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Autour d’Utamaro
« Autour d’Utamaro » est une exposition conçue à partir du fonds japonais des collections Jacques-Doucet de la bibliothèque de l’INHA qui rassemblent 110 ouvrages illustrés. Les plus anciens datent de la seconde moitié du XVIIe siècle, les plus récents sont des études modernes traitant d’art ou d’archéologie. Un double souci semble avoir guidé le choix des conseillers de Doucet : celui de fournir aux artistes et aux historiens des exemples concrets de la production des peintres japonais par le biais de pièces quelquefois précieuses, et celui de fournir un échantillon de l’histoire de l’art et son évolution écrites par les japonais eux-mêmes. Dans la première catégorie, nous trouvons donc des « beaux livres », tels que les albums d’Utamaro, Masanobu ou Moronobu, ainsi que des manuels de modèles pour peintre dans les différents styles existant au Japon (école Tosa, Kanô, style chinois…), dans la seconde, des ouvrages encyclopédiques ou des vies de peintres.
Utamaro reste en France l’un des artistes du « Monde flottant » (ukiyo) les plus connus. Ce notamment grâce à la vogue du japonisme et à l’essai d’Edmond de Goncourt, « Utamaro, le peintre des Maisons vertes ». On lui associe immédiatement les estampes en couleurs (nishiki-e, littéralement « images de brocart ») de ses grandes courtisanes longilignes, habillées de tissus précieux, à la chevelure noire, morceau de bravoure de l’artisan graveur. Cependant, parée de l’aura que lui a conférée Edmond de Goncourt, la perception de l’œuvre d’Utamaro s’en est trouvée quelque peu biaisée. La valeur artistique indéniable de ses œuvres a fait oublier le contexte dans lequel elles sont nées, ainsi que l’émulation créée par le milieu des écrivains, peintres et éditeurs qui contribuèrent à sa formation. Ses rivaux furent également nombreux, qui se réclamaient de différentes écoles d’ukiyo-e, terme par lequel on nomme ce genre par opposition au style des écoles Tosa et Kanô, considérées alors comme plus prestigieuses.
En effet, l’époque d’Utamaro (1753 ?-1806) est celle qui vit l’épanouissement de l’édition, par l’élargissement du public et la diversité des ouvrages proposés. Ainsi des marchés spécifiques aux livres illustrés et de « divertissement » (gesaku) se développèrent à partir du milieu du XVIIIe siècle à Edo, lieu de résidence des shoguns Tokugawa – les détenteurs du pouvoir politique -, à Ôsaka, grande ville de commerce pour la partie Est du Japon, ou à Kyôto, la capitale impériale. Les éditeurs de ces ouvrages, regroupés en corporations différentes de celles des éditeurs de livres « sérieux », rivalisaient d’ingéniosité pour répondre à la demande croissante d’un public friand de récits humoristiques ou romanesques illustrés. Ce public n’était pas seulement celui des petites gens, dont le taux d’alphabétisation était élevé semble-t-il, grâce au système des « écoles de temples » (terakoya), mais aussi celui des marchands ou guerriers cultivés à la recherche d’un divertissement fin et d’un humour plus subtil, ou de beaux albums. Les libraires-éditeurs étaient toujours à la recherche d’un écrivain ou d’un peintre d’ukiyo-e talentueux qui leur assurerait le succès éditorial de l’année. Certains artistes, comme Kitao Masanobu (Santô Kyôden de son nom d’écrivain), contemporain d’Utamaro, cumulaient les rôles d’écrivain et d’illustrateur. Parmi les éditeurs qui jouèrent un rôle important à cette époque, il faut citer Tsutaya Jûzaburô (1750-1797), qui publia les premiers albums illustrés d’Utamaro. Il prit le jeune artiste sous son aile après que celui-ci eut quitté son maître Toriyama Sekien, dont nous présentons un des albums les plus connus. Tsutaya Jûzaburô, qui se surnommait lui-même Tsutajû, tenait sa boutique dans le quartier réservé de Yoshiwara, à Edo. Autour de Tsutaya gravitaient des écrivains, des peintres, des intellectuels, qui se réunissaient dans des réunions de poésies kyôka, à la thématique plus libre et aux règles moins strictes que la poésie traditionnelle, et qui se devaient d’être humoristiques. Ces recueils de kyôka furent somptueusement illustrés par Utamaro, grâce à l’appui de Tsutaya, qui prenait en charge les frais de ces éditions luxueuses et coûteuses.
L’exposition, qui s’est tenue du 6 novembre au 2 décembre 2006, fut l’occasion de présenter les albums japonais figurant parmi les trésors méconnus des collections Jacques Doucet de la Bibliothèque de l’INHA depuis près de cent ans. Le catalogage du fonds japonais était l’occasion de présenter au public, autour des albums de Kitagawa Utamaro, quelques-uns des plus beaux livres illustrés de cette collection.
Commissariat
- Junko Miura
- Avec le soutien de Dominique Morelon et de Nathalie Muller.
Pour aller plus loin Communiqué de Presse – Autour d’Utamaro