Une page se tourne en salle Ovale

Vendredi 2 septembre à 18 heures, la bibliothèque de l’INHA fermera définitivement ses portes dans la salle Ovale.

Ce qui ne devait être que provisoire aura duré 24 ans.

Retour en arrière

Au cours des années 1980, la Bibliothèque d’art et d’archéologie Jacques-Doucet (BAA) abritée au cœur de cet étonnant bâtiment de briques rouges rue Michelet (l’Institut d’art et d’archéologie) conçu par l’architecte Paul Bigot, est exsangue : manque de place, de moyens, de personnel.

La directrice de l’époque et la communauté des historiens de l’art tirent des sonnettes d’alarme mais les solutions concrètes tardent à se mettre en place.

Or, à la même époque, le Président de la République prend la décision de construire un nouveau bâtiment pour abriter la Bibliothèque Nationale (1988). Celle-ci, présente rue de Richelieu depuis plus de 250 ans, voit son destin bouleversé. Il est prévu que tous ses imprimés quittent leurs murs historiques pour intégrer, sur l’autre rive de la Seine à l’est de Paris de nouveaux locaux : quatre tours en forme de livres ouverts construits par Dominique Perrault.

Restent sur place rue de Richelieu les départements spécialisés ainsi que plusieurs milliers de mètres carrés libres au cœur de Paris.

Il est alors décidé de créer une bibliothèque nationale des arts dont la BAA serait une pierre angulaire. Dès 1990, le déménagement de la BAA est décidé : récolement, dépoussiérage, préparation des collections, trains de reliure, des crédits sont débloqués. La bibliothèque, qui avait souffert de pénurie pendant de nombreuses années, est soudain en pleine activité.

De son côté, la BN, dont les imprimés n’ont pas encore déménagé, prépare l’arrivée de cette bibliothèque venue de l’Université Paris I et Paris IV.

Un premier transfert a lieu sur le site en février 1992. La consultation des documents par les lecteurs s’effectue dans des locaux provisoires, à savoir la « salle Mortreuil », actuel hall d’entrée du personnel de la bibliothèque. Les collections sont stockées dans les combles du département des Monnaies et Médailles de la BN, ainsi que dans divers espaces en sous-sol.

Cette installation est censée être de courte durée, puisque, dès la fin du transfert des imprimés de la BN, devenue la BnF, vers Tolbiac, il est prévu que la BAA puisse s’installer véritablement. Mais il faut encore de nombreux autres débats et rapports pour que la situation s’améliore.

En 1998, le départ des collections des imprimés sur le site de Tolbiac est effectif : à partir de 1999, la BAA peut se redéployer dans la salle Ovale, ancienne salle de consultation des périodiques de la BN, qu’elle partage avec le département de la recherche bibliographique de la BnF (« salle de références de Richelieu »). Les collections de la BAA s’ installent enfin dans des espaces adaptés, galeries et magasins fermés, anciennement consacrés à la conservation des périodiques de la BN.

En 2003, la BAA rejoint l’INHA, tandis que quelques années plus tard, la BnF lance le projet de rénovation du site Richelieu. Le chantier débute en 2011 et la phase 1 s’est achevée en juin 2016 avec le passage de la Commission de sécurité permettant la remise des clefs des locaux rénovés à la BnF, l’INHA et l’École nationale des chartes.

Souvenirs de la salle Ovale

Durant toutes ces années, la bibliothèque et ses lecteurs se sont adaptés et ont finalement adopté cette magnifique salle Ovale conçue par l’architecte Pascal.

Certains se souviendront certainement de ses températures capricieuses, de ses places jamais assez nombreuses, préférées ou maudites, d’autres garderont l’image de ses peintures fatiguées et de ses villes mystérieuses écrites sous le plafond ainsi que de cette inscription encore plus étonnante que quelqu’un est parvenu à laisser sur la verrière, située à plus de 18 mètres de haut. De rares privilégiés auront vu la salle de haut, des combles, des coursives, des échafaudages également.

Le personnel la connaît de côté et de dessous. Le caveau (magasin en deuxième sous-sol) était un haut lieu des collections et d’installations parfois originales, ainsi que les escaliers tortueux permettant d’en échapper. Les ascenseurs nous ont donné des sueurs froides.

Parmi les anciens travaillant à la bibliothèque, des souvenirs restent marquants : l’installation dans la salle Mortreuil, énigmatique au début pour le personnel et les lecteurs, la sonnette pour y accéder, les fichiers compulsés avant le règne des ordinateurs, les microfilms avant la bibliothèque numérique, les mois d’hiver passés dans la salle Labrouste désertée faute de place ailleurs, quelques animaux indésirables rencontrés dans les magasins…

Les échanges avec la BnF ont été riches, avec les jours heureux et le plaisir des livres trouvés, partagés, redécouverts et les jours plus sombres, comme les minutes de silence au rythme des événements du monde.

C’est avec émotion que nous quitterons ces murs.

Il est temps de souhaiter une belle rénovation à la salle Ovale qui en a tant besoin et de préparer enfin l’ouverture de la salle Labrouste qui nous attend.

Anne-Élisabeth Buxtorf, directrice de la bibliothèque de l’INHA


Salle Ovale, 2013. Cliché Émilie Groleau