Les lions de Jean-Baptiste Huet et le regard captif en France post-révolutionnaire Dans le cadre des Rencontres du Centre André Chastel

Un lion et sa femelle allaitant ses petits, 1801-1802, Salon de 1802, 97 x 130 cm, collection particulière

Au Salon de 1802, Jean-Baptiste Huet (1745-1811), alors âgé de 57 ans, exposa le dernier tableau de sa longue et illustre carrière de peintre animalier. Son biographe devait dire plus tard que le tableau, intitulé Un lion et sa femelle  allaitant ses petits, et les multiples dessins de ces lions étaient les œuvres « les plus sérieuses et sincères » de sa carrière de plus de 40 ans. Huet poursuivait aussi dans ce tableau hypnotique et saisissant un chemin qui n’avait presque aucun lien avec ses réalisations antérieures. Pour la première fois, il dépeint des animaux dangereux, étrangers et carnassiers. C’est aussi l’un des plus grands tableaux animaliers qu’il ait réalisés. Il représente une famille de lions célèbres dans le Paris post-révolutionnaire. Les deux adultes, Constantine et Marc, avaient été amenés de Tunisie en 1798 et vivaient dans la ménagerie du Jardin des plantes avec leurs lionceaux. Fondée en 1794, l’institution était récente. Cela montre la modernité du sujet d’une originalité surprenante dans l’histoire de la peinture animalière en France : des animaux célébrés et féroces à l’intérieur d’une cage ou d’« une prison », derrière une grille de fer. Huet ose placer le spectateur dans un espace réservé à des lions qui le regardent et provoquent sa réaction.
Le message adressé au public et l’importance éthique de la production visuelle post-révolutionnaire ont principalement été traités à propos de la grande peinture d’histoire, genre privilégié par les grands artistes pour parler à leur public. C’est le genre où les discours sur les rapports de l’art et la société se retrouvent, se reproduisent et s’interpénètrent. En tant que peintre animalier, Huet possédait une certaine liberté quant à son sujet, puisqu’il n’était pas soumis aux codes du décorum et de l’humanisme qu’exigeaient les grandes machines. Ainsi, ces lions peuvent interpeller directement l’œil d’un spectateur pris dans ce jeu de regards. Sensibilisé à leur captivité, le spectateur se confronte à des bêtes féroces dont la signification avait pourtant toujours été liée à la souveraineté, au pouvoir et à la justice.

Intervenant

  • Katie Hornstein (Dartmouth College)

A propos des Rencontres du Centre André Chastel

Depuis 2012, le Centre André Chastel propose un cycle de conférences dans des champs variés de l’histoire de l’art médiéval, moderne et contemporain. Ces rencontres sont des rendez-vous mensuels destinés à faire connaître au public les travaux les plus récents des membres - chercheurs, enseignants-chercheurs et doctorants - ainsi que des correspondants du Centre Chastel.

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Informations pratiques

13 mars 2019 - 18H30-20H

Galerie Colbert, salle Ingres (2e étage)
Institut national d’histoire de l’art
2, rue Vivienne ou 6 rue des Petits Champs
75002 Paris

Entrée libre