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SALVERTE, François (comte de)
Mis à jour le 4 avril 2014(1872 – 1929)
Auteur(s) de la notice :
ZEISLER Wilfried
Profession ou activité principale
Diplomate, attaché au ministère des Affaires étrangères
Sujets d’études
Histoire du mobilier et des ébénistes français du XVIIIe siècle
Carrière
1893 : reçoit le second prix en 3e année de droit commercial à l’Institut catholique de Paris
1900 : épouse à Paris Marguerite Dupré, fille de l’avocat Alfred Dupré
1902 : nommé secrétaire d’ambassade à Constantinople
Étude critique
Fils de Georges Napoléon Baconière de Salverte (1833-1899) et de Marie Joséphine Charlotte Guyot d’Arlincourt (1848-1912), François de Salverte appartient à la noblesse française. Son père, neveu de l’écrivain Eusèbe Baconière de Salverte (1771-1839), licencié en droit et formé dans les rangs de Saint-Cyr, mène une brillante carrière sous le Second Empire et sous la IIIe République, notamment en tant qu’auditeur puis maître des requêtes au Conseil d’État. Il est fait chevalier puis officier de la Légion d’honneur en 1877 et 1894. Les quelques informations dont on dispose sur la formation de François de Salverte nous montrent qu’il a dû être inspiré par le parcours de son père, entamant à son tour des études de droit avant d’embrasser une carrière diplomatique. La passion de l’Histoire et le goût du passé, voire son culte, sont une affaire de famille. Georges de Salverte publie en effet en 1887 La Famille de Salverte et ses alliances, ouvrage tiré à cent exemplaires pour une distribution privée qu’il dédie à ses enfants. Fondée sur l’analyse des archives familiales et des documents qu’il a rassemblés en exploitant divers fonds, cette étude généalogique reflète la démarche d’un historien. Construite à partir de notices biographiques courtes mais « appuyées sur des preuves irrécusables et justifiées à chaque fait, à chaque date, par des actes authentiques que chacun peut vérifier à son gré », cette œuvre et son organisation scientifique rigoureuse n’ont pu qu’influencer François de Salverte dans les études qu’il va mener sur les ébénistes.
Parfois mentionné dans les chroniques mondaines de la Belle Époque, François de Salverte, amateur éclairé, consacre son temps libre à l’histoire de l’ameublement français sous l’Ancien Régime. Dans l’introduction de son ouvrage majeur Les Ébénistes du XVIIIe siècle, il précise en effet y avoir employé ses loisirs pendant seize ans. Son goût « des vieux meubles » lui vint vraisemblablement en observant les œuvres conservées par sa famille. François de Salverte, indique sa veuve dans la préface de la troisième édition de ce livre, finit par offrir au public le fruit de ses investigations menées à travers des sources variées en France tels les almanachs royaux, les comptes du Garde-meuble et de la Couronne, et à l’étranger, notamment à Londres, Berlin ou Stockholm. Ces recherches pratiquées à la manière d’un historien permirent l’établissement d’un premier dictionnaire des ébénistes français du XVIIIe siècle.
Principale publication de François de Salverte, Les Ébénistes du XVIIIe siècle fut rééditée sept fois, chez Van Oest tout d’abord puis par F. de Nobele. Son édition, retardée par le déclenchement de la Première Guerre mondiale, ne fut pas aisée, étant donné le peu de succès que s’attendaient à recevoir les éditeurs consultés pour ce type d’ouvrage réservé à un lectorat spécifique et donc réduit. Or, le marché de l’art, le monde des collectionneurs ou encore celui des musées ne disposaient pas encore d’un ouvrage de référence sur le mobilier français et le succès fut au rendez-vous. Outre son caractère inédit, ce livre rassemble par ordre alphabétique des biographies plus ou moins longues des artisans, menuisiers et ébénistes confondus, ayant œuvré au XVIIIe siècle. Cette organisation facilite son utilisation d’autant plus pratique que l’ouvrage reproduit les fac-similés des marques variées en usage sous l’Ancien Régime, relevées et identifiées par Salverte, permettant ainsi de nouvelles attributions. Cet outil, absent de la première édition par crainte de leur utilisation à des fins frauduleuses, est présent dès la deuxième édition, enrichie des nouvelles découvertes faites par Salverte, résultant souvent de l’exploitation d’informations signalées par les lecteurs. Le livre est introduit par une courte histoire du goût et des styles au XVIIIe siècle et par une présentation du fonctionnement des corporations et des marques en usage. Nourrie, corrigée et enrichie en illustrations, chaque nouvelle édition complète la masse du travail réalisé par Salverte et poursuivi par sa veuve, selon un principe que l’auteur énonce à la fin de son introduction : « Malgré les soins apportés à ce livre et le labeur qu’il a coûté, je ne m’en dissimule pas les imperfections. L’avenir permettra de corriger des erreurs, de combler des lacunes. »
Si les éditions successives reviennent sur certaines identifications, en précisent d’autres et augmentent le corpus des ébénistes étudiés par Salverte, ce dernier rend publiques d’autres découvertes dans la Revue de l’art ancien et moderne ou à l’occasion de conférences et de communications dont la plus importante, faite à la Société de l’Histoire de l’Art français en 1928, a donné lieu à une publication sur les ébénistes Martin Carlin et Georges Jacob en 1929. À travers cet exemple, Salverte, comme il l’a pratiqué pour Les Ébénistes du XVIIIe siècle, explore une nouvelle voie d’étude sur l’ameublement français en exploitant les sources permettant d’établir la biographie des plus grands maîtres, auparavant essentiellement connus à travers leurs œuvres. Salverte explique lui-même sa démarche dans sa courte introduction relative à sa passion pour les ébénistes : « Je glane une quantité de menus faits dont l’histoire de l’art pourra tirer profit. » Précise, cette publication s’appuie sur des relevés d’archives reproduits in extenso.
La maladie qui emporte Salverte en 1929 l’empêche d’achever son ouvrage Le Meuble français d’après les ornemanistes de 1660 à 1789, demandé par son éditeur. Il est finalement publié par son épouse avec l’aide de M. Macon, très vraisemblablement Gustave Macon (1865-1930), l’historien de Chantilly, ami de la famille et complice de Salverte dans ses recherches. Originellement prévu pour couvrir l’histoire de l’ameublement français jusqu’à la Restauration, le dernier chapitre du livre porte sur la Révolution. Il reflète ainsi le point de vue de l’auteur considérant la production du mobilier français après cette date comme relevant d’une certaine forme de « décadence » au regard de la production du XIXe siècle et contemporaine qu’il qualifiait parfois de « style coffre-fort ». Insistant sur l’importance du modèle, thématique alors en vogue, illustré par quarante-neuf planches de dessins ou de gravures en partie conservés au musée des Arts décoratifs, le propos est organisé de manière chronologique par époque et par style : Louis XIV, Louis XV, Transition et Louis XVI. Il offre par ailleurs une interprétation aujourd’hui un peu désuète de l’évolution des styles telle qu’elle transparaissait déjà dans l’introduction des Ébénistes du XVIIIe siècle. La fin de l’ouvrage est des plus explicites quant à la position de Salverte, imputable au milieu dont il est issu. Partisan d’un génie national exprimé par le bon goût, Salverte attribue notamment son « affaiblissement » à la fin de l’Ancien Régime au « virus révolutionnaire qui contaminait toutes les classes sociales ; les doctrines subversives des philosophes et des économistes exerçaient en effet leurs ravages jusque dans les milieux les plus modestes ». Une autre hypothèse expliquant ce « déclin », relevant probablement d’une interprétation propre au contexte de l’entre-deux-guerres, résultait, selon Salverte, dans l’augmentation du nombre des étrangers « venus chercher fortune en France », qu’il illustre par le cas des ébénistes allemands.
L’œuvre de Salverte s’inscrit dans la continuité des ambitions érudites et encyclopédiques du XIXe siècle en matière d’arts décoratifs, stimulées par les actions menées par l’Union centrale des arts décoratifs, et qu’illustre par exemple le Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration depuis le XIIIe siècle jusqu’à nos jours publié par Henry Havard à partir de 1887. En matière d’ameublement, Salverte fut précédé entre 1912 et 1922 par Henri Vial, Adrien Marcel et André Girodie publiant les deux volumes Les Artistes décorateurs du bois : répertoire alphabétique des ébénistes, menuisiers, sculpteurs, doreurs sur bois, etc., ayant travaillé en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, fondés sur les documents rassemblés par Henri Vial, disparu en 1909. Doreur sur bois, Vial incarne la figure de l’artisan, historien de son métier, représentant un pan des initiateurs de l’Union centrale, là où Salverte appartient au milieu des amateurs ayant également œuvré à une meilleure connaissance des arts décoratifs. Si l’histoire du goût parsemée à travers les ouvrages de Salverte est aujourd’hui dépassée, elle reflète avec un brin de nostalgie sa position et celle de certains connaisseurs érudits appréciant les meubles anciens « surtout pour leur attrait moral, pour les souvenirs qu’ils évoquent, pour les rêveries qu’ils inspirent, et parce qu’ils gardent dans leur distinction, leur grâce et leur gaîté, un reflet de la vieille France où tout homme de goût aurait été heureux de vivre », comme il l’indique à la fin d’une conférence donnée peu avant sa disparition et mentionnée dans la préface de la troisième édition des Ébénistes du XVIIIe siècle.
En revanche, la méthode et l’organisation scientifique développées par Salverte, fondées sur l’étude biographique des maîtres à partir de nouvelles sources, a durablement influencé l’histoire du mobilier si l’on considère les publications d’André Theunissen (Meubles et sièges du XVIIIe siècle : menuisiers, ébénistes, marques, plans et ornementation de leurs œuvres, Paris, éd. « Le Document », 1934), de Pierre Verlet, de Bill Pallot (L’Art du siège au XVIIIe siècle en France, Courbevoie, A.C.R.-Gismondi éd., 1987), d’Alexandre Pradère (Les Ébénistes français de Louis XIV à la Révolution, Paris, éd. du Chêne, 1989) ou de Daniel Alcouffe (Les Artisans décorateurs du bois au faubourg Saint-Antoine sous le règne de Louis XIV, Dijon, Faton, 2008), sans oublier Denise Ledoux-Lebard, qui, pour son étude sur le mobilier du XIXe siècle, utilisa un format similaire (Le Mobilier français du XIXe siècle : 1795-1889 : dictionnaire des ébénistes et des menuisiers, Paris, Les éditions de l’amateur, 1989 ; nouv. éd., Paris, 2000).
Wilfried Zeisler, docteur en histoire de l’art
Principales publications
Ouvrages
- Les Ébénistes du XVIIIe siècle. Leurs œuvres et leurs marques. Paris : G. Van Oest, 1923.
- Documents inédits sur les ébénistes Martin Carlin et Georges Jacob. Communication faite à la Société de l’Histoire de l’Art français, le 6 avril 1928. Paris : Daupeley-Gouverneur, 1929.
- Le Meuble français d’après les ornemanistes de 1660 à 1789. Avant-propos de Marguerite Du Pré, comtesse de Salverte. Paris : G. Van Oest, 1930.
Sources identifiées
La Courneuve, archives du ministère des Affaires étrangères
- Personnel. Dossiers individuels. 2e série. Volume 1388