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TRIPIER LE FRANC, Justin
Mis à jour le 5 décembre 2008(25 décembre 1805, Paris – 2 avril 1883)
Auteur(s) de la notice :
BARREAU Claire-Marie
Profession ou activité principale
Secrétaire du préfet de police de Paris
Autres activités
Homme de lettres, participe à l’enrichissement de la documentation archivistique sur certains artistes, auteur de biographies
Sujets d’étude
Biographies : Gabriel Delessert (préfet de police), Élisabeth Louise Vigée Le Brun, Antoine-Jean Gros
Carrière
1829 : épouse Eugénie Le Brun, nièce de Jean-Baptiste Pierre Le Brun
1836-1851 : sous-chef du cabinet à la préfecture de Police de Paris, puis secrétaire de Gabriel Delessert (préfet de police de Paris de 1836 à 1848), de Chery Rébillot (1848-1849), puis secrétaire particulier de Pierre Charles Carlier (1849-1851)
À partir de 1842 : réunit des documents autour de Jean-Baptiste Pierre Le Brun et d’Élisabeth Louise Vigée Le Brun, afin que son épouse Eugénie puisse recueillir l’héritage
1872 : membre fondateur de la Société de l’Histoire de l’Art français
1876 : collabore aux Nouvelles Archives de l’art français
Médaille d’honneur pour actions civiles (1852) ; chevalier de l’ordre royal de la Légion d’honneur ; officier de la Légion d’honneur en qualité d’homme de lettres (1861)
Étude critique
Rien ne prédestinait Justin Tripier Le Franc, secrétaire du préfet de police de Paris, à devenir l’auteur de sources précieuses pour les historiens de l’art aujourd’hui. C’est par un concours de circonstances qu’il va participer à l’un des courants historiographiques majeurs de l’histoire de l’art de la fin du XIXe siècle, le retour aux sources archivistiques, ce qui conduira Christopher Sells à le qualifier, dans un article récent sur la mort du baron Gros, de « consciencieux collecteur de preuves » [a conscientious collector of evidence].
La vocation de Tripier Le Franc pour l’histoire de l’art ne semble dans un premier temps qu’une obligation familiale. Son premier texte est ainsi une courte biographie sur Élisabeth Vigée Le Brun, éditée en 1828, qu’il rédige un an avant d’épouser la nièce de celle-ci, Eugénie, née Le Brun. Geneviève Haroche-Bouzinac, dans son introduction aux Souvenirs d’Élisabeth Vigée Le Brun édités en 2008, présente le texte de Tripier Le Franc comme un plaidoyer défendant l’image de l’artiste ternie par des rumeurs. Il s’agit donc d’un service rendu par le jeune Tripier à sa future tante, ce petit texte apologétique contenant des anecdotes destinées à construire une vie mythique de l’artiste. Il est également possible, ainsi que l’affirment certains biographes de Vigée Le Brun, que Tripier Le Franc ait aidé sa tante à rédiger ses Souvenirs, édités de son vivant. C’est afin de prouver sa légitimité ainsi que celle de sa femme à recevoir l’héritage de l’artiste qu’il poursuit ses recherches sur sa tante par alliance. Les papiers Tripier Le Franc, conservés et enrichis par les soins de Jacques Doucet, comprennent de nombreux actes juridiques et preuves de moralité réunis à l’occasion du procès opposant sa femme Eugénie à Caroline Rivière, seconde nièce de Vigée Le Brun. Louis Hautecœur, dans sa monographie sur le peintre, compare ces papiers à « un roman de Balzac » ; ils constituent néanmoins une riche documentation sur Élisabeth Vigée le Brun ainsi que sur son ancien mari et célèbre marchand d’art Jean-Baptiste Le Brun.
En 1859, Tripier Le Franc publie une biographie sur son ancien supérieur Gabriel Delessert, préfet de police de Paris de 1836 à 1848. Cet ouvrage chargé de sens politique lui vaut en 1861 le titre de chevalier de la Légion d’honneur en qualité d’homme de lettres. Il semble abandonner son poste à la préfecture de police avant 1859, et entreprend alors des recherches plus désintéressées visant à l’enrichissement de l’histoire de l’art. Un certain nombre de notes de recherches présentes dans les papiers Tripier Le Franc (INHA, Aut. C51.D2.sd 13, 28370-28393, mf BXXXIII) invitent à penser qu’il aurait aidé à compléter l’édition chez Charpentier en 1869 des Souvenirs de Vigée Le Brun, au moins par la rédaction des notes de bas de pages. Il semble qu’il ait également pensé à cette époque écrire une biographie sur sa tante (lettre datée de 1869, INHA, Aut.C52.1.D2.sd 03-28710, mf BXXXIV), un projet qui n’a, semble-t-il, jamais abouti.
Impressionné par les événements de la Commune de 1870, durant lesquels les archives de la Seine et de la préfecture de Police ont été brûlées, il devient membre fondateur de la Société de l’Histoire de l’Art français, et publie deux documents en sa possession dans les Nouvelles Archives de l’art français de 1876. C’est dans l’esprit de cette société, qui promeut la recherche et la publication d’archives inédites sur les artistes, et dans le même esprit que des historiens tels que Jules Guiffrey ou encore Marius Léon Lagrange, que Tripier Le Franc publie, en 1880, son ouvrage d’histoire de l’art le plus important, une monographie sur le baron Gros. Cette recherche a peut-être été motivée par la communication par Benjamin Fillon d’une collection de la correspondance de Gros à la Société de l’Histoire de l’Art français avant 1878. Tripier le Franc souligne au début de son ouvrage l’usage insuffisant de cette correspondance fait par Jean-Baptiste Delestre, auteur d’une première biographie sur Gros en 1845. Cette affirmation entre en résonance avec ce qu’en dit Guiffrey dans son introduction à la publication de lettres inédites dans les Nouvelles Archives de l’art français de 1878. Le titre de sa biographie sur Gros est à cet égard évocateur, Tripier Le Franc y promet ainsi de « nouveaux documents ». Il n’hésite pas dans ce volumineux ouvrage à reproduire des actes officiels, ainsi que de longues lettres et autres pièces justificatives, documents devenus précieux car une grande partie de la correspondance utilisée par l’auteur a été dispersée par la suite. Tripier Le Franc s’engage par ailleurs dans une enquête sur les raisons du suicide contesté de Gros, une recherche sûrement facilitée par son ancien métier. Il faut également souligner la grande richesse des informations données par Tripier Le Franc sur les œuvres de l’artiste, et en particulier le soin avec lequel il relate l’historique des œuvres. Les nombreux détails de dates, de lieux, les reproductions d’originaux, s’ils sont précieux pour les historiens, alourdissent un texte rendu déjà pompeux par l’omniprésence de poncifs des biographies du XIXe siècle, comme l’analyse de la « moralité » de l’artiste et sa célébration comme grand homme de la Nation. Un autre élément important de compréhension de la façon dont Tripier Le Franc conçoit son rôle en matière d’enrichissement de l’histoire de l’art est évoqué par le titre de cette biographie, dans lequel il déclare se rapporter à des « souvenirs inédits ». Tripier Le Franc a connu le baron Gros lors de soirées organisées chez sa tante Vigée Le Brun, et cette connaissance est pour lui une justification essentielle de l’écriture de son ouvrage, il écrit en tant que témoin, comme l’ont fait avant lui Delestre qui était un élève de Gros, ou encore Étienne-Jean Delécluze qui a écrit ses souvenirs sur l’atelier de David. Tripier Le Franc ne s’est d’ailleurs jamais engagé dans l’écriture d’une monographie sur un artiste sans l’avoir connu de son vivant, comme s’il considérait que ses « souvenirs inédits » étaient des sources primaires dignes d’être publiées, au même titre que les sources archivistiques qu’il reproduit.
Tripier Le Franc illustre à l’extrême l’effacement de l’historien devant ses sources, ainsi que la distinction entre les figures du connaisseur et celle de l’historien chroniqueur. Il semble en effet ne s’être jamais réellement considéré lui-même comme un connaisseur d’art, même s’il détenait une petite collection d’œuvres vendue après sa mort. Il indique ainsi dans la préface de sa biographie sur Gros : « Mais, pour juger avec connaissance, avec savoir et avec autorité les importants travaux de ce grand peintre, nous avons cru ne pas posséder assez en nous-même l’habileté d’appréciation et la puissance persuasive nécessaires pour convaincre, pour imposer notre opinion et pour entraîner nos lecteurs, soit dans nos jugements de critique, soit dans nos éloges d’admirateur. » Cette conviction le pousse à accumuler des citations d’artistes, de critiques et de conservateurs pour toutes les appréciations stylistiques, l’auteur se réservant le droit de procéder à des descriptions et à de très courts et rares avis personnels.
Tripier Le Franc a très peu écrit et il n’apparaît dans aucun dictionnaire biographique. Sa contribution à l’histoire de l’art est celle d’un amateur d’histoire qui paraît impressionné par le monde de l’art, qu’il côtoie sans s’y sentir intégré.
Claire-Marie Barreau, doctorante (Paris X / École du Louvre)
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- M. Gabriel Delessert. Paris : E. Dentu Libraire-éditeur, 1859.
- Histoire de la vie et de la mort du baron Gros, le grand peintre rédigée sur de nouveaux documents et d’après des souvenirs inédits. Paris : Jules Marin et J. Baur, Libraire de la Société de l’Histoire de l’Art français, 1880.
Articles
- « Notices sur la vie et les ouvrages de Mme Le Brun ». In Dictionnaire de biographie moderne. Paris, 1828, p. 177-192 (supplément du dimanche de l’Oracle européen, tiré à part).
- « Actes de mariage et de divorce de Mme Vigée Le Brun (1776-1794) ». Nouvelles Archives de l’art français, 1876, p. 396-399.
- « Découverte du corps et acte de décès d’Antoine-Jean Gros (1835) ». Nouvelles Archives de l’art français, 1876, p. 415-419.
Bibliographie critique sélective
- « Antoine-Jean Gros peintre d’histoire, documents inédits sur sa vie et ses œuvres (1795-1835), communiqués par M. Benjamin Fillon et annotés par M. J. J. Guiffrey ». Nouvelles Archives de l’art français, 1878, p. 343-370.
- Tourneux Maurice. – Bibliographie de l’histoire de Paris pendant la Révolution française. Paris : Imprimerie nouvelle, 1906.
- Nolhac Pierre (de). – Mme Vigée Le Brun. Paris : Goupil, 1912.
- Hautecœur Louis. – Mme Vigée Le Brun. Paris : Henri Laurens, 1914.
- Sells Christopher. – « The Death of Gros ». The Burlington Magazine, mai 1974, vol. CXVI, p. 268-270.
- Vila Dominique. – Les Donateurs du Louvre. Paris : Réunion des musées nationaux, 1989.
- Pitt-Rivers Françoise. – Mme Vigée Le Brun. Paris : Gallimard, 2001.
- Bajou Valérie et Lemeux-Fraitot Sidonie. – Inventaires après décès de Gros et Girodet : documents inédits. Paris : S. Lemeux-Fraitot, 2002.
- O’Brien David. – Antoine-Jean Gros. Trad. de l’anglais par Jeanne Bouniort. Paris : Gallimard, 2006.
- Miscault Marie-Aude (de). – « Une source inédite pour l’histoire de l’art en France sous la Révolution et l’Empire : les papiers Le Brun, Vigée Le Brun, Tripier Le Franc ». Nouvelles de l’INHA, juin 2006, n° 25, p. 16-17.
Sources identifiées
Aucune trace de Justin Tripier Le Franc aux archives de la préfecture de police de Paris, comme dans les dossiers concernant la préfecture de police aux Archives nationales.
Paris, Archives de Paris, reconstitution des actes de l’état civil
- Acte de naissance : n° 72983 – 25 décembre 1805
- Acte de mariage : 5MI 1 2058 – n° 8467 – 23 décembre 1829
Paris, Archives nationales
- Dossier de la Légion d’honneur (LH//2631/10/) ; document biographique écrit par Justin Tripier Le Franc
Paris, bibliothèque de l’INHA-collections Jacques Doucet
- Papiers Vigée Le Brun, Le Brun, Tripier Le Franc, autographes, cartons 51, 52.1, 52.2 (microfilms MF B XXXIII à XXXVI). Papiers réunis initialement par Justin Tripier Le Franc, complétés avec les dossiers documentaires réunis par Jacques Doucet sur les artistes, à une date indéterminée : documents archivistiques sur l’histoire de la famille, notes de recherches de Justin Tripier Le Franc sur Élisabeth Louise Vigée Le Brun, documents de travail de Jean-Baptiste Le Brun dans ses activités de marchand
- Inventaire détaillé réalisé par Marie-Aude de Miscault sous la direction de Georges Fréchet et Olivier Bonfait, septembre 2005, consultable sur place et sur le site Internet de l’INHA (
http://www.inha.fr/spip.php?article1495)
Paris, Bibliothèque nationale de France, département de l’Imprimé et de l’Audiovisuel
- Vente après décès de M. Tripier Le Franc et de Mme Tripier Le Franc, née Vigée Le Brun : catalogue de la vente après décès de M. Tripier Le Franc 5, 6, 7 juin 1883. Paris : Nottin et Fual, 1883
Paris, musée du Louvre, documentation du département des Peintures
- Dossier nominatif sur Justin Tripier Le Franc dans le carton sur les donateurs du musée du Louvre
- Notes sur le legs d’un tableau de Vigée Le Brun au musée du Louvre ; notes sur le testament du 5 février 1881 ; notes manuscrites sur un acte de décès au nom de Tripier Le Franc de la ville de Marseille, décès du 5 février 1883, « à l’âge de 67 ans » [sic]
En complément : Voir la notice dans AGORHA