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LEBAS, Hippolyte
Mis à jour le 25 février 2013(31 mars 1782, Paris – 12 juin 1867, Paris)
Auteurs de la notice : LARGIER Françoise
Profession ou activité principale
Architecte
Autres activités
Professeur à l’École des beaux-arts, historien de l’art
Sujets d’étude
Histoire de l’architecture depuis l’Égypte jusqu’au haut Moyen Âge
Carrière
1782 : né d’un père procureur au Châtelet, étudie au collège Sainte-Barbe, puis fréquente l’atelier de son oncle Antoine-Laurent-Thomas Vaudoyer partagé avec Julien-David Le Roy
1794 : élève à l’école d’architecture jusqu’en 1806, élève de Charles Percier pendant un an, trois fois logiste
1803 : premier voyage en Italie aux frais de l’armée en tant que guide du futur prince Murat
1804 : prix départemental
1806 : deuxième Grand Prix pour un Palais pour la Légion d’honneur et deuxième voyage en Italie à ses frais avec François Debret ; relèvent ensemble les œuvres de Vignole ; pensionnaire (non officiel) à l’Académie de France à Rome
1811 : troisième voyage en Italie pour compléter les relevés ; à son retour, épouse Colombe Isambert dont il aura quatre enfants. L’un d’eux, Gabriel-Hippolyte (1812-1880) sera peintre architecte. Sa fille Alexandrine (1813-1893) épousera Léon Halévy en 1832. La famille habite longtemps à l’Institut et Lebas terminera sa vie à Auteuil
1811-1826 : nommé inspecteur, assiste Alexandre Brongniart puis, en 1813, Éloi Labarre à la construction du palais impérial de la Bourse
1816-1840 : membre du jury d’architecture de l’École des beaux-arts
1814-1826 : travaille sur le projet de la Chapelle expiatoire et participe à sa construction sous la direction de Pierre-François-Léonard Fontaine
1815 : les œuvres de Jacques Barrozi de Vignole font l’objet de la seule publication de Lebas en collaboration avec François Debret (1827 à 1835, seules quatorze livraisons ont paru)
Vers 1818 : projet d’asile d’aliénés suivant les idées du psychiatre Jean-Étienne Esquirol
1819-1865 : professeur puis directeur de l’atelier qu’il partage avec Antoine-Laurent-Thomas Vaudoyer et qu’il anime seul après la mort de celui-ci en 1846. En 1840, il reprend les élèves de Jean-Nicolas Huyot. Son atelier forme la plupart des Grands Prix dont Henri Labrouste, Charles Garnier et son futur adjoint Louis-Victor Louvet
1821-1829 : monument de Malesherbes de la salle des pas-perdus du Palais de Justice de Paris
1823-1836 : construction de la nouvelle église Notre-Dame-de-Lorette, attribuée sur concours
1826 : architecte des bâtiments civils
1826-1836 : construction de la prison de la Petite-Roquette, attribuée sur concours, détruite en 1974
1827-1830 : piédestal de la statue de Louis XVIII, prévue place du Palais-Bourbon
1831 : nommé architecte conservateur de la 4e section des monuments de la ville de Paris comprenant le monument du Pont-Neuf, l’Institut, la bibliothèque Mazarine, l’École des beaux-arts, l’École nationale des Ponts et Chaussées, l’Académie de médecine et l’hôtel du quai d’Orsay, jusqu’en 1838 ; en 1839, chargé seulement du monument du Pont-Neuf, de l’École et de l’Académie de médecine, de l’Odéon, de l’Institut, de la bibliothèque Mazarine
1832-1834 : restauration de la salle des séances de l’Académie de médecine rue des Saints-Pères
25 novembre 1840 : élu à la chaire d’histoire de l’architecture à l’École des beaux-arts (gardera ce titre jusqu’en 1863)
1845-1846 : construit la nouvelle aile orientale de la seconde cour de l’Institut
1847-1854 : membre honoraire des bâtiments civils
1856 : Albert Lenoir devient le suppléant de Lebas pour le cours d’histoire de l’architecture
1860-1861 : participe au jury du concours de l’Opéra
1864 : tombeau de Jacques-Fromental Halévy au cimetière de Montmartre
12 juin 1867 : décès
Étude critique
Après une formation auprès d’Antoine-Laurent-Thomas Vaudoyer, son oncle, et de Charles Percier, Lebas effectue plusieurs voyages en Italie. Il est surtout connu pour sa carrière d’architecte officiel du début du XIXe siècle et cette carrière est bien documentée. Il a participé comme inspecteur à la construction de la Chapelle expiatoire et à celle du palais de la Bourse. Il a ensuite réalisé l’église Notre-Dame-de-Lorette (1823-1836), dans l’esprit des églises paléochrétiennes romaines, adoptant un plan basilical et un décor important. Il dirige aussi la construction de la prison de la Petite-Roquette (1826-1836) suivant un plan panoptique.
Il a exercé aussi une autre carrière, moins connue, celle d’historien de l’architecture : en 1840 il se voit confier la chaire d’histoire de l’architecture à l’École des beaux-arts. Le cours qu’il y dispense est le principal instrument de son action d’historien. Le lien entre histoire et théorie est ici manifeste. La chaire d’histoire de l’architecture est apparue en 1819, suite au dédoublement de la chaire de théorie d’architecture. Occupée d’abord par Jean-Nicolas Huyot, à la mort de celui-ci en 1840, elle revient sur concours à Lebas. Il est alors au sommet de sa réputation, dirige le plus grand atelier d’architecture de Paris et appartient à l’Académie. Le professeur Lebas va dispenser ses cours de 1842 à 1856. Ensuite, tout en restant titulaire, il choisit d’avoir un suppléant qui assurera les cours jusqu’en 1863, année de réforme de l’École. Son dévolu s’est porté sur Albert Lenoir, le fils du fondateur du musée des monuments français. L’enseignement de Lebas s’appuie largement sur l’héritage de ses prédécesseurs Léon Dufourny et Huyot et il n’est pas toujours facile de repérer son apport original. Son cours est connu par un manuscrit présent à la bibliothèque de l’Institut de France. Le cours est dispensé sous forme de leçons. Chaque leçon est rédigée avec beaucoup de soin. Elle tient dans un feuillet, une cinquantaine de feuilles écrites au recto, de format in-quarto. Environ douze leçons par an, dont certaines sont répétées d’un cycle à l’autre. Le style est, dans l’ensemble, clair et agréable à lire. Après avoir justifié de l’importance de l’histoire de l’architecture pour fonder la théorie de cet art, le programme du cours s’ouvre sur des considérations générales portant sur les origines et la généalogie des architectures, comme sur les qualités nécessaires aux architectes. L’organisation adoptée ensuite est chronologique suivant l’enchaînement des civilisations tout au long de l’Antiquité. Deux cycles se succèdent, de 1842 à 1850 et de 1851 à 1856. Le cours détaille les différentes architectures regroupées par types de civilisations : celle de l’Égypte, puis successivement celles de Babylone, de l’Inde, de la Chine, de la Grèce, qui occupe une très large place, et enfin de l’Italie, allant jusqu’au Bas-Empire. Les temps modernes, pourtant annoncés et parfois évoqués, ne seront pas traités. Chaque civilisation est introduite par des notions de géographie et d’histoire, ces dernières étant émaillées de nombreuses références aux auteurs anciens tels Hérodote, Denys d’Halicarnasse, Plutarque, Pausanias, Strabon, Vitruve, etc. Il est parfois fait référence à des cartes, dessins ou plans dont certains sont tracés sur le manuscrit lui-même.
Lebas adopte la démarche d’un véritable historien de l’architecture, préoccupé par « la généalogie de l’art ». Pour établir une telle généalogie, il part à la recherche des causes et des formes des premières constructions et étudie leur évolution, reliées pour lui à l’histoire des sociétés. Il lui accorde donc la primauté sur l’histoire des artistes ou des monuments. À ce titre, Lebas participe d’un courant, initié par Johann Winckelmann, tourné vers l’histoire sociale de l’art. Dans ce courant, les concepts d’historicité de l’art, d’imitation ou de périodisation des cycles de création (naissance-perfectionnement-décadence) s’épanouissent. L’intérêt du cours de Lebas, outre son existence même, réside dans le choix qu’il fait de traiter certaines questions, et dans la façon scientifique dont il les traite. Trois d’entre elles sont particulièrement significatives de l’esprit historien du cours. Elles relèvent d’une quête des fondements de l’architecture puis d’une mise en perspective de son histoire. Il s’agit de la recherche des causes morales et physiques, de la recherche des origines et de l’évolution du voûtement. La recherche des causes constitue au XIXe siècle une question fondamentale pour les pionniers de la « nouvelle histoire » parce que les sujets et les types d’architecture en dépendent et donc leur évolution et leur variété. Pour Lebas, « il faut rendre les causes évidentes et palpables ». La première cause évoquée est l’accroissement démographique qui préside à une nouvelle organisation sociale et à l’apparition de l’agriculture. Les hommes ont besoin d’abris durables lorsqu’ils sortent de l’état nomade. Cette cause première concerne l’architecture initiale, celle de l’habitat privé. Mais le professeur s’intéresse davantage à l’architecture publique, seule véritable architecture selon lui. Aussi poursuit-il sa recherche des causes. Pour ce faire, il énonce le raisonnement arborescent suivant : l’ensemble des causes à l’origine de l’architecture se subdivise en causes morales et causes physiques. Parmi les premières, les causes morales, c’est « l’amour social » qui explique les constructions des édifices publics. Pour définir l’amour social, Lebas reprend l’idée selon laquelle la formation des sociétés appelle la construction d’édifices publics nécessaires à leur fonctionnement. L’amour social chez Lebas constitue le facteur essentiel de la perfection des arts : « Il y eut toujours et chez tous les peuples, une époque à laquelle les arts atteignirent au plus haut degré de perfection, et c’était principalement à l’amour social que cette perfection devait être attribuée. » Ce concept abstrait ne prend effet que grâce à certains individus, les souverains, qui le mettent en œuvre. Par-delà l’amour social et la perfection qui lui est attachée, on perçoit la défense d’un idéal, toujours sous-jacente aux discours du professeur, qui ne peut être atteint que par la connaissance des erreurs du passé et par la raison qui permet de les éviter. L’amour social est opposé au bien-être individuel, moteur de la construction des édifices privés, et lorsque seul ce dernier préoccupe les sociétés celles-ci tombent en décadence. Le second type de causes étudiées par Lebas, les causes physiques, agissent moins sur les hommes que sur les bâtiments. Elles relèvent, par nature, des matériaux (pierres, briques ou bois), des climats ou des sites existants sur le territoire envisagé. Ensemble, causes morales et physiques définissent « le caractère » du pays et à son tour, ce caractère formera celui de l’architecture. Il s’agit là d’un certain déterminisme du milieu environnant. Suivant ce déterminisme, les caractères sont, par exemple, l’aspect colossal et la stabilité pour l’Égypte, la grâce, l’harmonie, la variété pour la Grèce, la magnificence, le luxe, et la profusion pour Rome. Ce déterminisme est tempéré par le primat relatif de l’idéal grec car, s’appuyant sur Charles-Louis Clérisseau qui fréquentait le salon de son père et sur Antoine Quatremère de Quincy, Lebas précise bien qu’il faut « nous préserver d’un respect trop superstitieux, d’une soumission trop aveugle et trop servile ».
Lebas propose alors sa généalogie de l’architecture. Elle débute chronologiquement en Asie dans la nuit des temps, passe à l’Égypte, puis en Grèce où elle atteint « un degré de perfection ». Elle va ensuite chez les Étrusques, appauvrie, et enfin chez les Romains où, d’abord timide, elle « s’élève avec éclat sous le règne d’Auguste ». Elle reçoit le coup mortel lors du transfert du siège de l’Empire romain à Constantinople, reste ensevelie pendant quelques temps dans les ténèbres de la barbarie, puis émerge dans plusieurs styles d’architecture offrant tous un mélange plus ou moins bizarre de style grec et de style oriental. « Des peuples nouveaux surent donner à ces diverses architectures le caractère original que l’on remarque dans la plupart des édifices du Moyen Âge. » Enfin l’architecture, fondée sur les principes des anciens grecs et romains, reparaît aux XIVe et XVe siècles en Italie au plus haut degré de perfection où les modernes ont pu le porter, pour, de là, se répandre et se propager dans toute l’Europe. Cette généalogie, très explicite, dégage un certain nombre d’architectures dominantes appelées les « architectures mères » dont le « caractère leur soit propre et particulier parmi lesquelles on distingue l’architecture égyptienne, l’asiatique ou l’orientale, la grecque devenue celle des Romains, la mauresque, celle dite gothique, qui offrent un puissant intérêt sous le rapport de l’histoire de l’art ».
Dans cet esprit de généalogie des formes et sur fond de quête nationale identitaire, Lebas plonge aussi au cœur de la question de la paternité de l’ogive discutée par les partisans de l’art néo-gothique anglais, allemands et français. Il pense « que l’usage des voûtes a dû prendre naissance en Grèce, qu’il s’est perfectionné chez les Étrusques qui l’auraient transmis aux Romains chez lesquels il prit une telle extension que l’adoption par eux de ce genre de construction imprima à leur architecture un caractère qui lui est propre sous le rapport historique de l’art ». En 1851, il va même jusqu’à attribuer aux Romains la paternité de la voûte d’arêtes, tout en étant conscient de la complexité de la question.
La démarche méthodique d’histoire sociale de l’architecture adoptée par le professeur Lebas dans son cours est à rattacher aux méthodes des sciences naturelles et au mouvement de découvertes des civilisations. Du fait de la rigueur de ses idées et de sa méthode ainsi que de l’influence qu’elles ont exercée sur ses nombreux élèves, Louis-Hippolyte Lebas apparaît comme un maillon important de l’histoire de l’architecture.
Françoise Largier, diplômée des 1er et 2e cycles de l’École du Louvre
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Lebas Hippolyte et Debret François. – Œuvres complètes de Jacques Barrozi de Vignole. Paris : éd. P. Didot l’aîné, 1815, In-fol., 2 p., 84 pl. gr., frontisp. gr.
- Rapport sur les ouvrages envoyés de Rome par MM. les pensionnaires de l’École royale de France, lu à la séance publique de l’Académie royale des beaux-arts, le samedi 7 octobre 1826 par M. Lebas.
- Discours de M. Lebas prononcé aux funérailles de M. Percier le 7 septembre 1838. Paris, 1850.
Cours prononcés
- Cours d’histoire de l’architecture, dispensé à l’École des beaux-arts, 1840-1863.
Bibliographie critique sélective
- Vaudoyer Léon. – « Notice sur la vie et les ouvrages de M. Lebas ». Revue générale de l’architecture et des travaux publics, col. 245-251, 1869.
- Petridou Vassili. – La Doctrine de l’imitation dans l’architecture française dans la première moitié du XIXe siècle. Du néo-classicisme au romantisme à travers l’œuvre de L. H. Lebas (1782-1867), thèse de doctorat, Paris IV, Sorbonne, 1992.
- Bergdoll Barry. – Léon Vaudoyer : historicism in the age of Industry. Cambridge (Massachussets) ; Londres : The MIT Press, 1994.
- Pinon Pierre. – « Les Vaudoyer et les Lebas, dynasties d’architectes ». In Henri Loyrette, dir., Entre le théâtre et l’histoire : la famille Halévy. Paris : Fayard/Réunion des musées nationaux, 1998, p. 88-100.
- Talenti Simona. – L’Histoire de l’architecture en France, émergence d’une discipline (1863-1914). Paris : Picard, 2000.
- Largier Françoise. – « Louis-Hippolyte Lebas (1782-1867) et l’Histoire de l’art ». Livraisons d’histoire de l’architecture, 1er trimestre 2005, p. 113-127.
- Pinon Pierre. – « Les Fondements de l’orientalisme en France : les cours d’histoire de l’architecture de Jean-Nicolas Huyot (1823-1840) ». In Nabila Oulebsir et Mercedes Volait, dir., L’Orientalisme architectural : entre imaginaires et savoirs. Paris : CNRS / Picard, 2009, p. 24-36 (« D’une rive, l’autre »).
Sources identifiées
Pas de sources recensées à ce jour
En complément : Voir la notice dans AGORHA