Depuis le 16 janvier 2017, vous avez la possibilité de consulter les documents patrimoniaux de la bibliothèque de l’INHA, dans l’espace Jacques Doucet, situé dans l’hémicycle de la salle Labrouste.

Cette ouverture est possible grâce à l’achèvement du transfert de ces collections. De formats et types divers, souvent fragiles et/ou précieux, ces documents posaient des contraintes spécifiques.

C’est le moment de vous proposer un petit retour sur la préparation et l’organisation de ce déménagement, en trois grandes étapes :

  • l’évaluation des collections (mars 2013-décembre 2016) ;
  • l’implantation théorique et la préparation des nouveaux magasins (juillet 2015-décembre 2016) ;
  • le transfert (décembre 2016-janvier 2017).

Les collections patrimoniales : contexte

Dès les débuts de sa bibliothèque d’art et d’archéologie, Jacques Doucet avait entrepris de rassembler des collections patrimoniales. Régulièrement enrichies depuis la création de la bibliothèque, elles remplissent aujourd’hui près de trois kilomètres linéaires de rayonnages.

Plus encore que les collections « courantes », ces collections sont diverses par leurs supports, leurs formats, leurs provenances (collections de Jacques Doucet, acquisitions récentes, collections de la BCMN). Parmi celles-ci, plusieurs ensembles se distinguent :

  • les imprimés reliés ou brochés, rassemblant les livres, recueils d’estampes, revues, anciens, rares et/ou précieux, dont de nombreux catalogues de vente, majoritairement publiés avant 1830 (cotes Res, Est, Per Res, VP Res) ;
  • les documents graphiques en feuilles : estampes anciennes et modernes, dessins (cotes EA, EM, OA, OB, OC, OD, OE, IO, VO) ;
  • les photographies, incluant les photothèques de Jacques Doucet et celle de la Sorbonne, ainsi que des albums photographiques d’artistes, d’amateurs et d’archéologues (cotes Photothèque, Phot, Plaques Phot) ;
  • les documents manuscrits, reliés ou constitués de pièces isolées : autographes, fonds d’archives, manuscrits reliés (cotes Autographes, Archives, Ms) ;
  • les cartons verts (cartons d’invitation aux expositions) (cotes CVA, CVC, CVM, CVG, CVS).

Des formats divers

Ces documents, parfois conservés en boîtes, debout ou rangées à plat, sont de divers tailles et formats, dont la connaissance est fondamentale dans le cadre d’un déménagement. Dans le cas des livres imprimés, la cote du document fournit une indication. Autrefois déterminé par le mode de pliage des cahiers servant à la composition du livre, le format des livres de la bibliothèque de l’INHA correspond aujourd’hui aux hauteurs maximales suivantes :

  • Plano (Pl) : plus de 60 cm ;
  • Folio (Fol) : entre 40,1 et 60 cm ;
  • Quarto (4) : entre 25,1 et 40 cm ;
  • Octavo (8) : entre 20,1 et 25 cm ;
  • In-douze (12)  : 20 cm et moins.


Différents formats d’ouvrages à la bibliothèque de l’INHA. Cliché Céline Cachaud – INHA

Dans le cas de collections conservées en boîtes, les formats de ces dernières sont plus ou moins standardisés : ainsi, la majorité des fonds d’archives et d’autographes est conservée en boîtes Cauchard de dimensions 40 x 28 x 12 cm. La photothèque Doucet quant à elle, est conditionnée dans d’élégantes boîtes toilées de trois formats différents, dont les plus grandes dépassent les 70 cm de hauteur et pèsent près d’une douzaine de kilos. Enfin, les documents graphiques en feuilles (estampes, dessins) sont conservés dans des boîtes plates de 56 sur 75 cm , elles-mêmes stockées dans des meubles à plans spécifiques.

Des rythmes d’accroissement à anticiper

Derrière la diversité matérielle des collections, il y a aussi de grandes variations dans les rythmes d’accroissement : certains fonds sont clos (collections de la BCMN), d’autres, comme les collections de livres anciens, s’accroissent peu. En revanche, les fonds d’archives ou encore, les cartons d’invitation aux expositions, connaissent une croissance rapide, parfois difficilement prévisible, car déterminée par la générosité de nos donateurs.

Des collections dispersées à rassembler

Enfin, en raison du manque de place, ces différentes collections étaient depuis leur arrivée sur le site Richelieu en 1992, conservées dans divers lieux, remplissant, de manière ordonnée mais complexe, jusqu’au dernier recoin disponible des magasins situés au « caveau », c’est-à-dire le deuxième-sous sol de la salle Ovale, ou au 6e étage. Par ailleurs, certains fonds d’archives étaient stockés dans les sous-sols de la galerie Colbert, ce qui rendait malaisée leur communication aux lecteurs. Enfin, une petite partie des fonds patrimoniaux (périodiques de réserve, copies de manuscrits) est délocalisée au CTLes de Marne-la-Vallée, d’où elle doit aussi très prochainement revenir.

D’autre part, les fonds patrimoniaux de la bibliothèque se sont enrichis en janvier 2016 des livres anciens et des manuscrits de la Bibliothèque centrale des musées nationaux : transférés après la fermeture de la BCMN au CTLes, ces documents, dont on évaluait difficilement les volumétries, devaient aussi rejoindre les magasins dédiés aux collections patrimoniales de l’INHA.

La préparation du transfert des collections

Les métrages

La première étape dans l’organisation de ce déménagement était, comme pour le libre accès, l’implantation, c’est-à-dire la visualisation théorique des collections au sein des nouveaux espaces.

Il a donc fallu avant toutes choses mesurer les collections, format par format, en prenant en compte les accroissements futurs ainsi que les travaux de conditionnement préalables aux transferts. Ces métrages ont été réalisés au printemps 2013 par l’équipe du service du patrimoine, avec le renfort d’une stagiaire conservatrice de l’ENSSIB. Mis à jour par la suite, ils ont permis l’élaboration d’un tableau excel récapitulatif, base du travail d’implantation.


Extrait du tableau de recensement des collections de la bibliothèque de l’INHA

L’implantation théorique des collections

Puis on a confronté ces métrages avec les espaces disponibles dans les nouveaux magasins affectés aux fonds patrimoniaux, situés le long de la rue de Richelieu. L’affectation à l’INHA de ces magasins, validée en 2009, avait été réalisée suite aux études de capacité diligentées pour le Ministère de la culture par l’ÉMOC entre 2004 et 2009. Contrairement aux collections en libre accès, qui sont installées sur des rayonnages anciens, les collections patrimoniales bénéficient de rayonnages neufs. Réalisés par la société Bruynzeelà partir des études de programmation, ils ont été installés de manière a optimiser la gestion de l’espace disponible en tenant compte des innombrables contraintes d’aménagement des locaux (espaces techniques, gaines, etc).

Les plans définitifs des rayonnages Bruynzeel ont permis d’obtenir, courant 2015, une vision précise des linéaires disponibles dans les nouveaux locaux. À partir de ces plans, il a donc été possible d’« implanter » virtuellement les collections, étagère par étagère, en imaginant un rangement adapté à la variété de nos formats.

Les objectifs de ce travail d’implantation extrêmement minutieux étaient :

  • d’abord, bien sûr de parvenir à faire « rentrer » l’ensemble des collections dans les espaces à notre disposition, en tenant compte des différentes profondeurs de rayonnages ;
  • de prévoir des espaces libres pour les accroissements des fonds, de manière différenciée selon les types de documents ;
  • d’optimiser les conditions de conservation des collections (par exemple, boîtes de grand format mises à plat, plaques de verre disposées sur des rayonnages fixes plutôt qu’en rayonnages mobiles…) ;
  • de permettre la maniabilité des collections (par exemple, ne pas positionner trop en hauteur des collections de grand format) ;
  • qu’une logique d’ensemble structure les magasins.

Des plans de chaque magasin ont ensuite été réalisés, indiquant la localisation future de chaque ensemble de cotes, vue « de dessus », et aussi, rayonnage par rayonnage.


Vue « de dessus » de l’implantation des collections patrimoniales, 2016.


Implantation des collections patrimoniales, rayonnage par rayonnage, 2016

Le tablettage

Ces schémas des rayonnages fournissent les indications sur le tablettage prévu, étagère par étagère, d’une grande complexité. En effet, les collections étant de formes et tailles très variées, il fallait impérativement optimiser l’espace ; au cœur du IIe arrondissement de Paris, chaque centimètre compte !

Les rayonnages étant de dimensions diverses (3 profondeurs, 5 largeurs et 8 hauteurs différentes), et les tablettes de deux épaisseurs possibles en fonction du poids des documents stockés, de laborieux et savants calculs ont été nécessaires pour établir le tablettage idéal, après de longs tâtonnements, incluant de nombreuses revérifications des métrages et hauteurs des documents.

Ensuite, nous avons mis en place concrètement ce tablettage. En effet, les étagères avaient été livrées avec un tablettage standard pas toujours adapté aux formats de nos collections. Après une ultime commande de tablettes supplémentaires, et grâce, entre autres, à la mobilisation de nombreux moniteurs étudiants de la bibliothèque, nous avons pu achever le tablettage des magasins le 9 décembre… soit trois jours pile avant l’arrivée des collections qui devaient y être installées !

La préparation du transfert

Pendant ce temps, de l’autre côté du quadrilatère Richelieu, dans les anciens magasins, la préparation du déménagement avait aussi bien avancé depuis le mois de novembre ! Pour faciliter les opérations de transfert, un  « bornage » des collections a été réalisé par les responsables des diverses collections du service. En effet, dans les anciens magasins, les documents d’une même cote – par exemple les livres de format « Folio », ou bien certains fonds d’archives ou de photographies – pouvaient être répartis à divers endroits afin de gagner de la place. Les différents morceaux d’une même cote ont été signalés par des étiquettes de bornage à destination des déménageurs. Elles indiquaient l’ordre dans lequel chaque bloc devait être prélevé et sa place dans les nouveaux magasins, permettant ainsi de rendre leur cohérence aux collections.


Vue des anciens magasins avec le bornage des collections. Cliché Lucie Robert – INHA

Le transfert

Début décembre, collections, magasins et personnel de la bibliothèque étaient fin prêts. Le transfert des collections des magasins vers les nouveaux a débuté. Au départ des collections, dans les anciens magasins, les déménageurs plaçaient les documents, cote après cote, en suivant l’ordre des étiquettes de bornage, dans des armoires roulantes qu’ils acheminaient ensuite vers les nouveaux magasins. Une fois là-bas, les collections étaient installées à la place indiquée par le plan, dont des exemplaires étaient fixés sur chaque rayonnage.

Au départ et à l’arrivée des collections, un référent du service du patrimoine était posté afin de veiller au bon déroulement du déménagement.  Au départ, il s’agissait de veiller à ce qu’aucun document ne soit oublié, dans le dédale des anciens magasins, et à l’arrivée, que tous les documents soient installés au bon endroit. Ceci a également permis de vérifier la bonne implantation et, parfois d’ajuster « en direct » le tablettage des magasins.


Vue d’un nouveau magasin des collections patrimoniales de la bibliothèque. CLiché Céline Cachaud – INHA

Le transfert des collections patrimoniales a demandé plusieurs années de préparation et une grande implication de la part des équipes du service du patrimoine de la bibliothèque. Cette mission a pu être menée à bien afin de vous permettre de consulter à nouveau ces documents à la date prévue.

Céline Cachaud et Lucie Robert, service du patrimoine