Appel à contributions : Perpective, Mode(s), n°2023-2

Propositions à envoyer avant le 16 mai 2022.

Thebe Magugu Collection library, homepage and collection access menu (Spring-Summer 2021) [URL: https://www.thebemagugu.com/collections]. Courtesy Thebe Magugu.

Français

La revue Perspective souhaite placer la mode, les modes et leurs m canismes au coeur de son prochain numéro. S’intéresser à la mode comme phénomène pluriel, manifeste dans les objets et les images, influent dans les pratiques artistiques et intimement lié à leur histoire, c’est chercher à comprendre comment se forme une historiographie de la mode dans le champ de l’histoire de l’art. C’est également tenter de saisir ce que la discipline peut gagner à se confronter à cet objet omniprésent et irrésolu, qui interroge ses frontières et ses hièrarchies. Un tel projet ne peut passer que par un regard global sur l’histoire des formes portées et celle des mises en forme et en image de soi, de l’Antiquité au présent le plus immédiat.

Si l’intérêt historiographique pour ces phénomènes s’est développé  essentiellement à partir du milieu du XIXe siècle, la prise en considération du vêtement comme art, et des effets du vêtement sur l’art, à travers une approche géographique et temporelle plus globale, constitue un angle fécond pour penser de nouveaux frais les développements parallèles de l’histoire de l’art et de l’histoire de la mode, comme manifestation anthropologique globale, des arts du vêtement à la question de la parure et des styles.

En effet, les premières histoires du costume qui paraissent au cours du XIXe siècle procèdent d’archéologues et d’historiens dont les études des monuments et des sources iconographiques proposent en premier lieu d’être  " utiles au peintre " : dès lors, tous les passés et toutes les géographies s’invitent, avec une  érudition nouvelle, dans la création de leur temps. Or, ces mêmes savants, à l’image du chartiste Jules Quicherat,participent pourtant à établir la naissance de la mode dans le monde occidental, comme la manifestation cyclique – et genrée – d’une nouveauté s’incarnant dans les apparences à partir du XIVe siècle, avec comme terrain de prédilection la culture française. Pour envisager aujourd’hui ces phénomènes, qui excèdent les questions vestimentaires, il est nécessaire de croiser les aires géographiques et leurs chronologies propres, et de procéder à un inventaire élargi de la notion de mode, à l’échelle du monde et de son histoire.

Deux définitions de la mode s’affirment et se complètent, qui constituent deux approches que ce numéro souhaite aborder à parts égales : une première que d terminent les évolutions formelles des tenues vestimentaires et les variations des lois des apparences, quand une seconde s’assimile au seul renouvellement, perpétuel et cyclique, du goût qui anime les mœurs, et dépasse à ce titre largement les vêtements et leurs accessoires. C’est, d’un côté, l’histoire du costume et de ses composantes se soumettant progressivement au principe de la mode, soit un phénomène qui s’accélère avec les mutations techniques et  économiques de la modernité occidentale, industrielle et capitaliste, mais dont les logiques se perçoivent bien en amont. C’est, d’un autre côté, la question épistémologique du caractère cyclique des apparitions et des disparitions des modes de pensée, de l’image des variations des styles vestimentaires – soit, en somme, la tension entre le sensible et le concept.

Malgré l’omniprésence, ou du moins la récurrence, de la notion de mode au cœur du monde de l’archéologie, de l’art et des beaux-arts, son historiographie demeure un terrain relativement peu balisé. À l’exception de quelques récents travaux, il n’existe pas en France de grande synthèse articulant les étapes principales du développement de ce champ par ceux qui l’ont fait, pensé et diffusé.

Alors que, depuis plus d’un siècle, les champs des histoires du vêtement, du costume et de la mode se précisent, bénéficiant en France des apports de l’anthropologie et de la sociologie (la mode est un objet privilégié pour penser, par exemple, les effets sociaux de l’art, en tant que moteur privilégié de la distinction) et, dans le monde anglo-saxon, de l’apport des cultural studies, une approche historiographique et globale de ces mouvements est désormais nécessaire. Tel est le double intérêt de cette livraison et l’enjeu des recherches en histoire de la mode aujourd’hui. À la nécessité d’un retour sur les fondements même d’un champ de recherche relativement récent répondent les renouvellements méthodologiques qui traversent l’histoire de l’art et ses disciplines voisines, et offrent autant de perspectives d’étude nouvelles.

Longtemps cantonnées par les logiques de légitimation artistique, académique et sociale, à la seule réalité de la haute couture ou à des formes exceptionnelles d’artisanat dédiées à la consommation somptuaire, les productions académiques ont essentiellement restitué une vision élitiste, résolument européo-centrée, des phénomènes de mode. La remise en question de la notion d’auteur, qui permet une prise en compte des réalités complexes des mondes du travail propres à la mode, ou encore celle de la création artistique, autorisant une dé-hiérarchisation des pratiques de production et création vestimentaires, constituent autant de nouveaux récits historiques, avec leurs sources et leurs méthodologies, qu’il s’agit de retracer dans une perspective critique et réflexive. Cela ne peut se passer d’un décentrement des regards, au-delà des grandes dichotomies structurantes (centres et périphéries, majeur et mineur, auctorial et anonyme, champ et hors-champ, global et local, etc.). Car, comme le rappelle l’historienne Anne Hollander, le vêtement est avant tout « une forme d’art visuel, une création d’images ayant pour médium le sujet visible » (« Dress is a form of visual art, a creation of images with the visible self as its medium », Anne Hollander, Seeing Through Clothes, New York, Viking Press, 1978, p. 311). La mode s’insère à ce titre dans la culture visuelle de toutes les époques, qu’elle reflète et sur laquelle elle influe simultanément, offrant à toutes et tous – archéologues, historiens de l’art, historiens, anthropologues, sociologues, philosophes – une perspective féconde pour renouveler leurs méthodes et la façon dont ils s’emparent d’objets d’étude censément familiers.

Perspective

Publiée par l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) depuis 2006, Perspective est une revue semestrielle dont l’ambition est d’exposer l’actualité plurielle d’une recherche en histoire de l’art qui soit toujours située et dynamique, explicitement consciente de son historicité et de ses articulations. Elle témoigne des débats historiographiques de la discipline sans cesser de se confronter aux œuvres et aux images, d’en renouveler la lecture, et de nourrir ainsi une réflexion globale, intra- et interdisciplinaire. La revue publie des textes scientifiques offrant une perspective inédite autour d’un thème donné. Ceux-ci situent leur propos dans un champ large, sans perdre de vue l’objet qu’ils se donnent : ils se projettent au-delà de l’étude de cas précise, et interrogent la discipline, ses moyens, son histoire et ses limites, en inscrivant leurs interrogations dans l’actualité – celle de la recherche en histoire de l’art, celle des disciplines voisines, celle enfin qui nous interpelle toutes et tous en tant que citoyens.

Perspective invite ses contributeurs à actualiser le matériel historiographique et le questionnement théorique à partir duquel ils élaborent leurs travaux, c’est-à-dire à penser, à partir et autour d’une question précise, un bilan qui sera envisagé comme un outil épistémologique. Ainsi, chaque article veillera à actualiser sa réflexion en tissant autant que possible des liens avec les grands débats sociétaux et intellectuels de notre temps.

La revue Perspective est pensée comme un carrefour disciplinaire ayant vocation à favoriser les dialogues entre l’histoire de l’art et d’autres domaines de recherche, des sciences humaines notamment, en mettant en acte le concept du « bon voisinage » développé par Aby Warburg.

Toutes les aires géographiques, toutes les périodes et tous les médiums sont susceptibles d’y figurer.

 Contribuer

Mode(s), no 2023 – 2
Rédaction en chef : Marine Kisiel (INHA) et Matthieu Léglise (INHA)
Numéro coordonné avec Émilie Hammen (Institut français de la mode)
Voir la composition du comité de rédaction.

Prière de faire parvenir vos propositions (un résumé de 2 000 à 3 000 signes, un titre provisoire, une courte bibliographie sur le sujet, et une biographie de quelques lignes) à l’adresse de la rédaction (revue-perspective@inha.fr) avant le 16 mai 2022.

Perspective prenant en charge les traductions, les projets seront examinés par le comité de rédaction quelle que soit la langue. Les auteurs des propositions retenues seront informés de la décision du comité fin juin 2022, tandis que les articles seront à remettre pour le 15 décembre 2022.

Les articles soumis, d’une longueur finale de 25 000 ou 45 000 signes selon le projet envisagé, seront définitivement acceptés à l’issue d’un processus anonyme d’évaluation par les pairs.

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English

The next issue of the biannual journal Perspective will focus on fashion, fashions and their mechanisms. Exploring fashion as a plural phenomenon that manifests itself in objects and images, influences artistic practices and maintains close ties with their history means understanding the formation of a body of fashion literature within the history of art. It also means attempting to grasp what art history has to gain from addressing this omnipresent yet unresolved subject that questions the discipline’s borders and hierarchies. Such an undertaking necessarily involves a comprehensive look at the history of dress as form and the history of giving form and image to the self from Antiquity to the present day.

The scholarly interest in these phenomena essentially developed from the mid-19th century. Today, the consideration of clothing as art, and the effects of clothing on art, through a broader approach over space and time, offers a productive vantage point for rethinking the parallel developments of the history of art and the history of fashion, as an all-encompassing anthropological manifestation, from the arts of clothing to the question of adornment and styles.

In fact, the first histories of dress that appeared during the 19th-century came from archaeologists and historians whose studies of monuments and iconographic sources were above all intended to be “useful to the painter”. From then on, the new erudition invited all pasts and all geographies to enter the creation of their time. The same scholars, such as the historian and archaeologist Jules Quicherat, helped to establish the birth of fashion in the Western world as the cyclical – and gendered – manifestation of an innovation embodied in appearances from the 14th century on, with French culture as its privileged terrain. In order to look at these phenomena today, in a context that goes beyond questions of clothing, it is necessary to confront the geographical areas and their respective chronologies and arrive at an expanded inventory of the notion of fashion across the globe and throughout history.

Two complementary definitions of fashion emerge and these underlie the two approaches that this issue of Perspective seeks to develop: the first aims to determine formal changes in dress and variations in the laws of appearances, while the second conceives of a single, cyclical renewal of taste that inspires customs and thus goes far beyond items of clothing and their accessories. On the one hand, we have the history of clothing and its constituent elements gradually obeying the principle of fashion (a phenomenon that has accelerated with the technical and economic mutations of Western modernity and its industrial capitalism, but whose rationales could be perceived well in advance). On the other hand, we have the epistemological question of the cyclical appearances and disappearances of ways of thinking, like variations in clothing styles (in short, the tension between sense perception and concept).

In spite of the recurrence, if not the omnipresence of the notion of fashion at the heart of archaeology, art and the fine arts, its historiography remains relatively unfamiliar. In France, with the exception of a few recent studies, there is no major overview connecting the key stages of the development of this field by those who have created, analysed and promoted it.

Given that the fields of clothing, dress and fashion history have been defined for more than a century, in France with contributions from anthropology and sociology (e.g., fashion as a driving force of distinction, which is particularly useful for thinking about the social impact of art) and, in the English-speaking world, with the contribution of cultural studies, a global historiographical approach is now necessary. This is the twofold interest of the forthcoming issue of Perspective, and more generally, of research in the history of fashion today: a return to the foundations of a relatively recent field of investigation combined with methodological innovations taking place in art history and related disciplines and the new research perspectives they offer.

The fact that the logics of artistic, academic and social legitimisation have long restricted scholarly research to the unique reality of haute couture or exceptional forms of craft production for luxury consumption has essentially resulted in an elitist, relentlessly European-centred vision of fashion phenomena. Questioning the concept of the author and bringing out the complex realities of the work environments proper to fashion, or questioning that of artistic creation in order to take a less hierarchical view of the practices of clothing production and creation can give rise to a multitude of new historical narratives, with their own sources and methodologies that can now be retraced in a critical, reflexive perspective. This process imperatively involves decentering the gaze, seeing beyond the structuring dichotomies (centres and peripheries, major and minor, authorial and anonymous, in- and out-of-frame, global and local, etc.). As historian Anne Hollander reminds us, dress is above all “a form of visual art, a creation of images with the visible self as its medium” (Seeing Through Clothes, New York, Viking Press, 1978, p. 311). Fashion thus belongs to the visual culture of all eras, simultaneously reflecting and influencing them and offering everyone – archaeologists, art historians, historians, anthropologists, sociologists, philosophers – rich possibilities for renewing their methods and the way they engage with supposedly familiar objects of study.

[translation: Miriam Rosen]

Perspective : actualité en histoire de l’art

Published by the Institut national d’histoire de l’art (INHA) since 2006, Perspective is a biannual journal which aims to bring out the diversity of current research in art history through a constantly evolving approach that is explicitly aware of itself and its own historicity and articulations. It bears witness to the historiographical debates within the field, while remaining in continuous relation with the images and works of art themselves, updating their interpretations, and thus fostering global, intra- and interdisciplinary reflection. The journal publishes scholarly texts which offer innovative perspectives on a given theme. These may be situated within a wide range, yet without ever losing sight of their larger objective: going beyond any given case study in order to interrogate the discipline, its methods, history and limitations, while relating these questions to topical issues from art history and neighboring disciplines that speak to each of us as citizens.

Perspective invites contributors to update their historiographical material and the theoretical questionings from which they draw their work, to think from and around the starting point of a precise question, an assessment that will be considered an epistemological tool rather than a goal in itself. Each article thus calls for a new approach creating links with the great societal and intellectual debates of our time.

Perspective is conceived as a disciplinary crossroads aiming to encourage dialogue between art history and other fields of research, the humanities in particular, and put into action the “law of the good neighbor” developed by Aby Warburg.

All geographical areas, periods, and media are welcome.

Call for papers

Perspective: actualité en histoire de l’art
Fashion(s), no. 2023 – 2
Editors: Marine Kisiel (INHA) and Matthieu Léglise (INHA)
Issue coordinated with Émilie Hammen (Institut français de la mode, Paris)
To the board composition.

Please send your submissions (an abstract of 2,000 to 3,000 characters / 350 to 500 words, a provisional title, a short bibliography on the subject, and a biography of a few lines) to the editorial office (revue-perspective@inha.fr) before May 16th, 2022.

Proposals will be examined by the editorial board regardless of language (articles accepted for publication will be translated by Perspective). The authors of the pre-selected proposals will be informed of the board’s decision by July 2022.

The complete articles (25,000 or 45,000 characters/ 4,500 or 7,500 words depending on the project) must be submitted by December 15, 2022. These will be definitively accepted after the journal’s anonymous peer-review process.

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