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NOLHAC, Pierre (de)
Mis à jour le 12 mars 2009(1859, Ambert – 1936, Paris)
Auteur(s) de la notice :
BAJOU Thierry
Profession ou activité principale
Conservateur de musée
Autres activités
Professeur, poète
Sujets d’étude
Littérature française et italienne de la Renaissance, histoire et art français des XVIIe et XVIIIe siècles, Versailles
Carrière
1880-1882 : étudiant à la Sorbonne et à l’École des hautes études
1882-1886 : séjour à l’École française de Rome
1887 : échoue au concours d’entrée au département des Estampes de la Bibliothèque Nationale ; nommé attaché au château de Versailles
1892 : soutient son doctorat à la Sorbonne, Pétrarque et l’Humanisme ; devient conservateur en chef du château de Versailles
1899 : maître de conférence à l’École des hautes études
1910 : professeur à l’École du Louvre
1920 : prend sa retraite, quitte Versailles et devient conservateur du musée Jacquemart-André à Paris
1923 : reçu à l’Institut de France au fauteuil d’Émile Boutroux
Citoyen d’honneur de la Ville d’Arezzo ; membre de l’Académie des sciences de Turin ; commandeur de l’ordre de la Légion d’honneur ; commandeur de l’ordre italien des Saints Maurice et Lazare ; chevalier de l’ordre belge de Léopold ; chevalier de la Couronne de Siam ; décoré de l’ordre civil d’Alphonse XII d’Espagne, de l’ordre néerlandais de la Maison d’Orange, de l’ordre du Mérite civil de Bulgarie, de l’ordre de Saint Stanislas de Russie.
Étude critique
Issu d’une ancienne famille du Velay, Anne-Pierre-Marie-Giraud de Nolhac naît le 15 décembre 1859 à Ambert, de Paul, enseignant, puis inspecteur de l’enregistrement, enfin conservateur des hypothèques, et de Claire Pacros, fille de médecin. Il effectue sa scolarité au Puy, à Rodez, à Riom et enfin à Clermont-Ferrand, au gré des affectations de son père puis, après son baccalauréat, entame une licence de lettres. Il découvre Paris en 1878, pour l’Exposition universelle, et visite avec avidité les musées et les monuments, va au théâtre ; il cherche même à rencontrer Leconte de Lisle, bibliothécaire du Sénat à Versailles ; dans son journal, il note cette phrase célèbre : « Ce que j’ai vu de plus beau à Paris, c’est Versailles ».
En 1880, il s’installe à Paris pour poursuivre ses études, à la Sorbonne et l’École des hautes études, et se tourne vers Ronsard et la littérature de la Renaissance. Dès cette époque, il commence à fréquenter les salons où il dit ses poèmes, rencontre Alphonse Daudet et sa femme Julie Allard, José Maria de Hérédia, Leconte de Lisle. En 1882, ses études particulièrement brillantes lui ouvrent les portes de l’École française de Rome, installée depuis 1875 au palais Farnèse. La même année, il se marie avec Alix de Goÿs de Mezeyrac, juste avant de partir pour l’Italie. À Rome, où il est le premier élève marié et où naît le premier de ses trois enfants, il travaille avec ardeur dans les bibliothèques et fait la connaissance du cardinal Ratti (futur Pie XI) qu’il reverra en 1927. Il voyage beaucoup à travers le pays qu’il découvre en érudit et en poète. Il se mêle à la vie mondaine et littéraire, rencontre la reine Marguerite de Savoie qu’il devait retrouver à Versailles et qui lui demande en 1918 de donner une série de conférences à Rome, le comte Primoli, le sénateur et humaniste Pompeo Molmenti ; il fait également la connaissance de Paul Desjardins, André Pératé (1862-1947), traducteur de Dante qui devait collaborer avec lui au renouveau du château de Versailles, Denys Puech, Albert Besnard, du libraire et éditeur Zanichelli, d’Angelo Solerti, spécialiste du Tasse, de Giacomo Boni, archéologue et directeur des fouilles du Forum, Francesco Novati, homme de lettres et historien qui lui rendit visite régulièrement à Versailles.
S’il ne devait pas écrire une histoire de l’humanisme comme il l’escomptait avant de partir, Nolhac n’en fournit pas moins un travail considérable sur la littérature des XVe et XVIe siècles. Il découvre plusieurs manuscrits importants, comme celui du Canzoniere de Pétrarque à la Bibliothèque vaticane. Son nom est désormais attaché à celui du poète et ses travaux, ponctués par de nombreux articles publiés avant ou après son retour à Paris fin 1886, culminent avec sa thèse soutenue brillamment en 1892 sur Pétrarque et l’humanisme. Celle-ci, publiée la même année, suscite de nombreuses controverses parmi les spécialistes italiens de la littérature de la Renaissance, dépités qu’un étranger ait retrouvé un manuscrit aussi important, mais il reçoit le soutien de son ami italien, le poète Giosuè Carducci. N’importe, il est devenu célèbre et est même fait citoyen d’honneur de la ville d’Arezzo !
Pourtant, peu après son retour à Paris, il échoue au concours de recrutement au poste de conservateur au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale ; le directeur des musées de France, Louis de Ronchaud, ami de Lamartine, est séduit par le fait que le brillant jeune homme soit aussi poète : en octobre 1887, il le nomme attaché au château de Versailles en remplacement de Léonce Bénédite nommé à la tête du musée du Luxembourg.
Aux yeux de tout le monde, il s’agit là d’une sinécure ; un de ses pairs de l’École des hautes études, Gabriel Monod, ne lui affirme-t-il pas pour le convaincre d’accepter le poste : « C’est fort peu payé, mais on est logé, et l’air de Versailles sera bon pour vos enfants. »… Voilà pour le côté matériel. Pour le côté travail, le conservateur du château lui-même, le peintre Charles Gosselin, tempère le dynamisme de Nolhac et sa volonté de moderniser la muséographie pour faire connaître les chefs-d’œuvre conservés à Versailles, en lui affirmant sans sourciller : « Sachez bien que je n’ignore pas les richesses que nous avons. […] Écrivez des livres sur Versailles, si cela vous amuse, mais laissez en paix ce musée qui n’intéresse plus personne. »
Lors d’une visite à Versailles à cette même époque, Anatole France décrit son ami ainsi : « Pour bien faire, il faut surprendre, comme j’ai fait, M. de Nolhac épars sur ces papiers comme l’esprit de Dieu sur les eaux. Il a l’air très jeune, les joues rondes et souriantes, avec une expression de ruse innocente et de modestie inquiète. Ses cheveux noirs, abondants et rebelles, où l’on voit que les deux mains se sont plongées à l’instant difficile, pendant la méditation active, me font songer, je ne sais trop pourquoi, à la chevelure rebelle de David Copperfield, ce bon Traddles, si appliqué, si occupé à retenir de ses dix doigts ses idées dans la tête. M. de Nolhac porte des lunettes légèrement bleutées, derrière lesquelles on devine des yeux gros, étonnés et doux. Et, si l’on ne sait qu’il va de pair avec les plus doctes, il vous a volontiers la mine d’un fiancé de village et d’un jeune maître d’école tel qu’il s’en rencontre dans les opéras-comiques. »
S’il ne peut pas encore agir, Nolhac, désormais installé avec sa famille à Versailles dans le château, n’en travaille pas moins intensivement et publie beaucoup ; son impressionnante bibliographie égrène un ou deux articles tous les ans sur la littérature de la Renaissance et l’humanisme, mais aussi les premièrs ouvrages sur l’histoire du château de Versailles et ses hôtes, à commencer par la reine Marie-Antoinette ; progressivement, ceux-ci vont se substituer à ceux-là ; bien sûr il continue plus que jamais à écrire de la poésie.
Mais Gosselin meurt en 1892, et c’est Nolhac qui est choisi pour lui succéder au poste de conservateur en chef du château, peut-être aussi en reconnaissance du tact avec lequel il a reçu la mère de l’empereur Guillaume II en février 1891 à la faveur d’une visite du château, forcément délicate d’un point de vue politique et diplomatique à cette date. Lors de sa soutenance de thèse, Gustave Larroumet, le directeur des Beaux-Arts, ne lui déclara-t-il pas : « Vous y avez rendu, dans une journée difficile et pleine de périls pour le pays, un service signalé et dont le gouvernement trouvera bon que je vous remercie publiquement. »
Dorénavant, Nolhac a les mains libres pour moderniser la muséographie du château et ne tarde à pas à s’affirmer aussi comme un homme d’action par les remaniements essentiels qu’il effectue dans le château au cours des trente ans pendant lesquels Versailles lui est confié, remaniements qui aboutirent à une véritable renaissance. Parallèlement à cette activité singulièrement intense, il mène une vie mondaine très remplie elle aussi.
Maintenant qu’il est un homme « installé », il commence à publier sa poésie dont le premier recueil, Paysages d’Auvergne, paraît en 1888 ; par le ton élégiaque, les thèmes abordés, la facture, il s’inscrit d’emblée dans la tradition des Parnassiens et ne s’en départira pas. Pour son ami Frédéric Plessis : « On trouve une connaissance délicate de la langue, une belle ampleur de rythme et, sous une forme artistique et sévère, un sentiment philosophique et religieux de la Destinée. » Paysages de France et d’Italie, publié en 1894, consacre sa réputation. Ses autres recueils, Paysages de France et d’Italie (1904), Le Testament d’un Latin (1928), Pages auvergnates (1931), Le Rameau d’or (1933), sont plus tardifs mais rencontrent également un vif succès. Il faut y ajouter de nombreux poèmes publiés de façon isolée et la participation à de nombreuses anthologies littéraires et poétiques. Son goût pour la langue impeccable ne l’empêche pas d’être en faveur de la réforme de l’orthographe qui agitait les milieux intellectuels comme le rapporte avec effroi et mépris Edmond de Goncourt en 1893 qui trouve là un motif supplémentaire de dénigrer Nolhac en lui reprochant sa « préoccupation paternelle de faciliter l’orthographe à ses enfants, mais je crois bien plutôt par domesticité de fonctionnaire… ». Le traducteur des Mille et Une Nuits, Joseph Charles Mardrus, lui dédie l’un des volumes en 1902 et le surnomme « le sultan de Versailles » ; le nom des autres dédicataires, Mallarmé, Anatole France, Hérédia, Gide, Lucie Delarue, Maeterlinck, Henri de Régnier, Pierre Louÿs, les orientalistes Sylvain Lévi et Hartwig-Derembourg, Remy de Gourmont, Montesquiou, Marcel Schwob, Félix Fénéon, restitue le milieu littéraire que fréquente Nolhac.
Résolu à réhabiliter l’ancien palais des rois de France, sauvé, mais dénaturé par Louis-Philippe, Nolhac adopte le parti de restituer l’état antérieur de l’Ancien Régime à chaque fois que c’est possible. Une telle option, qui revenait à remettre à l’honneur les lieux symboliques de la monarchie, ne laissait pas d’être politiquement risquée ; non sans prudence, Nolhac a développé dans le musée des salles consacrées au XIXe siècle en acquérant par exemple des portraits de nombreux artistes et écrivains de cette époque.
Dans ce travail immense, il a été assisté par son ami André Pératé. Il agit sur tous les fronts ; il évacue tous les bénéficiaires d’espaces du château, du clergé réformé qui y tenait le culte aux artistes du département qui y organisaient leur Salon, et aux divers appartements de fonction, sans parler de la reconquête, toujours d’actualité, des espaces occupés par les chambres, le sénat et l’Assemblée nationale. Il réorganise le fonctionnement administratif de l’institution, notamment les rapports avec l’architecte en chef chargé du domaine, et ses relations avec l’administration centrale. Il étudie et classe les collections. Il détruit le décor pédagogique et régulier des salles du musée de l’Histoire de France de Louis-Philippe.
Méthodique, il s’intéresse d’abord au château ; de minutieuses recherches aux Archives nationales lui permettent de remettre à leur emplacement d’origine les boiseries qui avaient été conservées et d’identifier de nombreuses peintures qui les décoraient ; son action porte également sur le parc et les jardins, où il remet les sculptures in situ, enfin à Trianon.
Il définit une politique singulièrement novatrice de restitution des intérieurs du palais d’Ancien Régime encore en vigueur aujourd’hui. Il restitue l’état ancien de nombre de salles du corps central du château et choisit de ne plus exposer que les œuvres contemporaines des événements ou des personnages représentés, et des décors historiquement exacts. Le musée romantique de l’historicisme où l’évocation sert la narration laisse progressivement place à un véritable musée historique élaboré sur des critères rigoureux.
Au fur et à mesure de son travail, la cohérence du parti retenu apparaît davantage : « Il s’agissait de constituer un musée d’histoire nationale plus riche en documents authentiques qu’aucun de ceux qui existent actuellement en Europe, et cette petite ambition patriotique ajoutait à notre zèle. »
Ce travail prodigieux « n’avait pu être menée à bien que dans le silence et sans être soumise au contrôle du public », en dépit de regrets énoncés par son ami Frédéric Masson. Reconnaissant son œuvre, iconoclaste pour certains, Nolhac avoue : « Aucune question ne m’était posée en haut lieu, aucune recommandation ne m’était faite de modérer un zèle impatient. J’ai dit que le musée de Versailles n’intéressait personne, et pendant des années, il bénéficia largement de cette indifférence. »
Dans les salons qui restaient sans décor, il accroche des œuvres qui pouvaient évoquer l’usage ancien des appartements, comme les portraits de la période Louis XIV installés dans l’appartement de Madame de Maintenon. Le rez-de-chaussée du corps central recevait les œuvres de la Régence tandis que par un éclectisme prudent, il aménageait des salles consacrées à la Révolution et à l’Empire dans les attiques et dans l’aile du Midi et dégageait les salles de l’aile Nord qu’occupait la bibliothèque du Sénat pour retrouver les grands tableaux de Vernet illustrant les conquêtes coloniales. Il élargit aussi le champ iconographique de l’histoire de France contemporaine en développant l’évocation du XIXe siècle, du Second Empire et de la Troisième République.
Œuvre considérable qui fut saluée par le public qui redécouvrit le château et qui s’y pressait désormais à la faveur d’une visite mondaine à Versailles, en même temps que naissait le mythe des réserves inépuisables du château. Sans véritablement le vouloir, Nolhac n’a pas seulement transformé radicalement l’aménagement d’un musée, il a redonné au château de Versailles sa dimension de symbole national.
Bien sûr, il fait les honneurs du château et de ses derniers aménagements, notamment à la noblesse d’Ancien Régime ou de l’Empire. La visite de la famille impériale russe en 1896 est d’ailleurs l’occasion d’une réception digne de l’Ancien Régime ; elle initie la tradition des réceptions officielles de la République à Versailles et fournissent à Nolhac l’occasion de guider la plupart des souverains d’Europe dans ces lieux auxquels il rendit de cette façon aussi leur vocation historique attachée à la vie diplomatique.
En rendant au château tout son attrait, il contribue à redonner un lustre à la vie mondaine versaillaise et y attire le comte de Montesquiou, Daudet, Goncourt, Barrès, Whistler, Masson. Le château et le parc deviennent volontiers une source d’inspiration pour les artistes comme Leloir, Le Sidaner, Helleu, Rouault ou Denis.
Ce regain d’attention et d’intérêt lui permettent d’obtenir davantage de crédits de l’État abondés par les premiers mécénats américains dont bénéficie le château. Parallèlement à ces nouveaux aménagements et restitutions d’états historiques, Nolhac procède à de nombreuses acquisitions et à des échanges de dépôts avec les autres musées ou avec le Mobilier National. La création de la Société des amis de Versailles en 1907 devait amplifier ce mouvement. Il donne d’ailleurs lui-même au château juste avant sa mort l’étude du Portrait de Marie-Antoinette par Duplessis.
Mais il ne s’occupe pas que de l’intérieur de l’édifice et il bataille souvent contre l’architecte du domaine pour faire valoir la vérité historique, que lui seul connaît, concernant les travaux effectués sur les bâtiments de Versailles et de Trianon comme sur les jardins.
Lucide, il considérait que ce qui resterait de son œuvre, ce serait les réaménagements du château plutôt que ses travaux scientifiques novateurs corrigeant les traditions erronées sur le château et ses habitants.
S’il avait avoué à Puvis de Chavannes, peu après sa nomination, qu’il n’avait pas vraiment regardé les plafonds des appartements, ses travaux lui valurent d’être le premier titulaire de la chaire de l’art français des XVIIe et XVIIIe siècles à l’École du Louvre en 1910 ; il peut ainsi reprendre son enseignement commencé de nombreuses années auparavant, sur un tout autre sujet, à l’École des hautes études. Ses cours ont lieu à Versailles même car, comme il note, non sans satisfaction : « Versailles devenait matière d’enseignement et comme le centre d’une étude générale de l’art français pendant deux siècles ».
En remettant en cause de nombreuses traditions erronées et idées reçues, il ne tarde donc pas à se mettre à dos d’éminentes personnalités comme le comte Paul Durrieu dont les deux gros volumes sur l’histoire du château véhiculaient encore de nombreuses erreurs, ou Edmond de Goncourt qui reproche à Nolhac de travailler aussi sur le XVIIIe siècle. Il devait d’ailleurs lui demander, par une amie commune, madame Alphonse Daudet, de ne pas écrire sur Marie-Antoinette… Comme Nolhac n’en fit rien, Goncourt le battait froid et ne perdait pas une occasion pour dire du mal de lui. Dans son Journal (12 février 1892), on peut ainsi lire à propos du livre sur Marie-Antoinette : « Pour son histoire de Marie-Antoinette, M. de Nolhac n’a pas fait grand frais d’imagination. Toute la reconstitution de la société autour de la reine, il me l’a emprunté, et dans son volume entier, il n’y a de neuf que la description de son appartement dont il est à la fois le conservateur et le concierge […]. Du reste, l’auteur a quelque chose de fourbe dans la physionomie » ! De son côté, Nolhac, lorsqu’il évoque une visite de Goncourt au château, avoue, non sans quelque fausse candeur, être étonné de sa médiocre connaissance de l’édifice.
L’étude des lieux allait de pair avec celle des personnages célèbres qui y ont vécu. Nolhac publieÉtudes sur la Cour de France où il étudie Louis XV et Marie Leszczinska, Louis XV et Madame de Pompadour, Marie-Antoinette. Il fit paraître aussi plusieurs monographies d’artistes, sur Nattier, Fragonard, Boucher, Vigée-Lebrun ou Hubert Robert où, comme à son habitude, il fait surtout œuvre d’historien, replaçant les créations dans leur contexte plutôt que de s’attarder à analyser longuement les œuvres.
Élevé dans le traumatisme de la guerre de 1870, il se montre toute sa vie très anti-allemand, dénigrant à Rome les façons rustres d’un Mommsen, s’exclamant même dans un poème : « Mais avec ces Teutons, qu’avions-nous en commun ? » Après la victoire de 1918, il publie des poésies stigmatisant l’ennemi, déplorant la perte de la cathédrale de Reims ; il publie même un article en écho à une pétition adressée par l’Académie des beaux-arts au gouvernement français et aux plénipotentiaires de la Conférence de Paix (qu’il suit à Versailles en « maître de maison ») demandant la saisie d’œuvres d’art en dédommagement des pertes patrimoniales subies par la France et la Belgique : « De beaux tableaux réunis par l’aïeul [Frédéric II] et payant les frasques du descendant [Guillaume II], rien ne sera plus naturel, ni plus satisfaisant pour la morale. » Parmi les œuvres auxquelles il pense figurent rien moins que les Watteau de Berlin et de nombreuses autres fêtes galantes, mais aussi du mobilier et des sculptures pris dans tout le pays.
À l’inverse, l’Italie était comme sa seconde patrie et, à la fin de sa vie, il devait fonder le Comité France-Italie dont la vocation est le rapprochement des deux pays, ainsi que la revue Le Front Latin, en 1934, pour « créer entre les pays latins une solidarité efficace, assurer la renaissance et le règne de la civilisation méditerranéenne ».
En 1920, considérant que l’essentiel de l’œuvre était achevée, Nolhac décide de prendre sa retraite. Pour l’empêcher de partir, ses amis lui suggèrent de se présenter aux élections législatives, mais il ne donne pas suite à ce projet et prend la tête du musée Jacquemart-André à Paris. Après avoir échoué en 1907, puis en 1911, il est élu à l’Académie française le 15 juin 1922 au fauteuil d’Émile Boutroux, en partie grâce au soutien de Maurice Barrès.
Devenu presque sourd et presque aveugle, il s’éteint à Paris le 31 janvier 1936. La revue Le Front Latin lui consacre un numéro spécial en 1937. Léon Daudet lui rend un bel hommage dans ses souvenirs : « Pierre de Nolhac qui est, comme le serpent de Kipling, le gardien des trésors de la cité des rois […]. C’est une belle, droite et claire nature, un érudit, un grand humaniste de la Renaissance et qui garde, derrière ses lunettes, un visage étonnamment jeune et souriant […]. Je n’ai pas connu d’homme plus subtil, plus apte à discerner l’important du secondaire, l’original entre ses copies, la pensée maîtresse entre ses transformations. C’est un ami de l’ordre, de la hiérarchie, de la mesure, de la nuance. Il dit plaisamment : ‟Je suis un fanatique de la modération”. […] Nolhac est poète, profondément poète et il a été, par moment, grand poète. »
Thierry Bajou
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Lettres de Joachim du Bellay publiées pour la première fois d’après les originaux. Paris : Charavay frères, 1883. Rééd. : Genève : Slatkine, 1974.
- Érasme en Italie, étude sur un épisode de la Renaissance, avec douze lettres inédites d’Érasme. Paris : C. Klincksieck, 1888.
- Les Études grecques de Pétrarque. Paris : imp. Nationale, 1888.
- Pascal en Auvergne. Paris : Lemerre, 1888 ; éd. illustrée par M. Argence ; Saint-Félicien-en-Vivarais : au Pigeonnier, 1925. Rééd. : Paris : Maison du Livre, 1925.
- Manuscrits à miniatures de la Bibliothèque de Pétrarque. Paris : Lévy, 1889.
- Il Viaggio in Italia di Enrico III, Re di Francia, e le Feste a Venezia, Ferrara, Mantova e Torino. Collab. D’A. Solerti. Turin : L. Roux, 1890.
- La Reine Marie-Antoinette. Paris : Boussod et Valadon, 1890 ; au moins 24 rééditions avec ou sans variantes, ill. ou non.
- De Patrum et medii aevi scriptorum codicibus in bibliotheca Petrarcae olim collectis, disserebat Petrus de Nolhac, Parisiis, apud Ae. Bouillon. Paris : E. Bouillon, 1892.
- Du rôle de Pétrarque dans la Renaissance. Chartres : imp. Durand, 1892.
- Pétrarque et l’humanisme. Paris : E. Bouillon, 1892 ; rééd. revue et augmentée : Paris : H. Champion, 1907, 2 vol. ; rééd. : Paris : H. Champion, 1965.
- Marie-Antoinette à Trianon ; les journées d’octobre ; la mort de la reine. Paris : H. Gautier, 1893.
- Paysages de France et d’Italie. Paris : A. Lemerre, 1894 ; rééd. : Paris : Calmann-Lévy, 1905.
- La Dauphine Marie-Antoinette. Paris : Boussod et Valadon, s. d. [1896].
- Le Musée national de Versailles, description du château et de ses collections. Collab. d’A. Pératé. Paris : Brun, Clément et Cie, 1896.
- Le Château de Versailles sous Louis XV, recherches sur l’histoire de la cour et sur les travaux des bâtiments du roi. Paris : H. Champion, 1898.
- Études sur la cour de France. Marie-Antoinette dauphine, d’après de nouveaux documents. Paris : C. Lévy, 1898 ; nombreuses rééd.
- Histoire du château de Versailles : l’architecture, la décoration, les œuvres d’art, les parcs et les jardins, le grand et le petit Trianon, d’après les sources inédites, papiers de Colbert, de Louvois, de Mansart, dessins, comptes et correspondances de l’administration des bâtiments du roi au XVIIe et au XVIIIe siècles. Paris : Société d’éditions artistiques, 1899.
- Études sur la cour de France. La Reine Marie-Antoinette. 8e éd. revue et augmentée d’après de nouveaux documents. Paris : C. Lévy, 1899.
- Louis XV et Marie Leczinska. Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1900 ; autre éd. : Paris : Goupil, 1900 ; rééd. : Paris : Calmann-Lévy, 1902
- La Création de Versailles d’après des sources inédites, étude sur les origines et les premières transformations du château et des jardins. Versailles : L. Bernard, 1901.
- Tableaux de Paris pendant la Révolution française. Paris : Le Livre et l’estampe, 1902.
- Études sur la cour de France. Louis XV et Marie Leczinska, d’après de nouveaux documents. Paris : Calmann-Lévy, 1902 ; rééd. : Paris : Calmann-Lévy, 1907.
- Louis XV et madame de Pompadour. Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1902 ; autre éd. : Paris : Goupil, 1903 ; rééd. : Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1928.
- Paysage de France et d’Italie. Paris : Calmann-Lévy, 1904 ; rééd. : Paris : Garnier frères, 1920 ; rééd. illustrée par P.E. Colin : Paris : imp. Lapina, 1923.
- Jean-Marc Nattier, peintre de la Cour de Louis XV. Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1905 ; autre éd. Paris : Goupil, 1905 ; rééd. : Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1910 ; H. Floury, 1925.
- Études sur la cour de France. Louis XV et Mme de Pompadour, d’après de nouveaux documents inédits. Paris : Calmann-Lévy, 1904 ; rééd. : Paris : Calmann-Lévy, 1908 ; Paris : Calmann-Lévy, 1948
- Fragonard, 1732-1806. Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1906, rééd. : Paris : Manzy, Joyant et Cie, 1918 ; Paris : Goupil, 1918 ; Paris : Floury, 1931.
- Les Jardins de Versailles. Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1906 ; autre éd. Paris : Goupil, 1906 ; rééd. : Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1913 ; Paris : Goupil, 1913.
- Les Sonnets nouvellement recueillis pour quelques lettrés. Paris : Floury, 1907.
- François Boucher, Premier Peintre du Roi, 1703-1770, suivi d’un « catalogue des Œuvres peintes de François Boucher qui ont passé en vente publique depuis 1770 jusqu’en 1906 », dressé par Georges Pannier. Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1907 ; rééd. : Paris : Floury, 1925.
- Madame Vigée-Lebrun, peintre de la reine Marie-Antoinette, 1755-1842, suivi d’un « catalogue des œuvres de Madame Vigée-Lebrun, peintures, pastels, dessins, qui ont passé en vente publique depuis 1778 jusqu’en 1908 » dressé par Henry Pannier. Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1908 ; rééd. : Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1912.
- Hubert Robert, 1733-1808. Paris : Goupil et Cie, 1910.
- Histoire du château de Versailles. Paris : A. Marty, t. I et II ; Versailles sous Louis XIV, 1911 ; t. III, Versailles au XVIIIe siècle, 1918.
- Le Dernier Amour de Ronsard. Paris : Dorbon-aîné, 1914.
- Le Trianon de Marie-Antoinette. Paris : Manzi, Joyant et Cie, 1914 ; rééd. : Paris : Calmann-Lévy, 1925.
- Ronsard et l’humanisme. Paris : Champion, 1921.
- Souvenirs d’un vieux Romain. Paris : H. Floury, 1922 ; rééd. : Paris : Plon, 1930.
- Un poète rhénan, ami de la Pléiade, Paul Melissus. Paris : E. Champion, 1922 ; rééd. : Paris : E. Champion, 1923.
- Pierre de Ronsard. Monaco : imp. de Monaco, 1924.
- Poèmes de France et d’Italie. Paris : Alpina, éd. illustrée par P. E. Colin ; 1924 ; rééd. : Paris : Garnier frères, 1925.
- Érasme et l’Italie. Paris : Les Cahiers de Paris, 1925.
- Études sur la cour de France. Le Trianon de Marie-Antoinette. Paris : C. Lévy, 1925.
- Versailles et la cour de France. Paris : Louis Conard, 1925, 2 vol. ; rééd. : Paris : Louis Conard, 1930.
- Versailles inconnu. Les petits cabinets du Roi, les appartements de Mesdames et des maîtresses. Paris : L. Conard, 1925.
- L’Auvergne et le Massif central. (« Le Visage de la France » sous la dir. de P. Chapelle), 1925.
- Autour de la reine. Paris : Lapina, éd. illustrée par Drésa et Bérengier, 1926 ; rééd. augmentée : Paris : J. Taillandier, 1929.
- La Vie amoureuse de Pierre de Ronsard. Paris : Ernest Flammarion, 1926.
- Érasme. Éloge de la Folie nouvellement traduit du latin. Paris : J. Terquem, 1927 ; rééd. : Paris : imp. A. Tallone, 1944.
- Le Testament d’un Latin. Paris : Éditions du raisin, 1928 ; rééd. : Paris : Plon et Nourrit, 1929.
- Études sur la cour de France. Madame de Pompadour et la politique, d’après des documents nouveaux. Paris : Calmann-Lévy, 1928 ; rééd. : Paris : L. Conard, 1930.
- La Vie et l’œuvre de Maurice Quentin de La Tour. Paris : H. Piazza, 1930.
- Pages auvergnates. Paris : Maison du Livre français, 1931.
- Contes philosophiques. Paris : B. Grasset, 1932.
- Lettre romaine à Claude Lorrain, orné de bois en camaïeu par Pierre Gusman. Paris : Société de la gravure sur bois originale, 1932.
- Marie-Antoinette à Versailles. Paris : Flammarion, 1932.
- Portraits du XVIIIe siècle. La douceur de vivre. Paris : Édition d’histoire et d’art, 1933.
- Le Rameau d’or, poèmes de l’humanisme. Paris : Plon, 1933 (la plupart des poèmes ont paru dans La Revue des deux mondes à partir de 1927).
- Louis XV à Versailles. Paris : Flammarion, 1934.
- Peintres français en Italie. Paris : éd. d’Histoire et d’Art, librairie Plon, 1934.
- La Résurrection de Versailles, souvenirs d’un conservateur, 1887-1920. Paris : Plon, 1937 ; rééd. : Paris : Perrin, 2002.
Articles
- « Le Dernier Amour de Ronsard, Hélène de Surgères, étude historique ». Nouvelle Revue, 15 septembre 1882.
- « Lettres inédites de Paul Manuce, recueillies à la bibliothèque Vaticane ». Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. III, 1883.
- « Collections d’antiquités de Fulvio Orsini ». Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. IV, 1884.
- « Lettere inedite del cardinal de Granvelle a Fulvio Orsini e al Cardinal Sirletto ». Studi e documenti di storia e diritto, 1884.
- « Les Peintures des manuscrits de Virgile ». Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. IV, 1884 ; éd. séparée, Rome, 1884.
- « Jacques Amyot et le décret de Gratien ». Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. V, 1885.
- « Le « Canzoniere » autographe de Pétrarque ». Communication faite à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1886.
- « Inventaire des manuscrits grecs de Jean Lascaris ». Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. VI, 1886.
- « Notes sur Pirro Ligorio ». In Mélanges Renier, recueil de travaux publiés par l’École pratiques des hautes études, Paris, F. Vieweg, 1886.
- « Les Scholies inédites de Pétrarque sur Homère ». Revue de philologie, avril-septembre 1887.
- « Nicolas Audebert ». Revue archéologique, 1887.
- « Les Correspondants d’Alde Manuce, matériaux nouveaux d’histoire littéraire (1483-1514) ». Studi e documenti di storia e diritto, 1887-1888.
- « Giovanni Lorenzi, bibliothécaire d’Innocent VIII ». Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. VIII, 1888.
- « Le Château de Versailles au temps de Marie-Antoinette ». Mémoires de la Société des sciences morales, des lettres et des arts de Seine-et-Oise, t. XVI, 1889.
- « Piero Vettori et Carlo Sigonio, correspondance avec Fulvio Orsini ». Studi e documenti di storia e diritto, 1889.
- « Le « De Viris Illustribus » de Pétrarque. Notice sur les manuscrits originaux ». Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres bibliothèques, t. XXXIV, 1e partie, 1890.
- « Les Manuscrits de l’Histoire Auguste chez Pétrarque ». In Mélanges G. B. de Rossi, supplément aux Mélanges d’archéologie et d’histoire, t. XII, 1892.
- « Le Virgile du Vatican et ses peintures ». Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, t. XXXV, 2e partie, 1897.
- « Les Consignes de Marie-Antoinette au Petit-Trianon ». Revue de l’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1899 ; éd. du texte seul, Paris : H. Champion, 1899.
- « Les Dernières Constructions de Le Vau à Versailles ». Revue de l’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1899.
- « Clagny ». Revue de l’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1900.
- « Trianon de porcelaine ». Revue de l’histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1901 ; éd. séparée, Paris : A. Picard, 1901.
- « L’Orangerie de Mansart ». Revue de l’Histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1902 ; éd. séparée, Versailles : L. Bernard, 1902.
- « La conversion de Madame de Pompadour ». Revue d’Histoire et de Littérature religieuses, t. X, 1905 ; éd. du texte seul, Mâcon : Protat frères, 1905.
- « Vers pour la Patrie ». Revue de Paris, n° 1, janvier 1918 ; rééd. Paris : Émile-Paul frères, 1920.
- « Ronsard et ses amis italiens ». Études italiennes, 3e année, n° 1, janvier 1921.
- « Ausonia victrix ». Les Amis d’Édouard, n ̊ 40, 1922.
- « Deux lettres retrouvées de Ronsard ». Bulletin du bibliophile, 1923.
- « L’Écolier d’Avignon. À l’aube de l’humanisme. Vaucluse, 1352 ». Revue des deux mondes, 1931.
Bibliographie critique sélective
- Pincemaille Christophe. – Postface. In Nolhac Pierre (de), La Résurrection de Versailles, Souvenirs d’un conservateur, 1887-1920. Coll. La société des amis de Versailles, Paris : Perrin, 2002.
Sources identifiées
Les archives sont mentionnées dans la postface de l’ouvrage suivant :
- Pierre de Nolhac, La Résurrection de Versailles, Souvenirs d’un conservateur, 1887-1920, présentés et annotés par Christophe Pincemaille. Paris : Perrin (« La Société des amis de Versailles »), 2002.
En complément : Voir la notice dans AGORHA