RIGOLLOT, Marcel-Jérôme(30 septembre 1786, Doullens – décembre 1854, Amiens)

Auteur(s) de la notice : PINETTE Matthieu

Profession ou activité principale

Médecin, directeur de l'École préparatoire de médecine et de pharmacie d'Amiens et professeur dans cet établissement

Autres activités
Archéologue, numismate, historien de l'art (peinture, sculpture), historien (histoire locale)

Sujets d'étude
Préhistoire, numismatique médiévale, évolution de l'art du Moyen Âge et de la Renaissance, Puys d'Amiens

Carrière
1803 : étudiant à l'École de médecine de Paris, puis bientôt employé comme chirurgien « sous-aide » dans les hôpitaux militaires de la ville
1806-1809 : attaché comme chirurgien « sous-aide » à la 32e demi-brigade d'infanterie de ligne
1809 : reçoit le diplôme de docteur en médecine
1810-1813 : abandonne les armées et revient à Amiens
1813 : médecin de première classe de la Grande armée (Görlitz, Waldheim, Dresde puis Mayence)
1814 : attaché aux hôpitaux de Metz, Château-Thierry et Meaux
1815 : nommé médecin du dépôt de mendicité de la Somme à Amiens
1820-1854 : occupe la fonction de médecin de l'hôtel-Dieu d'Amiens et professe dans cet établissement
1836 : concourt à la formation de la Société d'archéologie du département de la Somme, devenue un peu plus tard Société des antiquaires de Picardie, dont il sera sept fois président (1836, 1837, 1838, 1840, 1848, 1849 et 1853)
1831 : membre du conseil municipal d'Amiens à partir de cette date
1854 : enterrement le 31 décembre ; lègue (1849) au musée de la Société des antiquaires de Picardie (actuel musée de Picardie, Amiens) : une figurine en bronze figurant un Silène ivre (époque gallo-romaine), une plaque de reliure en ivoire figurant des épisodes de la vie de saint Remi (IXe siècle), « deux planches de médailles renfermant les monnaies d'Amiens et des villes de Picardie », une série de monnaies en plomb « des évêques et des innocents » et, à la bibliothèque municipale, le cartulaire de l'abbaye de Saint-Jean, « le manuscrit où se trouve les épîtres farcies », le journal de Jehan Patte, bourgeois d'Amiens (Bulletins de la Société des antiquaires de Picardie, t. V, 1853-1855, 1855, p. 299-300)
1855 : don par sa veuve de son buste en plâtre par Gédéon de Forceville (1799-1886), signé et daté 1846 (Amiens, musée de Picardie, dépôt de la Société des antiquaires de Picardie)

Chevalier de la Légion d'honneur (1849) ; membre correspondant de l'Académie royale puis impériale de médecine ; membre de la Société médicale d'Amiens ; membre de l'Académie d'Amiens ; officier de l'Université ; correspondant de l'Institut, Académie des inscriptions (1854)

Étude critique

Marcel Jérôme Rigollot incarne l'image emblématique du médecin savant et provincial tel que le XIXe siècle en compte de nombreux. Fils d'un célèbre médecin d'Amiens, il s'engage dès l'âge de dix-sept ans dans la carrière médicale, après des études à l'École centrale de cette ville. De retour à Amiens après les aventures militaires qui marquent le début de sa vie professionnelle dans le sillage de la Grande armée, il participe à diverses instances locales liées à la vie médicale, à l'hygiène et à la salubrité.

Rigollot est un enfant de sa province et de « sa » ville d'Amiens, car si celle-ci n'est que sa cité d'adoption, elle deviendra le centre de ses préoccupations. Citoyen engagé, il s'implique dans la vie publique et municipale : « Ses connaissances variées, son esprit droit, son jugement sûr et son attachement à la ville en faisaient l'un des membres [du conseil municipal] les plus distingués et les plus actifs » (J. G., Obsèques… 1855, p. 250). Les éloges, peut-être un peu convenus, prononcés par ses contemporains après son décès traduisent du moins un militantisme local bien réel : « Quant aux titres qui rattachaient M. Rigollot à notre cité, nous n'en finirions pas si nous voulions les énumérer : on le trouve partout où il s'agit de dévouement à la chose publique » (G. Rembault, « Notice nécrologique de M. le docteur Rigollot », 1855, p. 255).

Militant de la « chose publique », Rigollot se montre fort actif à développer l'impact des arts et des lettres sur ce territoire qui lui est cher, et il œuvre pour doter la capitale de la Picardie des institutions culturelles qu'elle mérite. Il est ainsi l'un des fondateurs en 1836 de la Société d'archéologie du département de la Somme (future Société des antiquaires de Picardie), dont il est le premier président, avant de l'être de nouveau six fois. Aux yeux de ses confrères, il incarne à lui seul la compagnie elle-même : « M. Rigollot était celui de nos collègues qui, par l'étendue et la variété de ses connaissances, personnifiait le mieux la Société des antiquaires de Picardie », lance M. Bouthors (A. Bouthors, « Discours [...] », 1854, p. 252), président de ladite société en 1854. Rigollot contribue aussi à l'émergence de l'ambitieux projet qui permettra de doter Amiens de l'un des premiers musées modernes de France, le musée Napoléon (futur musée de Picardie). C'est en effet lui qui obtient de Napoléon III la cession du terrain de l'arsenal où sera érigé ce monument exemplaire, qu'il ne verra d'ailleurs jamais.

« Honnête homme », Rigollot est aussi un savant discret : « C'est surtout dans les rapports intimes que se révélaient toute l'étendue et la variété de ses connaissances » (J. G., 1855, p. 250). Son érudition s'étend loin, au-delà de ses domaines de prédilection. Bien entendu, ce médecin va commettre quelques écrits sur sa discipline professionnelle, dont une Esquisse de l'histoire de la thérapeutique, mais l'essentiel de sa production concerne d'autres champs.

L'archéologie est l'un de ses terrains de prédilection. Il participe, dans le sillage de Boucher de Perthes, aux premiers travaux sur l'industrie lithique de Saint-Acheul (voir par exemple dans les Bulletins de la Société des antiquaires de Picardie, t. V, 1853-1855, p. 246, l'évocation d'une étude de Rigollot concernant des haches trouvées à Saint-Acheul). Bien qu'il ait clairement indiqué lui-même que ses propres travaux n'avaient pour but que de poursuivre et de confirmer les découvertes de Boucher de Perthes, une brève polémique va opposer, après sa disparition, l'auteur de son éloge funèbre, Bouthors, et le savant d'Abbeville. Bouthors avait en effet déclaré que, grâce à des haches en silex découvertes dans « les terrains diluviens » de Saint-Acheul, Rigollot avait établi « le fait de l'existence de l'homme avant les dernières révolutions du globe », et d'ajouter : « Peut-être aura-t-il eu la gloire de dévoiler le premier ce mystère jusqu'à présent demeuré impénétrable. » Boucher de Perthes contestera vivement cette assertion, se prétendant lui-même à l'origine de cette découverte annoncée dès 1847, argument étayé par une lettre que lui avait adressée Rigollot lui-même et dans laquelle celui-ci avait écrit : « Je ne fais guère que suivre vos traces et ma seule ambition est de prouver que vous avez eu raison en annonçant le premier que notre pays avait été habité par des hommes avant le cataclysme qui a détruit les éléphants et les rhinocéros qui y vivaient. Ce que vous avez dit avec tous les développements nécessaires pour convaincre, je le redis plus brièvement et sans doute moins bien » (voir dans les Bulletins de la Société des antiquaires de Picardie, t. V, 1853-1855, p. 307-309, la lettre de Boucher de Perthes, accompagnée de la missive à lui adressée par Rigollot, ainsi que la réponse de Bouthors).

La numismatique médiévale constitue un autre axe de ses recherches, parmi lesquelles on retiendra un essai original sur les monnaies « des évêques et des innocents ». Mais son Essai historique sur les arts du dessin en Picardie depuis l'époque romaine jusqu'au XVIe siècle, accompagné d'un atlas de planches exécutées par les frères Duthoit, est certainement le travail le plus ambitieux de Rigollot et le mieux représentatif de sa pensée critique. Dès l'ouverture de l'ouvrage, l'auteur annonce son double projet : fournir « un échantillon propre à montrer […] de siècle en siècle, par quelles vicissitudes ont passé les beaux-arts, depuis l'époque romaine jusqu'à la Renaissance », afin de faire ressortir « la part […] assez glorieuse que la France septentrionale et particulièrement la Picardie ont prise à leur progrès ». L'auteur entend donc par ce texte-manifeste dresser une véritable histoire de l'évolution des arts figurés – car c'est dans cette acception qu'il faut entendre le terme « dessin » – en France entre l'Antiquité et la fin du Moyen Âge, tout en comblant une injustice et rétablissant le rôle éminent à ses yeux de la France du Nord, et en affirmant, là comme ailleurs, l'influence déterminante de l'Italie. Rigollot accumule ses références et passe tour à tour en revue, parmi nombre d'autres exemples, une mosaïque gallo-romaine d'Amiens (« d'un luxe élégant qui n'apparaît que là où la civilisation est déjà avancée »), la Plaque de saint Remi (œuvre « romano-chrétienne » d'un « assez bon goût »), qui appartient à sa propre collection et qu'il léguera au musée d'Amiens, des manuscrits d'Abbeville ou de Saint-Omer, un chapiteau de Corbie ou le relief de Sains-en-Amiénois, témoignages volontiers qualifiés de barbares mais qui se distinguent par une finesse de l'exécution et échappent peu à peu aux rigidités de l'esthétique byzantine. Les sculptures de la cathédrale d'Amiens offrent, quant à elles, le témoignage éloquent du point le plus élevé atteint par les imagiers médiévaux « par les seules ressources de leurs dispositions naturelles ». D'autres œuvres, tels les fameux gisants en bronze ou la célèbre « Vierge dorée » de la cathédrale d'Amiens, qui incarne l'apparition du « sentiment », font parfois l'objet de comparaisons avec des parallèles italiens et participent de cette évolution artistique, de cette libération face aux archaïsmes des modèles anciens, même si la France bénéficie plus tardivement de l'influence de l'antique. Les sculptures de la fin du Moyen Âge – telle la Salomé de la clôture du chœur de la cathédrale d'Amiens – s'inscrivent enfin dans une tendance gracieuse et virtuose, mais un peu facile et sans « véritable beauté », alors que le tombeau de Raoul de Lannoy de l'église de Folleville s'impose par la pureté des formes comme une œuvre italienne, dans la lignée d'un Léonard.

Dans son travail sur les Puys d'Amiens, complété et publié après sa mort par A. Breuil, Rigollot s'intéresse, en privilégiant l'approche historique et iconographique, au mécénat artistique d'une confrérie amiénoise médiévale extrêmement singulière. Cette contribution demeure une somme irremplaçable, rigoureuse et synthétique, sur ce phénomène artistico-religieux. Et c'est encore l'art pictural qui sollicite Rigollot lorsqu'il entreprend précocement le catalogue de l'œuvre de Léonard de Vinci, révélateur de son admiration pour ce maître, autant que de sa vision du rôle prééminent de l'art italien.

Matthieu Pinette, conservateur en chef, cogérant du château de Germolles

Principales publications

Ouvrages

Articles

  • « Essai sur une monnaie d'or frappée sous les mérovingiens, et portant le nom de l'église de Saint-Martin-aux-Jumeaux d'Amiens ». Mémoires de l'Académie d'Amiens, t. I, 1835.
  • « Essai sur le manuscrit de Froissart de la bibliothèque d'Amiens, et en particulier sur le récit de la bataille de Crécy ». Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, t. III, 1840, p. 131-184.
  • « Notice sur une découverte de monnaies picardes du XIe siècle, recueillies et décrites par Fernand Mallet et le Dr Rigollot ». Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie, 1841, p. 5-83.
  • « Notice sur une sépulture romaine découverte sur le territoire de la ville d'Amiens ». Bulletins de la Société des antiquaires de Picardie, t. V, 1853-1855, p. 346-349.

Bibliographie critique sélective

  • Bouthors A., « Discours […] au nom de la Société des antiquaires de Picardie [à l'occasion des funérailles de M. Rigollot] ». Bulletins de la Société des antiquaires de Picardie, t. V, 1853-1855, p. 251-253.
  • J. G., « Obsèques de M. le docteur Rigollot ». Bulletins de la Société des antiquaires de Picardie, t. V, 1853-1855, p. 249-251.
  • Rembault G., « Notice nécrologique de M. le docteur Rigollot ». Bulletins de la Société des antiquaires de Picardie, t. V, 1853-1855, p. 253-256.

Sources identifiées

Pas de sources recensées à ce jour