Ce colloque s’inscrit dans le cadre des événements liés à la réouverture de la bibliothèque de l’INHA. Mécène et collectionneur, Jacques Doucet fut aussi l’un des plus brillants représentants de la haute couture parisienne au tournant des XIXe et XXe siècles. Le colloque a proposé un nouveau regard sur les composantes de l’histoire de la haute couture : ses protagonistes, ses processus créatifs, ses matériaux, ses modes de diffusion, ses clientes, mais aussi son propre statut qui a largement évolué depuis son apparition et ses premières formulations à la fin du XIXe siècle.

Après vous avoir présenté nos collections en libre accès sur ce thème, c’est désormais pour nous l’occasion de vous faire découvrir nos documents sur l’histoire de la mode parmi nos collections patrimoniales, rassemblées au début du XXe siècle sous l’égide de Jacques Doucet.

Documenter l’histoire de la mode et du costume à travers les siècles

Jacques Doucet, couturier, eut certainement le souci de contribuer à la recherche sur l’histoire de la mode et du costume. Ceci se traduisit, dès 1907, par sa participation active à la création de la Société de l’histoire du costume : lancée à l’initiative des peintres Édouard Detaille et Maurice Leloir, de François Carnot, député et futur président de l’Union centrale des arts décoratifs et de l’écrivain et entomologiste Maurice Maindron, son objectif premier était de préfigurer un futur Musée du costume. Sur les 39 membres fondateurs figurent seulement deux couturiers, dont Jacques Doucet, qui fut le premier trésorier de la société.

Il soutint généreusement ses actions, faisant notamment don à l’association de deux robes du XVIIIe siècle, destinées au Musée du costume.


Maurice Leloir, « Une robe Louis XV (collection de M. J. Doucet) », Bulletin de la société de l’histoire du costume, n°1, 1907, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques-Doucet, 4 Per Res 89. Cliché INHA

De même, loin de se limiter à l’histoire de l’art dans son sens le plus académique, les collections patrimoniales de la Bibliothèque d’art et d’archéologie traduisent aussi cette volonté de documenter l’histoire de la mode et du costume. L’un des artisans de la constitution de ces collections fut Paul Cornu (1881-1914), bibliothécaire aux Arts Décoratifs et historien de la mode, que Jacques Doucet recruta aussi pour sa bibliothèque.

Parfois lié à l’histoire des voyages et à celles des fêtes et spectacles, autres points forts des collections patrimoniales acquises avant 1914, le domaine de la mode et du costume est illustré par divers types de documents.

Pour le XVIe siècle, on trouve par exemple parmi les fonds de la bibliothèque des ensembles de gravures allemandes sur bois illustrant les costumes féminins de divers pays (8 Res 408), auxquels succèdent, au XVIIe siècle, d’imposants recueils d’estampes de mode d’éditeurs parisiens comme les Bonnart. Des livres et estampes de fête représentent aussi les spectaculaires costumes conçus lors des festivités et cérémonies princières par les scénographes des cours européennes ; citons ici par exemple les gravures finement aquarellées de Jean Berain pour le Carrousel des Galans Maures, organisé à Versailles en 1685 (Pl Res 90).

Mais l’histoire de la mode et du costume s’épanouit véritablement au XVIIIe siècle, période de prédilection de Jacques Doucet lorsque celui-ci commença à collectionner des œuvres d’art ; cette époque est notamment représentée dans nos fonds par les riches archives de la succession de Rose Bertin, modiste de la reine Marie-Antoinette (Ms 1) et aussi par des collections de revues illustrées, comme le Journal des dames et des modes (8 Per Res 19), ou encore, son équivalent allemand, le Journal des Luxus und der Moden (8 Per Res 23).


Journal des Luxus und der Moden, vol. 2, 1787, pl. 1 et 10, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques-Doucet, 8 Per Res 23. Clichés INHA

La période romantique est caractérisée par la publication de très nombreux recueils pittoresques de costumes et travestissements régionaux, étrangers, exotiques ou de théâtre, gravés ou lithographiés, souvent coloriés, dont une abondante production se développa alors, de l’Allemagne au Mexique, en passant par la Russie ou la Grande-Bretagne. La France est alors notamment illustrée par de beaux exemplaires coloriés des Français peints par eux-mêmes (1839-1842) (4 Res 689).

Doucet et les acteurs de la mode de la Belle Époque

La bibliothèque conserve aussi un ensemble de documents relatifs à la haute couture parisienne des années 1908-1914. Furent-ils donnés par Jacques Doucet lui-même à sa bibliothèque ? Nous l’ignorons, et le rôle de Paul Cornu fut sans doute là aussi prépondérant, mais la conservation de cette petite collection de documents et brochures publicitaires traduit un souci réel de préserver ces publications très diverses, dont la vocation était parfois éphémère.

Citons ici, à titre d’exemples, les luxueux catalogues des maisons de fourrures Max (4 Est 618) ou Jungmann, dont la bibliothèque conserve plusieurs exemplaires. Parmi ceux-ci, le catalogue de 1913 (4 Est 621), adressé à Paul Cornu, est intitulé Au Temps passé : il propose un texte de Roger Boutet de Monvel sur la mode du XVIIIe siècle accompagné de délicates gravures coloriées et de reproductions de dessins de F. Boscher illustrant les derniers modèles de l’entreprise.


Roger Boutet de Monvel, Au Temps passé, Félix Jungmann & Cie, étiquette du cartonnage, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques-Doucet, 4 Est 621. Cliché INHA


Roger Boutet de Monvel, Au Temps passé, Félix Jungmann & Cie, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques-Doucet, 4 Est 621. Cliché INHA

La bibliothèque conserve d’autres publications publicitaires de luxe, comme les très beaux recueils Les Robes de Paul Poiret, illustré par Paul Iribe (1908) (4 Est 619), ou encore, Les choses de Paul Poiret, illustré par Georges Lepape (1911) (4 Est 194). Des revues, comme la Gazette du bon ton, que Doucet finançait en partie, avec d’autres couturiers dont Poiret (4 Per Res 19), sont également représentatives de ces publications commerciales de prestige. Enfin, un ensemble de dessins gouachés de Robert Dammy pour des robes et costumes parisiens de 1913 se situe dans la lignée de ce type de publications (Ms 342343) ; d’autres dessins aquarellés de toilettes de Doucet par Drésa et Dammy, destinés à la Gazette du bon ton, sont conservés au sein du carton 4 du fonds d’archives 097 (archives Jacques Doucet).

Mais on trouve aussi des documents moins luxueux, par exemple une surprenante brochure vantant les perruques pour hommes de la maison Lalanne (8 Res 913), accompagnée d’une note de la main de Cornu insistant sur la nécessité de conserver aussi ce type d’artefact.


Gazette du Bon Ton, n° 3, 1912 (détails), bibliothèque de l’INHA, collections Jacques-Doucet, 4 Per Res 19. Clichés INHA


Les robes de Paul Poiret racontées par Paul Iribe, Paris, Paul Poiret, [1908], bibliothèque de l’INHA, 4 Est 619. Cliché INHA

Lucie Fléjou, service du Patrimoine

Pour en savoir plus

  • Découvrez le programme de recherche « Histoire de la mode et du vêtement » mené sous la direction de Philippe Thiébaut au sein du Département des études et de la recherche de l’INHA.
  • Les collections patrimoniales de la bibliothèque de l’INHA (livres rares, estampes, manuscrits…) se consultent  à la bibliothèque, au sein de l’espace Jacques-Doucet, situé dans la salle Labrouste, du lundi au samedi de 14h à 18h.
  • Dans le cadre du cycle « Trésors de la BnF et de l’INHA », le recueil Les choses de Paul Poiret fera l’objet d’une conférence par Anne-Élisabeth Buxtorf et Philippe Thiébaut, le 13 juin 2017, dans l’auditorium de la galerie Colbert.