GRANDMAISON, Charles (de)(29 mars 1824, Poitiers [Vienne] – 16 juin 1903, La Membrolle [Indre-et-Loire])

Auteur(s) de la notice : FORLIVESI Luc

Profession ou activité principale

Archiviste-paléographe

Autres activités
Historien de l'art

Sujets d'étude
Histoire de l'art, histoire de la Touraine et de la ville de Tours (institutions, monuments, artistes, arts, etc.), archives

Carrière
Octobre 1836-août 1845 : élève au collège royal de Niort
11 août 1845 : bachelier ès lettres à Poitiers
1845-1846 : élève à la faculté de médecine de Paris
1847-1850 : élève à l'École nationale des chartes
1850 : archiviste-paléographe (promotion du 8 avril 1850)
Décembre 1850 - décembre 1852 : attaché au catalogue du département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale
1er avril 1852 : secrétaire de la Société de l'École des chartes
1852 : archiviste d'Indre-et-Loire (arrêté préfectoral du 7 décembre)
18 mars 1853 : membre du musée de la Société archéologique de Touraine
30 janvier 1856 : secrétaire-adjoint du musée de la Société archéologique de Touraine
28 janvier 1858 : trésorier-conservateur du musée de la Société archéologique de Touraine
1858 : inspecteur des archives communales et hospitalières d'Indre-et-Loire (arrêté préfectoral du 18 janvier)
1858 : correspondant du ministère de l'Instruction publique pour les travaux historiques et scientifiques (arrêté ministériel du 26 août)
26 janvier 1859 - 29 janvier 1868 : vice-président de la Société archéologique de Touraine
1865 : mention très honorable d'histoire au concours des Sociétés savantes
29 janvier 1868 - 26 avril 1871 : président de la Société archéologique de Touraine
17 avril 1868 : officier d'Académie
1872 : membre du conseil de la Société française d'archéologie
8 avril 1874 : officier de l'Instruction publique
24 décembre 1875 : inspecteur départemental de la Société française d'archéologie
1881 : président honoraire du Comité de la section rétrospective de l'exposition des beaux-arts à Tours
1884 : membre de la Commission de la bibliothèque municipale de Tours (arrêté ministériel du 8 mai)
1888-1903 : vice-président de la Commission de la bibliothèque municipale de Tours
1884 : membre non résidant du Comité des travaux historiques et scientifiques (arrêté ministériel du 17 mai)
1887 : correspondant du Comité des Sociétés des beaux-arts des départements (arrêté ministériel du 26 mai)
30 décembre 1892 : correspondant de l'Institut de France, Académie des inscriptions et belles-lettres
1894 : archiviste honoraire d'Indre-et-Loire (arrêté préfectoral du 15 mai)
1897 : membre non résidant du Comité des Sociétés des beaux-arts des départements (arrêté ministériel du 27 février)

Prix d'archéologie au concours des Sociétés savantes de 1869 ; chevalier de la Légion d'honneur (1870) ; membre titulaire de la Société des antiquaires de l'Ouest (1870) ; membre fondateur de la Société de l'Histoire de l'Art français (1871)

Étude critique

« Monsieur de Grandmaison aime beaucoup l'étude et travaille en quelque sorte constamment » (archives départementales d'Indre-et-Loire, T 1629).

Cette annotation manuscrite du préfet d'Indre-et-Loire transmise au ministre de l'Intérieur en 1875 illustrerait presque à elle seule la personnalité de Charles Loizeau de Grandmaison. Que ce soit par ses inventaires d'archives ou ses publications, articles ou autres éditions de texte, cet archiviste n'a eu de cesse de chercher des documents inédits, de les transcrire et de les mettre à la disposition du plus grand nombre en les publiant avec un apparat critique. Sa riche bibliographie regorge de références qui parfois confinent au pointillisme. Nombre d'articles sont en effet publiés sous diverses formes et à plusieurs reprises, mais avec à chaque fois des corrections ou des additions. Ses champs d'investigation sont aussi variés que les fonds d'archives dont il a eu la charge en Indre-et-Loire pendant 42 ans. Histoire des institutions, histoire des arts, archéologie ou comptes rendus d'ouvrages, tout est sujet pour lui à produire un travail d'érudit au meilleur sens du terme. Comme le note le rapporteur du concours des Sociétés savantes de 1869, loin d'une brillante fantaisie, Charles de Grandmaison se contente de présenter le « précieux matériau ». Les notules et les courtes transcriptions alternent avec des travaux de plus grande ampleur comme lorsqu'il édite le Liber de servis de Marmoutier, mais dans tous les cas la rigueur de traitement reste identique.

Le grand œuvre archivistique de Charles de Grandmaison reste la publication entre 1878 et 1891 des trois volumes des Archives civiles et ecclésiastiques d'Indre-et-Loire antérieures à 1790. Au-delà du seul travail d'organisation et de description des fonds, l'essentiel se situe dans l'introduction détaillée de chaque volume, véritable état des lieux des dossiers, de leurs richesses et de leurs lacunes. De courtes monographies par établissement ecclésiastique complètent l'ensemble. Une urgente nécessité est ressentie par l'auteur de décrire même sommairement des masses riches d'histoire, au point de s'interdire de toute recherche approfondie, au moins dans ce cadre. Il s'agit pour Grandmaison de mettre en lumière les perspectives et les impasses de la recherche à venir. Le vol vers 1830 d'une liasse de chartes du Xe siècle provenant de l'abbaye Saint-Julien par un fonctionnaire « indélicat » lui donne l'occasion de montrer tout son talent. Non content de récupérer les fragments découpés dans les dos et les plats de reliure des registres des greffes des tribunaux du département, il en reconstitue patiemment trente-sept comme des puzzles de parchemin. Ces textes inédits et publiés par ses soins forment une documentation utilisée par les historiens de la ville de Tours et notamment en 2007 à l'occasion de l'exposition Tours antique et médiéval par Henri Galinié, Hélène Noizet et leurs collègues.

L'intérêt pour les artistes, les arts et l'architecture prédomine dans sa bibliographie : près de 50 % des références et une forte fréquence pour la période 1869-1891, lorsqu'il occupe des fonctions importantes dans plusieurs Sociétés savantes dont la Société archéologique de Touraine. Si l'on doit mettre en avant l'une des publications recensées, l'étude intitulée Documents inédits pour servir à l'histoire des arts en Touraine illustre sa méthode. Dès l'introduction, l'auteur précise qu'il souhaite faire de l'histoire des arts sans se limiter à la seule description des monuments, fût-elle très gratifiante. Il lui préfère la quête d'indications utiles parmi des « parchemins poudreux ». Charles de Grandmaison met aussi en avant la notion d'école et d'atelier que ne doit pas occulter la renommée de quelques maîtres. Il faut « tout lire, tout déchiffrer » et publier pour que la recherche soit utile. L'humilité n'est pas complètement feinte et l'auteur préfère aligner les références et les cotes pour laisser à un autre le soin de faire la synthèse, sans s'interdire de faire état de ses connaissances pour faire ressortir, par exemple, la spécificité de l'école tourangelle de miniature et d'enluminure. La répartition des chapitres correspond à un souci de clarté : peintres, architectes, sculpteurs et tous les autres qui sont orfèvres ou encore brodeurs et armuriers… Cet ouvrage reste l'un de ceux qui sont encore cités dans les bibliographies des auteurs qui traitent des arts à partir du règne de Louis XI. Malgré son souhait initial de neutralité, Charles de Grandmaison prend part au débat sur les origines de la Renaissance. Dans son compte rendu de l'ouvrage de Paul Vitry en 1902 dans La Bibliothèque de l'École des chartes, il s'oppose à une vision trop française des sources d'inspiration et penche pour une diversité des influences où l'Italie a toute sa part.

Comme il l'a écrit de façon théorique dans un manuscrit inédit rédigé entre 1840 et 1850 (archives départementales d'Indre-et-Loire, fonds Grandmaison, 8 F 193), la démarche historique s'articule en deux temps, l'analyse et la synthèse qui, combinées, produisent « la matière de l'histoire ». Mais à ses yeux, la première phase est primordiale. Et l'éloge appuyé des grands déchiffreurs et éditeurs de textes souligne le trait. Jean Mabillon, Ducange, Louis-Georges Bréquigny et Étienne Baluze sont les références auxquelles doit se reporter l'historien, et il s'oppose clairement aux publications d'Augustin Thierry et de François Guizot, qualifiés d'historiens modernes…

À s'en tenir à ces éléments, Charles de Grandmaison pourrait alors être perçu comme le « modèle de l'archiviste » de l'époque, comme l'écrivit son ami Léopold Delisle. Avec ses lunettes rondes, ses moustaches finement taillées et une blouse sombre, le personnage est austère et imposant. Mais les réflexions personnelles qui surgissent de la correspondance privée révèlent une situation plus complexe. Une telle longévité dans le même poste semble parfois lui peser au point d'écrire au même Delisle que les Parisiens ne savent pas ce qu'éprouve un « pauvre provincial un peu intelligent et qui d'ordinaire ne peut commercer et causer qu'avec de bons bourgeois un peu ternes » (archives départementales d'Indre-et-Loire, fonds Grandmaison, 8 F 99, 17 janvier 1883). Une fois au moins, les fonctions de Charles de Grandmaison furent l'occasion d'une rencontre déterminante lors de la convalescence d'Alexis de Tocqueville, qui s'était établi temporairement entre le mois de juin 1853 et le mois d'avril 1854 à Saint-Cyr-sur-Loire près de Tours. L'historien lui demande en effet de lui communiquer les liasses provenant des bureaux de l'intendance de Tours en vue d'un ouvrage auquel il réfléchit depuis plusieurs années et par lequel il analyserait l'enchaînement des révolutions depuis 1789. D'abord distantes, les relations entre les deux hommes deviennent rapidement riches et les échanges fructueux au point que Grandmaison en fera le récit détaillé dans un opuscule. « Sans vous et vos archives, je n'aurais pu faire le livre que je viens de publier » écrit Tocqueville à l'archiviste en août 1856, sans oublier de le citer dans la préface de son ouvrage, L'Ancien Régime et la Révolution. On ne peut sans doute pas rêver de plus belle épitaphe…

Luc Forlivesi, directeur des archives départementales d'Indre-et-Loire

Principales publications

Ouvrages et catalogues d'expositions

Articles

  • « Hyacinthe Rigaud. Lettre de Rigaud à Gaignières et lettre de M. de Puysieulx au même, au sujet du portrait de M. de Puysieulx par Rigaud, 1705 ». Anciennes Archives de l'art français, t. I. Documents, 1851-1852, p. 159-160.
  • « Accord fait en 1155 entre Hugues de Sainte-Maure et le chapitre de Saint-Martin [de-Tours, au sujet de la terre de Saint-Epain] ». Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t. VI, 1855, p. 134-137.
  • « Bustes antiques envoyés de Rome au connétable de Montmorency, 1554-1556 ». Anciennes Archives de l'art français, t. VII. Documents, t. IV, 1855-1856, p. 69-71.
  • « La Grille d'argent de Saint-Martin de Tours, donnée par Louis XI, enlevée par François 1er, d'après des documents inédits ». Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t. XIII, 1861, p. 297-332.
  • « Notice sur les fouilles exécutées dans l'abside de l'ancienne basilique de Saint-Martin de Tours en 1860-1861… » Mémoires lus à la Sorbonne. Archéologie, [t. I], 1861, p. 171-176.
  • « Notice sur l'hôtel de Beaune-Semblançay [à Tours] ». Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. I, 1868-1870, p. 179-186.
  • « Compotus particularis pagamenti ornamentorum et aliorum utensilium castri Ambasiae, in anno M°CCCC°IVxxXIII ». Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. I, 1868-1870, p. 253-304.
  • « Jean Bourdichon. Document communiqué et annoté par C. Grandmaison, [juillet 1521] ». Nouvelles Archives de l'art français, [t. I], 1872, p. 146-148.
  • « Château de Chenonceau. Fin des constructions, 1521 ». Nouvelles Archives de l'art français, [t. I], 1872, p. 151-153.
  • « Nouveaux Documents sur les sculpteurs Jean Juste et Juste de Juste 1521-1548 ». Nouvelles Archives de l'art français, [t. IV], 1876, p. 82-89.
  • « Gages de peintres et sculpteurs employés par François 1er, 1531-1532 ». Nouvelles Archives de l'art français, [t. IV], 1876, p. 90-92.
  • « Nouveaux Documents sur les États généraux du XVe siècle, publiés et annotés par M. C. de Grandmaison ». Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. IV, 1877-1879, p. 139-155.
  • « Acte de mariage d'Abraham Bosse, graveur ». Bulletin de la Société de l'histoire de l'art français, 1875-1878, avril 1878, p. 204.
  • « Marché fait [par Jean Vallet, brodeur à Chinon] avec Jean Samson [Sanxon], peintre de Tours, pour des parements d'autel et des écussons aux armes de feu Arthus Gouffier, grand-maître de France, 25 mai 1519… ». Nouvelles Archives de l'art français, [t. VI], 1878, p. 240-243.
  • « Quittance de Matteo dal Nassaro [Mathée Dalnassar], de Vérone, graveur en pierres fines, 9 juillet 1532 ». Nouvelles Archives de l'art français, [t. VI], 1878, p. 246.
  • « Inventaire [par Rougeot, directeur du musée de Tours, et Raverot, peintre en miniature] des tableaux et objets d'art des châteaux d'Amboise et de Chanteloup, 29 vent. an II-19 mars 1794 ». Nouvelles Archives de l'art français, 2e série, t. I, 1879, p. 186-192.
  • « Gaignières, ses correspondants et ses collections de portraits ». Bibliothèque de l'École des chartes, t. LI, 1890, p. 573-617.
  • « Deux points de la biographie de Michel Colombe. À propos d'une publication récente [Michel Colombe et la sculpture française de son temps par M. Paul Vitry] ». Bulletin de la Société archéologique de Touraine, t. XIII, 1901-1902, p. 574-585.

Bibliographie critique sélective

  • Guillaume Jean, dir. – L'Invention de la Renaissance : la réception des formes « à l'antique » au début de la Renaissance : actes du colloque, Tours, 1er au 4 juin 1994, université de Tours / Centre d'études supérieures de la Renaissance. Paris : Picard, 2003 (« De architectura »).
  • Croubois Claude, dir. – L'Indre-et-Loire : la Touraine des origines à nos jours. Saint-Jean-d'Angély : Bordessoules, 2006 (« L'Histoire de France par les documents »).
  • Galinié Henri, dir. – « Tours antique et médiéval : lieux de vie, temps de la ville. 40 ans d'archéologie urbaine ». Supplément à la Revue archéologique du Centre de la France. Tours : FERACF, 2007.
  • Noizet Hélène. – La Fabrique de la ville : espaces et sociétés à Tours, IXe-XIIIe siècle. Paris : Publications de la Sorbonne, 2007.
  • Cassagnes-Brouquet Sophie. – Louis XI ou le Mécénat bien tempéré. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2007.

Sources identifiées

Tours, archives départementales d'Indre-et-Loire

  • 8 F fonds Charles et Louis Loizeau de Grandmaison

En complément : Voir la notice dans AGORHA