement au sens pascalien, véhiculé notamment dans les mythes naturalistes et formalistes de l’œil innocent et de la visualité pure. En rejetant la culture savante du peintre académicien, le tragique de l’histoire de l’art occidental était ainsi évacué, au profit de la pure émotion plastique, ou de l’anecdote légère, dans un double mouvement de déculturation, d’allègement et d’éclaircissement – substrat moral et signifiant plastique se mêlant ainsi sous le signe d’une vie claire, pure et bénigne.

Si quelques récents développements critiques ont remis en cause l’unicité de ce mythe de l’impressionnisme clair, ils restent cependant très intempestifs au sein de la célébration uniforme d’un art rassurant, plaisant, dénué de toute tension dramatique. Ce colloque propose précisément, en éclairant les angles morts de cette historiographie, d’en révéler toutes les ambivalences et de renouveler ainsi les approches d’une peinture plus obscure qu’elle n’y paraît. C’est le sens de notre proposition d’un impressionnisme noir qui se présente comme une invitation et un outil heuristique, une catégorie ouverte – dont les seuls bords sont les marges qu’il entend désormais mettre en lumière : de la mélancolie à l’ironie, des paradis perdus à la sexualité, de la tache à la ruine, de la dissolution à l’ultra-conscience, de l’intime à la profondeur tragique. Soit autant de déterminations qu’il peut sembler étrange d’associer avec l’impressionnisme, mais qui n’en structurent pas moins, comme nous souhaitons le démontrer, la geste artistique de peintres finalement plus liés par leurs tiraillements intimes, leurs obsessions, leurs angoisses, leurs atermoiements politiques ou leur mélancolie créatrice que par une visée impersonnelle et épicurienne vers le clair et le pur.

Cette relecture globale de l’impressionnisme au prisme du noir, de ses forces expressives, dramatiques et esthétiques, est lourde d’enjeux et interroge finalement jusqu’à la définition même de cette « nouvelle peinture » de la fin du XIXe siècle.

Comité scientifique

  • Laurence Bertrand Dorléac (Professeur d’histoire de l’art, Sciences-Po Paris)
  • Emma Cauvin (Doctorante en histoire de l’art contemporain, Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
  • André Dombrowski (Associate Professor of History of Art, University of Pennsylvania)
  • Marine Kisiel (Conservatrice peinture, Musée d’Orsay)
  • Matthieu Leglise (Doctorant en histoire de l’art contemporain, Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
  • Olivier Schuwer (Doctorant en histoire de l’art contemporain, Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
  • Pierre Wat (Professeur d’histoire de l’art contemporain, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Organisation

  • Emma Cauvin
  • Matthieu Leglise
  • Olivier Schuwer
  • Pierre Wat

Programme

15 novembre 2018

Modération : Laurence Bertrand Dorléac
9h15 / Accueil des participants
9h30 / Laurence Bertrand Dorléac, Introduction
9h45 / Matthieu Leglise Doctorant en Histoire de l’art contemporain Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED441)
Manet : mythe de la clarté et fantasmes scientifiques

« Le noir n’est pas une couleur »
10h15 / Bertrand Tillier, Professeur d’histoire contemporaine Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/IDHES (CNRS Umr 8533)
Les théâtres du noir dans l’œuvre de Maximilien Luce
10h45 / Brice Ameille, ATER Sorbonne-Université
Rembrandt, modèle de l’impressionnisme “en noir et blanc” de Degas

11h15 / Discussions / Pause

Paysages état d’âme
11h45 / Emma Cauvin, Doctorante en Histoire de l’art contemporain Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED441)
Claude Monet et les brumes mélancoliques
12h15 / Michael Marrinan, Professor Emeritus of Art History, Stanford University
Figuring Perception : Monet at Sainte-Adresse in 1867
12h45 / Discussions

13h00 / Pause

Modération : Bertrand Tillier

Spectres de l’Histoire
14h30 / Emmanuelle Héran, Conservatrice en chef du patrimoine, responsable de la collection des jardins, Musée du Louvre
“Sous les ombres noires des grands marronniers”, Manet, Zola, Monet et Pissarro au jardin des Tuileries
15h00 / Hollis Clayson, Professor of Art History, Northwestern University
Gloomy Renoir : Building Psychological and Social Darkness into the Urban Interior

15h30 / Discussions / Pause

16h00 / Félicie de Maupeou, Ingénieur de recherche au Labex Les Passés dans le présent, Université Paris Nanterre
La question coloniale à travers la bibliothèque de Claude Monet
16h30 / Bruno Chenique, Historien d’art indépendant
Manet : colonialisme et continent noir
17h00 / Discussions

16 novembre 2018

Modération : Marine Kisiel

Tragédies impressionnistes
10h00
/ Olivier Schuwer, Doctorant en Histoire de l’art contemporain Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED441), ATER à l’Université de Lorraine
Un drame solaire, Mallarmé au spectacle de l’impressionnisme
10h30 / Patricia Plaud-Dilhuit, Maître de conférences en histoire de l’art contemporain, Université Rennes 2
Gustave Geffroy, un critique face à “La sensation de l’instant éphémère, qui vient de naître, qui meurt, qui ne reviendra plus”
11h00 / Andre Dombrowski, Associate Professor of Art History, University of Pennsylvania
The Non-Instant : Impressionism's Endless Cycles

11h30 / Discussions / Pause

La chair, le diable
12h00
/ Paul Perrin, Conservateur des peintures, Musée d’Orsay
Quand la chair effraie : du Torse, effet de soleil (1876) aux Baigneuses (1918-1919), ce que nous dit la réception des nus féminins de Pierre Auguste Renoir
12h30 / Benjamin Bianciotto, Docteur en histoire de l’art contemporain, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, commissaire d’exposition et critique d’art indépendant
Traité du désespoir : l’impressionnisme face à la mort de Dieu
13h00 / Discussions

13h15 / Pause

Modération : Pierre Wat

Dépossessions
14h45
/ Hadrien Viraben, Doctorant en Histoire de l’art, Université de Rouen-Normandie
1904, année de l’impressionnisme en rose
15h15 / Victor Claass, Sorbonne-Université et Musée du Louvre
Mélancolie de la dispersion. Sur la “captivité” de l’impressionnisme français à l’étranger
15h45 / Discussions

16h00 / Pierre Wat : conclusion

16h30 / Pot de clôture

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Informations pratiques

15 novembre 2018 - 9H15-18H
16 novembre 2018 - 10H-17H30

Centre allemand d'histoire de l'art
45 Rue des Petits Champs
75001 Paris

Entrée libre

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