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MAGNE, Lucien
Mis à jour le 12 mars 2009(27 décembre 1849, Paris – 25 juillet 1916, Eaubonne)
Auteur(s) de la notice : TALENTI Simona
Profession ou activité principale
Architecte, enseignant
Autres activités
Historien de l’art et de l’architecture
Sujets d’étude
Architecture française du Moyen Âge à la Renaissance, architecture du XIXe siècle, arts appliqués, vitraux
Carrière
1874 : nommé au Comité des édifices diocésains
1877 : nommé architecte diocésain d’Autun
1879 : attaché à la Commission des monuments historiques
1889 : organisateur de l’exposition centennale ; publication de L’Architecture française du siècle
1891-1916 : professeur d’histoire générale de l’architecture à l’École des beaux-arts
1896 : membre de la Commission des monuments historiques
1899-1916 : professeur d’art appliqué aux métiers au Conservatoire national des arts et métiers
1900 : inspecteur général adjoint des édifices diocésains
1901 : inspecteur général de la Commission des monuments historiques
1909 : publication de Leçons sur l’histoire de l’art. L’art dans l’Antiquité
1913 : commence la publication (achevée par son fils Henri-Marcel en 1933) de L’Art appliqué aux métiers
Seconde médaille au Salon de 1878 ; chevalier de la Légion d’honneur (1885) ; officier de la Légion d’honneur (1900)
Étude critique
Issu d’une famille qui compte plusieurs générations d’architectes, Lucien Magne étudie à l’École des beaux-arts à partir de 1868, où il fréquente l’atelier d’Honoré Daumet, chargé à cette époque avec Joseph-Louis Duc de la transformation du Palais de Justice de la capitale. Proche intellectuellement de Viollet-le-Duc, qu’il connut lors du Siège de Paris, Magne commence sa carrière de constructeur en collaborant avec son père Auguste-Joseph, architecte de la Ville de Paris, à différents projets de marchés dans la capitale. Il est l’auteur de nombreux immeubles et hôtels particuliers à Paris, du monument de son gendre, l’astronome Urbain Le Verrier, à l’Observatoire, de l’achèvement du Sacré-Cœur de Montmartre et de nombreux projets non réalisés (comme celui pour la gare d’Orsay). Magne s’attache également à la restauration de monuments religieux et civils pour le Comité des édifices diocésains d’abord (dès 1874) et pour la Commission des monuments historiques à partir de 1879.
L’architecture française du Moyen Âge à la Renaissance constitue l’objet principal de ces travaux de restauration qui s’inspirent souvent, dans leur aspect radical, de la doctrine viollet-le-ducienne. Ses interventions les plus remarquables concernent, entre autres, la cathédrale d’Autun, l’église de Bougival, la cathédrale de Poitiers, le Palais de Justice de Poitiers et l’hôtel Pincé d’Angers. Dans ce dernier édifice, Magne propose d’installer un musée d’architecture française. Dans ce but, il offre à la ville une série de dessins de son père afin de constituer le premier fonds du musée qui ouvre ses portes en 1889, dans les salles de l’hôtel Pincé, grâce surtout au legs de l’architecte Édouard Moll. L’institution muséale semble l’intriguer : en 1910 il participe à la création d’un musée du vitrail dans le palais du Trocadéro, à partir de sa collection de fragments de vitraux anciens réunis tout au long de sa carrière de restaurateur. L’œuvre des peintres verriers français est aussi l’un de ses sujets de prédilection depuis les débuts de sa carrière : en témoignent les diverses publications sur ce thème, ainsi que l’organisation en 1884, pour le compte de l’administration des beaux-arts et des cultes, d’une salle de vitraux anciens dans le musée des Arts décoratifs. L’exposition de vitraux anciens ouverte à l’occasion de l’Exposition universelle internationale de 1900 permet à Magne de divulguer auprès du grand public la connaissance du riche patrimoine français. En 1894-1895, il fait partie d’une commission envoyée en Grèce afin d’étudier le Parthénon et les possibilités de sa conservation, dont il publie très vite en 1895 les résultats scientifiques.
Mais le nom de Lucien Magne n’est pas seulement lié au monde de la construction et du patrimoine. Sa vocation de pédagogue se manifeste dès 1891, lorsqu’à la mort du professeur Albert Lenoir il est nommé enseignant d’histoire de l’architecture à l’École des beaux-arts. Son cours n’est pas uniquement basé sur l’ordre chronologique, proposant l’étude de l’Antiquité en première et deuxième années et celle du Moyen Âge et des Temps modernes en troisième année. « Étudier un édifice, c’est avant tout rétablir la raison des dispositions et des formes en les cherchant dans la civilisation même à laquelle l’œuvre appartient. » C’est ainsi que le nouveau professeur formule de façon synthétique le programme de son enseignement lors de la première leçon du 4 janvier 1892. L’architecture reflète, à son avis, les besoins et les idées de l’époque qui l’a vue naître, dans un va-et-vient entre l’analyse historico-sociale et l’étude des organes. Ce qui signifie que les informations fournies par l’histoire de la civilisation, des mœurs et des croyances d’un peuple restent, selon Magne, trop générales et qu’il faut analyser les systèmes constructifs « pièce par pièce », anatomiquement, et « en mettant à nu l’ossature sous la forme ». Cette idée va structurer aussi bien le plan de son enseignement que ses ouvrages historiques. Les matériaux et les systèmes constructifs, ainsi que le rapport entre la structure et la décoration, deviennent les thèmes de prédilection autour desquels s’organisent les divers ouvrages de Magne. Notamment ceux entrepris à partir de 1913 dont le titre L’Art appliqué aux métiers reprend celui de l’enseignement dispensé par Magne au Conservatoire national des arts et métiers dès 1898-1899. Un cours qui, au-delà de l’enseignement de l’application de l’art aux ouvrages de pierre, terre, verre, métal, bois, ainsi qu’aux tissus, vise à élaborer une théorie de la création artistique. Magne s’attache à expliquer l’essence de la composition décorative et à dégager les lois invariables à laquelle elle est soumise. Les réflexions sur le style comme l’« expression juste des idées et des besoins de la société contemporaine », sur la forme considérée comme « l’enveloppe décorative d’une ossature qui ne peut être arbitraire », sur l’approche exacte de l’histoire des arts qui nous enseigne « la concordance nécessaire entre l’idée et l’expression, entre la forme et la structure », mais qui ne peut « suppléer à l’initiative de l’artiste, à l’expression de la vie », sont autant de concepts applicables non seulement aux arts appliqués, mais également à la pratique architecturale.
Lors de l’Exposition universelle de 1889, Magne est le responsable de la présentation consacrée à l’évolution de l’architecture française depuis la Révolution. Appelée « exposition centennale » et réalisée à partir de dessins originaux d’Alexandre Théodore Brongniart, Charles Percier, Félix Duban, Henri Labrouste, Eugène Viollet-le-Duc, Charles Garnier et bien d’autres, la rétrospective mise en place par Magne inaugure une nouvelle distance critique et une plus évidente impartialité envers l’architecture du XIXe siècle. Magne résume cette expérience dans une conférence donnée au palais du Trocadéro le 25 juillet 1889, publiée ensuite sous le titre L’Architecture française du siècle. Guillaume Abel Blouet, Marie Émile Gilbert, Félix Duban, Henri Labrouste, Joseph-Louis Duc et Léon Vaudoyer représentent à ses yeux les premiers novateurs. Dans une interview publiée en 1900, Magne affirme encore plus clairement l’existence d’une architecture moderne, dont Labrouste et Vaudoyer auraient été en partie les inspirateurs. Elle se manifesterait à partir de l’opéra de Garnier dans des œuvres célèbres de la fin du siècle comme le Crédit lyonnais de William Bouwens, mais également dans les nouveaux établissements d’enseignement, les casernes ou les habitations privées. Par ailleurs, l’intérêt de Magne vis-à-vis d’un architecte comme Henri Labrouste s’est déjà précisé en 1898 lorsqu’il publie, dans la revue Art et Décoration, « L’Architecture moderne » – un article où Magne aborde en véritable historien l’œuvre du grand architecte rationaliste. Loin d’être une simple nécrologie ou une nouvelle apologie des deux grandes bibliothèques parisiennes, l’analyse de Magne se concentre sur les réalisations moins connues de Labrouste, comme par exemple l’hôtel Fould. Toutefois l’intérêt que Magne manifeste pour l’emploi du métal en architecture – amplement témoigné par les trois volumes consacrés au Décor du métal – était peut-être à l’origine de sa grande admiration pour l’architecte des deux célèbres bibliothèques parisiennes.
Le succès de l’exposition « centennale » de 1889 incite les organisateurs de l’Exposition universelle de 1900 – dont Magne – à réitérer l’expérience. La section consacrée à l’architecture est assez riche et, avec ses 163 dessins présentant les différents courants artistiques du XIXe siècle, témoigne du processus de réhabilitation de l’architecture moderne dont Magne est l’un des défenseurs.
Qu’il s’agisse de la publication sur le Parthénon (1895) ou de L’Architecture française du siècle (1889), ou encore des Leçons sur l’histoire de l’art. L’art dans l’Antiquité (1909), les ouvrages historiques publiés par Magne sont souvent liés à des événements occasionnels – comme les missions en Grèce ou les Expositions universelles – voire à ses expériences de pédagogue et de conférencier – L’Art dans l’habitation moderne (1887) est la transcription d’une conférence donnée à l’Union centrale des arts décoratifs la même année. Toutefois sa production imprimée demeure considérable et témoigne d’une culture vaste et composite, allant de l’histoire des vitraux à celle des matériaux de construction, de l’histoire de l’art à l’histoire de l’architecture, des objets de l’Antiquité aux œuvres contemporaines.
Simona Talenti, professeur d’histoire de l’architecture à l’université de Salerne
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Études pour la nouvelle gare d’Orléans au quai d’Orsay. Paris : impr. de G. de Malherbe, s. d.
- Projet de restauration et d’achèvement de l’église de Montmorency. Paris : impr. de J. Claye, 1876.
- L’Œuvre des peintres verriers français. Verrières des monuments élevés par les Montmorency. Montmorency Écouen. Chantilly. Paris : Firmin-Didot, 1885.
- Conférence sur le vitrail par M. Lucien Magne [extrait de la Revue des arts décoratifs, janvier 1884]. Paris : impr. de A. Quantin, 1885.
- L’Art dans l’habitation moderne, conférence faite à la bibliothèque de l’Union centrale des arts décoratifs, par M. Lucien Magne,…3 mai 1887. Paris : Firmin-Didot, 1887.
- Les Vitraux de Montmorency et d’Écouen. Paris : Firmin-Didot, 1888.
- L’Architecture française du siècle. Paris : Firmin-Didot, 1889.
- École nationale et spéciale des beaux-arts. Cours d’histoire générale de l’architecture. Leçon d’ouverture. Paris : Firmin-Didot, 1892.
- Le Parthénon : études faites au cours de deux missions en Grèce (1894-1895). Paris : Imprimerie nationale, 1895.
- Études sur l’art grec et sur l’art français. Paris : Galerie Georges Petit, 1896.
- Études sur l’art grec et sur l’art français. Missions de Grèce 1894-1895. Dessins, aquarelles et photographies de Lucien et Marcel Magne. Paris : impr. Georges-Petit, 1896.
- Mistra [extrait de la Gazette des Beaux-Arts, janvier-mars 1897]. Paris : impr. de G. Petit, 1897.
- Conservatoire national des arts et métiers. L’art appliqué aux métiers. Programme de cours, par L. Magne. Paris : Librairie centrale des beaux-arts, 1898.
- Musée rétrospectif de la classe 67, vitraux, à l’Exposition universelle internationale de 1900 à Paris. Rapport par M. Lucien Magne. Saint-Cloud : impr. de Belin frères, 1902.
- Le Palais de Justice de Poitiers, étude sur l’art français au XIVe et au XVe siècles. Paris : Librairie centrale des beaux-arts, 1904.
- La Conservation du Parthénon, par M. Lucien Magne, conférence faite le 31 mars 1905, à la Sorbonne. Paris : Imprimerie nationale, 1905.
- Leçons sur l’histoire de l’art. L’art dans l’Antiquité. Paris : E. Lévy, 1909.
- L’Art appliqué aux métiers. I. Décor de la pierre. II. Décor de la terre. III. Décor du verre. IV. Décor du métal (3 vol). VII. Décor du bois. VIII. Décor du mobilier. IX. Décor du tissu [à partir du vol. 6, le titre porte « par L. Magne et H.-M. Magne » avec Henri-Marcel Magne qui achève seul le dernier volume]. Paris : H. Laurens, 1913-1933, 9 vol.
- La Guerre et les Monuments : cathédrale de Reims, Ypres, Louvain, Arras… Paris : Berger-Levrault, 1915 (« Pages d’histoire. 1914-1915 »).
Articles
- « Le Vitrail ». Gazette des Beaux-Arts, 1885, vol. 31, p. 138-163, 417-424 ; vol. 32, p. 53-60.
- « Le Musée du vitrail ». Gazette des Beaux-Arts, 1886, vol. 34, p. 297-311.
- « L’Exposition de 1900 ». Gazette des Beaux-Arts, 1895, vol. 13, p. 141-152, 177-188.
- « L’Exposition de 1900 ». Gazette des Beaux-Arts, 1896, vol. 16, p. 218-224, 306-316.
- « Coup d’œil sur l’architecture aux salons de 1897 ». Gazette des Beaux-Arts, 1897, vol. 18, p. 140-146.
- « L’Architecture moderne ». Art et Décoration, 1898, t. III, p. 45-53, 73-80.
- « Les Arts à l’Exposition universelle de 1900 : l’architecture ». Gazette des Beaux-Arts, 1900, vol. 23, p. 265-277, 383-396 ; vol. 24, p. 39-51.
- « L’Art appliqué aux métiers. Résumé du cours de M. Magne au Conservatoire des arts et métiers ». Revue des arts décoratifs, 1902, p. 1.-12, 33-48, 65-79, 103-119, 135-146, 169-179. Il collabore entre autres à l’Encyclopédie d’architecture, à la Revue d’architecture et à la Revue des arts décoratifs.
Bibliographie critique sélective
- Vapereau Gustave. – Dictionnaire universel des contemporains. Paris : Hachette, 6e éd., 1893.
- Guédy Henry. – L’Enseignement à l’École nationale et spéciale des beaux-arts. Paris : Aulanier, 1899.
- M.B. – « Lucien Magne (1849-1916) ». L’Architecture, octobre 1916, n° 10, p. 162-163.
- Poupée Henri. – « Magne, Lucien (1849-1916). Professeur d’art appliqué aux métiers (1899-1916) ». In Fontanon Claudine, Grélon André, dir., Les Professeurs du Conservatoire national des arts et métiers, dictionnaire biographique 1794-1955. Paris : Institut national de recherche pédagogique, Conservatoire national des arts et métiers, 1994, vol. 2, p. 169-181.
- Perrot Alain-Charles. – Les Architectes en chef des monuments historiques. 1893-1993. Centenaire du concours des architectes en chef des monuments historiques. Levallois-Perret : HM Éditions, 1994.
- Journal d’une jeune fille Second Empire. 1866-1878. Lucile Le Verrier. Préf. de Lionel Mirisch. Cadeilhan : Zulma, 1994.
- Talenti Simona. – « Lucien Magne : un enseignement de l’histoire de l’architecture à l’École des beaux-arts entre 1892 et 1916 ». Histoire de l’art, octobre 1995, n° 31, p. 47-58.
- Institut français d’architecture. – Archives d’architectes, état des fonds, XIXe-XXe siècles. Paris : Direction des archives de France et Institut français d’architecture, 1996.
- Therrien Lyne. – L’Histoire de l’art en France. Genèse d’une discipline universitaire. Paris : Éd. C.T.H.S., 1998.
- Le Cabinet de l’architecte. Lucien Magne et la restauration des monuments angevins en 1900, Archives départementales de Maine-et-Loire, 17 septembre-12 novembre 1999.
- Talenti Simona. – L’Histoire de l’architecture en France. Émergence d’une discipline (1863-1914). Paris : Picard, 2000.
Sources identifiées
Paris, Archives nationales
- 534 AP 1-22 : fonds Lucien et Henri-Marcel Magne
- F 19 : architectes des monuments historiques
- AJ 52 148-149 : « École des beaux-arts. Concours d’histoire de l’architecture des élèves de première classe, 1884-1900 »
Paris, bibliothèque de l’École nationale supérieure des beaux-arts
- Portrait de Lucien Magne par Hippolyte-Jules Lefebvre, médaille en bronze
- Portrait de l’architecte Lucien Magne par Félix-Henri Giacomotti, toile
Paris, Conservatoire national des arts et métiers, musée des techniques
- Fonds Magne (fonds d’environ 3 500 clichés et positifs)
- 1DD 15 ; 2AA/7 « Conseil de perfectionnement. 1885-1909 »
Paris, Institut français d’architecture, centre d’archives d’architecture du XXe siècle
- Fonds Guadet : L. Magne, Programme du cours d’histoire générale de l’architecture (25 leçons)
En complément : Voir la notice dans AGORHA