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HUBERT, Henri
Mis à jour le 10 février 2010(23 juin 1872, Paris – 25 mai 1927, Chatou)
Auteur(s) de la notice :
LORRE Christine
Profession ou activité principale
Conservateur de musée, orientaliste, historien des religions
Autres activités
Archéologue, préhistorien, sociologue
Sujets d’étude
Pré- et protohistoire française et européenne, histoire des religions, histoire comparée des civilisations, ethnographie
Carrière
1884-1890 : études au lycée Louis-le-Grand ; premier prix au Concours général (version grecque)
1892 : admis à l’École normale supérieure ; licence de lettres à la Sorbonne ; bibliothécaire-adjoint auprès de Lucien Herr
1895 : reçu 3e à l’agrégation d’histoire ; inscrit au cours d’assyrien de l’abbé Quentin, École des hautes études
1896 : fait la connaissance de Marcel Mauss à l’École des hautes études
4 avril 1898 : nommé « attaché libre » au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye ; participe à la fondation de la revue L’Année sociologique où il occupe une place centrale
1901 : élu maître de conférence à l’École des hautes études, section des sciences religieuses : cours sur les religions primitives de l’Europe
1902-1903 : voyage autour du monde à l’issue d’une mission gratuite du ministère de l’Instruction publique afin de participer au Congrès international des orientalistes (Hanoï) et d’étudier la préhistoire de l’Indochine et du Japon ; retour en Europe par les États-Unis ; en collaboration avec Marcel Mauss, publie l’Esquisse d’une théorie générale de la magie
1906 : chargé du cours d’archéologie nationale à l’École du Louvre pour suppléer Salomon Reinach
1905-1907 : travaille au récolement, au sauvetage et au transfert des collections de provenance exotique appartenant à l’ancien musée de Marine (musée ethnographique) du musée du Louvre
1910 : nommé conservateur-adjoint au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye ; officiellement chargé d’organiser les collections de provenance étrangère dans la salle de Mars, dite salle de comparaison du musée
1910-1913 : travaille à la préparation d’un projet de loi sur les fouilles qui restera en suspens à la veille de la Première Guerre mondiale
1911 : contribue à la création du musée de Préhistoire des Eyzies-de-Tayac (Dordogne) avec Louis Capitan et Denis Peyrony
1915-1919 : mobilisé au sous-secrétariat de l’Artillerie qui devient ministère de l’Armement ; proche collaborateur d’Albert Thomas, il est son secrétaire-archiviste lors de sa mission en Russie (avril-juin 1917)
mai 1918-mai 1919 : remis à la disposition du ministère de l’Instruction publique, chargé d’organiser une série de dépôts pour la préservation des œuvres d’art à l’arrière du front français
1919 : réintègre son poste au musée des Antiquités nationales pour achever la salle de comparaison
1920 : chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur
1923 : reçoit en partage avec Marcel Mauss le prix Lefèvre-Deumier de l’Académie des sciences morales pour l’ensemble de leurs travaux sociologiques
1925 : interrompt plusieurs mois son travail en raison de l’aggravation de sa maladie de cœur
1927 : décès ; la salle de comparaison du musée des Antiquités nationales est inachevée
Étude critique
Des jugements récents, parfois sévères, sur l’activité scientifique d’Henri Pierre Eugène Hubert n’ont pas contribué à le sortir de l’oubli dans lequel il est malheureusement tombé. Il est vraisemblable qu’il a pâti non seulement des contextes historique et administratif difficiles propres à l’époque où il a exercé mais que son œuvre s’est également trouvée dans l’ombre portée des deux fortes personnalités qu’étaient Marcel Mauss et Salomon Reinach. Alors que son caractère réservé apparemment empreint d’une rigueur toute « janséniste » ne le portait pas naturellement à la démonstration, on pourrait considérer à tort Hubert effacé et revendiquant à la lettre le « refus de parvenir » propre à l’archétype de l’intellectuel engagé ou du savant socialiste selon Lucien Herr (Jacques Julliard, Michel Winock, Dictionnaire des intellectuels français. Les personnes, les lieux, les moments, 1996). Bien que signataire de la troisième liste en faveur de la révision du procès du capitaine Dreyfus, bien avant certains de ses célèbres contemporains, il a cependant davantage assumé ses engagements philosophique et politique lors de ses collaborations (à une librairie coopérative ou aux Notes critiques de François Simiand par exemple) ou dans ses écrits scientifiques. Alors que les sociologues et les anthropologues ont reconnu depuis longtemps la part qui lui revient dans ses travaux avec Mauss, les archéologues sont plus réservés et n’éprouvent pas la même reconnaissance à son égard alors que l’inspiration sociologique a pourtant considérablement enrichi son œuvre de préhistorien et d’historien des religions pré-chrétiennes et a contribué à mûrir sa réflexion archéologique (François-André Isambert, « Henri Hubert et la Sociologie du temps ». Revue française de sociologie, 1979 ; Patrice Brun, Laurent Olivier, « Henri Hubert ». Les Nouvelles de l’archéologie, 2000). De santé précaire, encore aggravée après la Première Guerre mondiale, il est aussi décédé trop prématurément, à l’âge de cinquante-cinq ans, pour avoir connu la satisfaction de voir publier ses deux grands ouvrages de synthèse expérimentant cette « ethnographie du passé » qu’il a continûment cherché à élaborer (Les Celtes, 1932 et Les Germains, 1952).
Né à Paris le 23 juin 1872, dans une famille de la bourgeoisie d’affaires qui comptera également l’historien d’art Paul Vitry, son cousin germain, le jeune Hubert est encouragé tôt par son père à avoir des distractions intellectuelles et artistiques. Menant une excellente scolarité au lycée Louis-le-Grand, il remporte un premier prix au Concours général. Tout en obtenant sa licence à la Sorbonne, il est admis à l’École normale supérieure et y obtient le poste de bibliothécaire-adjoint auprès de Lucien Herr dont il partage l’idéal socialiste et qui exerce sur lui, comme sur d’autres, un véritable magistère moral et intellectuel. Également doué dans toutes les matières, le jeune homme est considéré comme le meilleur élément de sa promotion par Paul Vidal de La Blache. Ne s’attachant pas à l’érudition gratuite, il cherche déjà à comprendre et analyser des réalités concrètes afin de « s’ouvrir un chemin vers la construction ». À la sortie de l’École normale supérieure, il étudie notamment l’hébreu et le syriaque à l’École des hautes études pour s’engager dans la voie de l’orientalisme : du reste, il commence une thèse sur la déesse syrienne qu’il n’achèvera jamais, bien qu’il en ait rassemblé toute la documentation.
En 1896, il se lie d’amitié et se découvre de grandes affinités intellectuelles avec Marcel Mauss qui fréquente aussi le cours de judaïsme talmudique et rabbinique d’Israël Lévi. Introduit auprès d’Émile Durkheim dont il sera l’un des plus proches collaborateurs, Hubert joue un rôle essentiel lors de la fondation de L’Année sociologique et contribue avec le neveu, qui le considère comme son « jumeau de travail », à l’introduction et au développement des thèses durkheimiennes dans les domaines de l’histoire des religions, de la mythologie, de l’ethnographie comparée et de la protohistoire, tout en prenant fermement et définitivement parti contre Georges Vacher de Lapouge et les thèses de l’anthroposociologie raciale qui se développent dans les années 1890 à la faveur de la récession économique et trouvent leur aboutissement dans le développement de l’antisémitisme et de l’affaire Dreyfus (Ivan Strenski, « Henri Hubert, Racial Science and Political Myth », Journal of the History of Behavioral Sciences, 1987 et Durkheim and the Jews of France, 1997).
Dans le même temps, un intérêt égal pour le passé préhistorique et les langues orientales conduisent le jeune normalien à accepter en 1898 le poste d’ « attaché libre » proposé par Salomon Reinach au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye où, pendant onze années de collaboration bénévole, il donne la mesure de sa puissance de travail au moment où entrent successivement au musée les collections d’Acy, Dr Plicque, Laville, Geoffroy d’Ault du Mesnil, Millon, Georges Chenet, Deglatigny… Alors que le nombre d’objets est doublé et qu’il faut désormais tenir compte des provenances et des contextes, Hubert se consacre au classement des collections et à la conception des aménagements muséographiques de salles consacrées à l’âge du bronze et à l’époque de Hallstatt, à la mythologie, aux métiers et à la céramique gallo-romaine, avant de s’attaquer successivement à la mise en valeur des collections de Frédéric Moreau, du baron Joseph de Baye, de Paul du Chatellier, d’Édouard Piette et de Jacques de Morgan. Passant au crible les collections anciennement acquises pour en extraire « des documents négligés, retrouver les mobiliers funéraires disloqués et les objets des mêmes niveaux », Hubert déplore que « les conservateurs de Saint-Germain [soient] encore des hommes à tout faire et doivent passer du Paléolithique au Mérovingien et de la Préhistoire française à l’ethnographie [alors que] la nécessité de la spécialisation s’impose là comme ailleurs » (archives Hubert, note inédite, 1926). Ce travail patient et méticuleux de réévaluation du matériel archéologique le conduit à mettre au point sa méthode fondée, dans la mesure du possible, sur la restitution d’ensembles clos pour les comparer, saisir les éventuelles concomitances et en déduire une chronologie par l’étude des variations au sein de ces assemblages. Hubert la perfectionne encore avec les séries prestigieuses provenant des fouilles des sites de La Quina et du Roc de Sers (Charente) ou du Fort-Harrouard (Eure-et-Loir) qu’il fait acquérir pour le musée après avoir parfois participé à leur découverte sur le terrain. Dans une sorte de préfiguration des travaux d’André Leroi-Gourhan, qui sera lui-même un élève de Mauss, il recourt à « une comparaison systématique des types dont la superposition logique supplée à la chronologie » (« Congrès d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques », Revue de synthèse historique, 1900) et qui facilite « l’étude technologique des objets, en faisant apparaître plus clairement la parenté des motifs interchangeables ou associés, les relations entre l’ornement et la forme et les emprunts d’un type à l’autre ». Cette préoccupation constante, perceptible dans ses notes archéologiques et ethnographiques, lui permet de mettre en valeur les permanences, mais surtout les états intermédiaires, les transitions, les « mélanges de coutumes et de mobiliers », les « phases indécises de métamorphoses » propres à caractériser les différents états d’une culture ou les interférences des phénomènes sociaux.
La période précédant la Première Guerre mondiale est celle d’une intense activité professionnelle, mêlant publications théoriques relatives aux systèmes religieux et à la mythologie, cours consacrés à « l’ethnographie préhistorique » à l’École du Louvre et aux « religions primitives de l’Europe » à l’École des hautes études et divers travaux aux prises avec la réalité de l’archéologie de terrain et la sauvegarde du patrimoine puisque Hubert contribue à la préparation d’un projet de loi sur les fouilles, déclinaison de la loi sur les monuments historiques de 1887 révisée et augmentée en 1913, que les milieux scientifiques ont appelée de leurs vœux à la suite de l’exportation de certaines découvertes de Dordogne par le préhistorien-antiquaire suisse Otto Hauser. Le texte sera défendu au Sénat par Théodore Reinach, mais le projet d’organisation d’un véritable service des fouilles, à la tête duquel le musée des Antiquités nationales devait jouer un rôle prépondérant, ne verra pas le jour ; seuls sont créés des « laboratoires de recherche préhistorique » tels que celui des Eyzies-de-Tayac (Dordogne), à l’origine du Musée national de préhistoire actuel (« La Commission des monuments historiques, les projets de loi sur les fouilles, la nouvelle loi sur les monuments historiques », L’Anthropologie, 1910 et 1914 ; archives Hubert, note inédite, 1926).
Enfin, de l’aveu même d’Hubert, « l’organisation de la salle de Mars de S[ain]t-Germain est [son] travail le plus important ». Aidé de l’amitié de collègues tels que Enrico Giglioli, directeur du Muséum d’histoire naturelle de Florence et comme lui passionné d’archéologie et d’ethnographie extrême-orientales, il y conçoit une synthèse de ses connaissances et y met à profit les observations recueillies lors de son voyage autour du monde (archives Hubert, dossier « Préhistorique, SG catalogue »). À partir de 1910 et à la demande de Salomon Reinach, il se voue entièrement à l’organisation de ce lieu d’expérimentation qui prolonge et illustre ses échanges avec Marcel Mauss et ses maîtres et collègues de la Ve section des Hautes études. Rassemblée dès l’origine du musée, la collection d’objets archéologiques de provenance étrangère a été tant bien que mal regroupée, au cours des années 1880, dans l’ancienne salle des fêtes du château. Après son arrivée, Hubert peut y améliorer la présentation des collections de Frédérik VII de Danemark ainsi que les collections J. de De Baye, Alexandre Bertrand, Gabriel de Mortillet, Ernest Chantre, le comte de Geslin, Alfred de Saulcy, Lepic et Schoelcher, et y faire entrer celles d’Enrico Giglioli, Degrand, Georg Schweinfurth, Morgan et Girod… Mais c’est, en 1906-1907, le sauvetage et le transfert partiel des collections du musée de Marine et d’Ethnographie du Louvre qui lui offre l’occasion inespérée de concevoir la salle de comparaison comme un « “microcosme”, reflet condensé de la variété des sociétés humaines dans leur dimension nouvellement acquise, la dimension archéologique » (Jean-Pierre Mohen, « Henri Hubert et la salle de Mars », Antiquités nationales, 1980-1981, p. 88). Dans une note, il justifie « de la nécessité de maintenir au musée de Saint-Germain des objets définis généralement comme ethnographiques ». Regrettant que le transfert ait donné lieu à un partage hâtif entre le musée des Antiquités nationales, le musée d’Ethnographie du Trocadéro, le musée chinois de Fontainebleau puis le Muséum d’histoire naturelle de La Rochelle, ce qui a partiellement rompu la cohérence des collections, il souligne l’intérêt d’une nouvelle conception comparatiste qui « contribue à l’étude des phénomènes sociaux, […] étude à laquelle peuvent déjà servir les matériaux rassemblés dans la partie principale du musée. Ces phénomènes sont […] technologiques, par adaptation des objets à la fonction, par filiation des formes et des phénomènes de répartition (répartition des objets dans une aire donnée, correspondance de l’aire de répartition avec l’aire d’expansion des peuples correspondants). On se préoccupe beaucoup aujourd’hui, bien qu’avec peu de lucidité, de l’étude de ces deux séries de phénomènes en Europe […]. » Il termine en donnant les grands types d’objets sur lesquels fonder sa démonstration, remarquant que « les meilleurs faits de comparaison nous sont fournis par les collections d’objets océaniens anciens et modernes […] » (archives Hubert, note inédite, vers 1909-1910). Bien qu’inachevée à sa mort et à l’origine de tensions entre lui et Reinach lorsqu’il en reprend la mise en œuvre après sa démobilisation, cette salle aura pourtant fait l’admiration de plus d’un de ses contemporains, à commencer par Mauss qui, après avoir lui-même étudié et classé certains des objets de la collection, recommandait « que l’on aille voir son chef-d’œuvre [Hubert], la “salle de Mars” […]. [Qu’] on y trouver[ait] l’histoire à la fois chronologique, logique et géographique de tout le néolithique et du début des métaux. [Qu’]on y trouver[ait] un essai de solution unique des trois problèmes, posés tous et simultanément comme ils doivent l’être » (Marcel Mauss, Œuvres, 1969, p. 472).
Contrairement à certaines analyses récentes, Hubert ne s’est pas contenté des méthodes de l’histoire positiviste, en établissant par exemple de strictes analogies entre le matériel magdalénien et les productions en os et en pierre des Eskimos de la fin du XIXe siècle (Jean-Pierre Mohen, « Henri Hubert et la Salle de Mars », Antiquités nationales, 1980-1981 ; Sylviane Jacquemin, Histoire des collections océaniennes dans les musées et établissements parisiens (XVIIIe-XIXe siècles), 1991) et ses partis pris muséographiques sont à l’opposé des anciens cabinets de curiosité et des accrochages en panoplies des musées d’ethnographie contemporains dont il dénonce l’obsolescence et la vacuité (Sylviane Jacquemin, Histoire des collections océaniennes dans les musées et établissements parisiens (XVIIIe-XIXe siècles), 1991, p. 165-166 ; archives Hubert, « Introduction au cours de l’École du Louvre », 1906, cf. document annexe). En rapprochant les objets – faits matériels — non selon leur contexte de collecte, mais plutôt selon leur provenance et éventuellement par assemblages cohérents lorsque c’est encore possible, et en essayant de saisir les subtiles variations de forme et de matière, le sociologue-historien cherche à caractériser des phénomènes sociaux – faits immatériels — communs à plusieurs sociétés plus ou moins rapprochées dans le temps ou l’espace ; que ceux-là soient transmis par contact direct court ou prolongé, par des intermédiaires permanents ou encore par filiation à partir d’une origine commune. Avec l’aide de ses élèves les plus doués de l’École des hautes études tels qu’Olof Janse ou Henri Beuchat, l’historien-sociologue a cherché à traduire, en quelque sorte matériellement, l’une des préoccupations de l’école durkheimienne qui consistait à reconstituer la généalogie des faits sociaux et les séquences de l’évolution humaine à partir de l’identification des moments intermédiaires soumis à plus ou moins de contingences mais toujours dominés par l’existence de rapports déterminés entre des sociétés elles-mêmes déterminées (préface de Victor Karady, in Marcel Mauss, Œuvres. T. II. Représentations collectives et Diversité des civilisations, 1969). Pour sa démonstration, Hubert choisit donc d’organiser la salle d’archéologie comparée à partir de deux grandes idées : selon un premier axe, offrir tout d’abord une vision globale des sociétés humaines anciennes et sub-contemporaines en montrant leur variété géographique et chronologique, puis selon d’autres axes transversaux, évoquer leur succession chronologique en les ordonnant selon leurs niveaux techniques (Jean-Pierre Mohen, « Henri Hubert et la salle de Mars », Antiquités nationales, 1980-1981, p. 88-89). L’historien-archéologue souhaite faire saisir au visiteur que d’un continent à l’autre, et parfois à des époques différentes, des sociétés humaines ont connu un niveau de développement comparable (passage de l’état de chasseur-cueilleur à celui de producteur), maîtrisé des capacités techniques similaires (exploitation du silex ou production métallurgique), ou au contraire créé des objets répondant à des fonctions identiques mais aux formes ou aux décors extrêmement différents, déterminés par des choix culturels spécifiques ou de fortes valeurs symboliques.
Considéré comme le seul capable de « réussir la synthèse de l’école sociologique française et de l’archéologie des antiquités nationales », Hubert est aussi vu par certains archéologues contemporains comme l’homme qui aurait trop embrassé à la fois et eu recours à un corpus de données déjà en partie périmé sans pouvoir faire aboutir la réflexion théorique qui devait parachever ses publications sur les Celtes et les Germains et contribuer au renouvellement de l’archéologie protohistorique française (Patrice Brun, Laurent Olivier, « Henri Hubert ». Les Nouvelles de l’archéologie, 2000, p. 9-10). Pourtant il convient de souligner que, s’efforçant d’être fidèle aux méthodes de la jeune sociologie, il a pourtant su magistralement utiliser, au cours d’un travail épuisant, non seulement la richesse des collections du musée des Antiquités nationales mais aussi son extraordinaire érudition. Il s’est appuyé sur un nombre considérable de faits, tirés à la fois de la littérature scientifique allemande et anglo-saxonne contemporaine qu’il lisait attentivement (en particulier à l’occasion de ses quelque 410 comptes rendus d’ouvrages pour L’Année sociologique) et de ses observations du matériel archéologique, pour parvenir à donner une évaluation de la complexité des sociétés humaines. Aujourd’hui, on peut certes regretter que toute cette énergie déployée n’ait pas abouti à une évolution radicale des paradigmes de l’archéologie française contemporaine mais il paraît en tout cas vain de séparer son œuvre d’archéologue-historien de celle du sociologue, tant son travail d’archéologue et de linguiste a nourri son travail d’historien et simultanément celui de l’historien des religions les conclusions du sociologue-ethnographe (Le Carnassier androphage, 1912 ; Le Mythe d’Epona, 1925), ce qui fonde l’originalité de sa contribution scientifique.
Christine Lorre
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Mauss Marcel, collab. de. – Mélanges d’histoire des religions : de quelques résultats de la sociologie religieuse, le sacrifice, l’origine des pouvoirs magiques, la représentation du temps. Paris : F. Alcan, 1909, XLII-236 p.
- Divinités gauloises : Sucellus et Nantosuelta, Epona, dieux de l’autre monde. Mâcon : impr. de Protat frères, 1925.
- Les Celtes et l’Expansion celtique jusqu’à l’époque de La Tène [Ouvrage posthume], Paris : La Renaissance du livre, 1932, XXVI-403 p. ; 2e éd., ; Mauss Marcel, Lantier Raymond et Marx Jean, éd., Paris : A. Mihel, 1950 (« L’Évolution de l’humanité », 21).
- Les Celtes depuis l’époque de La Tène et la civilisation celtique. [Ouvrage posthume] éd. par M. Mauss, R. Lantier et J. Marx. Paris : La Renaissance du livre, 1932, XVII-368 p. (« L’Évolution de l’humanité », 21 bis).
- « Les Germains ». In Marcel Mauss, Cours professé à l’École du Louvre en 1924-1925. [Ouvrage posthume] Olof Janse, éd. ; préf. d’Henri Berr et Paul Chalus. Paris : A. Michel, 1952, XXVII-336 p. (« L’Évolution de l’humanité », 23).
Articles
- « Deux inscriptions métriques d’Asie Mineure ». Revue archéologique, 1894, t. I, p. 308-314.
- Mauss Marcel, collab. de. – « Essai sur la nature et la fonction sociale du sacrifice ». In L’Année sociologique, 1897-1898, t. II, p. 29-138.
- « Étude sur la formation des États de l’Église : les papes Grégoire II, Grégoire III, Zacharie et Étienne II et leurs relations avec les empereurs iconoclastes (726-757) ». Revue historique, t. LXIV, 1899, p. 1-40, 241-272.
- « Fibules de Baslieux ». Revue archéologique, 1899, t. I, p. 363-381.
- « Congrès d’anthropologie et d’archéologie préhistoriques ». Revue de synthèse historique, t. I, n° 2, 1900, p. 219-228.
- « Sépulture à char de Nanterre ». L’Anthropologie, t. XIII, 1902, p. 66-73.
- « J. G. Frazer. ‘The Golden Bough : A Study in Magic and Religion’ ». Revue de synthèse historique, n° 6, mai-juin 1901, p. 271-282.
- « La Collection Moreau au musée de Saint-Germain ». Revue archéologique, 1902, t. II, p. 167-208 ; 1906, t. II, p. 337-371.
- Mauss Marcel, collab. de. – « Esquisse d’une théorie générale de la magie ». In L’Année sociologique, 1902-1903, t. VII, p. 1-46.
- « Le Préhistorique de l’Indo-Chine ». In Compte rendu analytique des séances du Ier Congrès international des études d’Extrême-Orient. Hanoï, 1903, p. 43-44.
- « Introduction à la traduction française ». In Chantepie de la Saussaye Pierre-Daniel, Manuel d’histoire des religions. Trad. sur la 2e éd. sous la dir. d’Henri Hubert et Isidore Lévy, dir. Paris : A. Colin, 1904, p. V-XLVII.
- « Magia ». In Saglio Edmond et Daremberg Charles, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, collab. d’Edmond Pottier, t. III, 2e partie, 1904, p. 1134-1138.
- « Étude sommaire de la représentation du temps dans la religion et la magie ». Annuaire de l’École pratique des hautes études, section des sciences religieuses. Paris : Imprimerie nationale, 1905, p. 1-39.
- « Stèles funéraires gauloises en Ligurie ». Revue archéologique, 1909, t. II, p. 52-54.
- « L’Origine des Aryens. À propos des fouilles américaines au Turkestan ». L’Anthropologie, t. XXI, 1910, p. 519-528.
- « La Poterie de l’âge du bronze et de Hallstatt dans la collection de Baye ». Revue préhistorique, t. V, 1910, p. 5-23.
- « La Commission des monuments préhistoriques ». L’Anthropologie, t. XXI, 1910, p. 321-331.
- « Le Carnassier androphage et la Représentation de l’océan chez les Celtes ». L’Anthropologie, t. XXIII, 1912, p. 613-614.
- « Les Accroissements du musée de Saint-Germain (1908-1909) ». Les Musées de France, 1912, p. 28-32.
- « Notes d’archéologie et de mythologie celtiques. I. Gweil-Gi, l’océan et le carnassier androphage ». Revue celtique, t. XXXIV, 1913, p. 1-13.
- « Notes d’archéologie et de philologie celtiques. I. De la date de l’inscription [de Zignago] et de l’arrivée des Gaulois en Italie ». Revue celtique, t. XXXIV, 1913, p. 424-425.
- « Notes d’archéologie et de philologie celtiques. II. L’Inscription celtique de la stèle de Zignago ». Revue celtique, t. XXXV, 1914, p. 14-43.
- « La Commission des monuments historiques, les projets de loi sur les fouilles, la nouvelle loi sur les monuments historiques ». L’Anthropologie, t. XXV, 1914, p. 345-365.
- « Une nouvelle figure du dieu au maillet ». Revue archéologique, 1915, t. I, p. 26-39.
- « Le Culte des héros et ses conditions sociales ». Revue de l’histoire des religions, t. LXX, 1914, p. 1-20 ; t. LXXI, 1915, p. 195-247.
- « Préface ». In Czarnowski Stefan, Le Culte des héros et ses conditions sociales. Saint Patrick, héros national de l’Irlande. Paris : F. Alcan, 1914, XCIV-371 p.
- « [Interprétation du vase de Gundestrup »]. L’Anthropologie, t. XXX, 1920, p. 158.
- « La Numération sexagésimale en Europe à l’âge du bronze ». L’Anthropologie, t. XXX, 1920, p. 578-580.
- « La Déesse Epona ». L’Anthropologie, t. XXXII, 1922, p. 291-292.
- « Le Mythe d’Epona ». In Mélanges de linguistique offerts à Monsieur J. Vendryès par ses élèves et ses amis. Paris : Champion, 1925, p. 187-198.
- « Le Système des prestations totales dans les littératures celtiques ». Revue celtique, t. XLII, 1925, p. 330-335.
- « De quelques objets de bronze trouvés à Byblos ». Syria, 1925, p. 16-29.
- « Les Premiers Celtes en Espagne ». Revue celtique, t. XLIV, 1927, p. 78-89.
- [Texte autobiographique rédigé le 10 mars 1915]. Revue française de sociologie, 1979, t. XX, p. 205-207.
Les textes d’Henri Hubert publiés conjointement avec Marcel Mauss ont été numérisés et sont disponibles sur le site web de l’université Laval, Québec, Canada :
http://classiques.uqac.ca/classique…
Bibliographie critique sélective
- Drouin Marcel. – « Henri Hubert ». [Revue de l’]Association amicale de secours des anciens élèves de l’École normale supérieure, [1927], p. 45-51.
- Dussaud René. – « Henri Hubert, notice nécrologique ». Syria, revue d’art oriental et d’archéologie, t. VIII, 1927, p. 275-276.
- Reinach Salomon. – « Henri Hubert ». Revue archéologique, 1927, t. II, p. 176-178.
- Lantier Raymond. – « Hommage à Henri Hubert ». Revue archéologique, 1928, t. II, p. 289-307.
- Varagnac André. – « Rétrospective Breuil, Hubert, Mauss ». Antiquités nationales et internationales, n° 13, janvier-mars 1963, p. 1-24.
- Mauss Marcel. – Œuvres. T. II. Représentations collectives et Diversité des civilisations. Préf. de Victor Karady ; 2e éd. Paris : éd. de Minuit, 1969, 740 p.
- Isambert François. – « Henri Hubert et la Sociologie du temps ». Revue française de sociologie, 1979, t. XX, p. 183-204.
- Karady Victor. – « Stratégies de réussite et Modes de faire-valoir de la sociologie chez les durkheimiens ». Revue française de sociologie, 1979, t. XX, p. 49-82.
- Mohen Jean-Pierre. – « Henri Hubert et la Salle de Mars ». Antiquités nationales, n° 12-13, 1980-1981, p. 85-89.
- Archéologie comparée. Catalogue sommaire illustré des collections du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. Préf. de Jean-Pierre Mohen. T. I. Afrique, Europe occidentale et centrale. Paris : Réunion des musées nationaux, 1982, 514 p.
- Strenski Ivan. – « Henri Hubert, Racial Science and Political Myth ». Journal of the History of Behavioral Sciences, t. XXI, octobre 1987, p. 353-367.
- Archéologie comparée. Catalogue sommaire illustré des collections du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. Préf. de Jean-Pierre Mohen. T. II. Europe orientale, Asie, Océanie, Amérique. Paris : Réunion des musées nationaux, 1989.
- Jacquemin Sylviane. – Histoire des collections océaniennes dans les musées et établissements parisiens (XVIIIe-XIXe siècles). Mémoire, École du Louvre, 2 vol. Paris : École du Louvre, 1991, 418 p.
- Fournier Marcel. – Marcel Mauss. Paris : Fayard, 1994, 844 p.
- Julliard Jacques et Winock Michel, dir. – Dictionnaire des intellectuels français. Les personnes, les lieux, les moments. Paris : Seuil, 1996.
- Mucchielli Laurent. – « Sociologie versus anthropologie raciale. L’engagement des sociologues durkheimiens dans le contexte “fin de siècle” (1885-1914) ». Gradhiva. Revue d’histoire et d’archives de l’anthropologie, 1997, 21, p. 77-95.
- Strenski Ivan. – Durkheim and the Jews of France. Chicago, Londres : The University of Chicago press, 1997.
- Brun Patrice, Olivier Laurent. – « Henri Hubert ». Les Nouvelles de l’archéologie, n° 79, 2000, p. 5-32.
- Duclert Vincent et al. – Savoir et Engagement : écrits normaliens sur l’affaire Dreyfus. Préf. de Monique Canto-Sperber. Paris : éd. Rue d’Ulm, 2006, 186 p.
Sources identifiées
Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
- Correspondance générale (dossiers classés par ordre alphabétique)
- Alexandre Bertrand
- Baron Joseph de Baye
- Louis Capitan
- Enrico Hillyer Giglioli
- Jacques de Morgan
- Salomon Reinach
- Documentation iconographique générale
- Albums noirs 24 A et B
- Collection des portraits d’archéologues et de conservateurs
- Fonds Henri Hubert (non classé)
- Carnets de voyage et carnets de notes (30 vol.)
- Correspondance scientifique et personnelle
- Dossier sur la « déesse syrienne »
- Dossier « Voyage autour du monde » (1902-1903)
- Dossiers manuscrits des cours de l’École pratique des hautes études (1901- ?) : dossiers manuscrits des cours de l’École du Louvre (1906-1924) ; dossier « Salle de comparaison »
- Dossier sur la préparation de la loi sur les fouilles. Notes relatives à divers articles publiés sur le même sujet : manuscrit de l’Esquisse d’une théorie générale de la magie ; manuscrit de l’ouvrage Les Celtes ; manuscrit d’un projet de manuel d’archéologie préhistorique de l’Indochine ; rapport à Monsieur le directeur des Beaux-Arts sur une mission à Londres (1920)
- Répertoire manuscrit des monuments mégalithiques du territoire français classés par département
- « Notes sur le musée de Saint-Germain » (tapuscrit, 17 octobre 1926) et documents annexes relatifs au rattachement de « trois centres de fouilles préhistoriques »
- Notes sur les aménagements muséographiques du musée des Antiquités nationales
- Notes bibliographiques ; brouillons et épreuves de comptes rendus d’ouvrages parus dans des revues archéologiques, historiques et dans L’Année sociologique
- Archives du musée des Antiquités nationales, fonds Henri Hubert
- Boîte intitulée « Religions I »
Paris, archives des Musées nationaux
- Série G : musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye
- G 2 (1900-1909) : rapport sur la salle Moreau (1901)
- G 2 (1910-1926) : correspondance Hubert-Reinach ; organisation d’un service de fouilles (1919) ; réorganisation de la sous-commission des monuments mégalithiques (1919) ; projet pour un service de fouilles préhistoriques (1923) ; rapport sur le rattachement au musée de Saint-Germain-en-Laye de trois centres de fouilles préhistoriques (1926)
- G 24 : logement de M. Hubert (1er mars 1921)
Paris, Archives nationales
- Série F 17 : Instruction publique
- Carton 17273 : dossier de mission en qualité de délégué de l’École des hautes études au Congrès international des orientalistes de Hanoï et recherches sur la préhistoire de l’Asie orientale en revenant par l’Inde, le Japon et les Indes néerlandaises (1902)
- Série F 21 : Beaux-Arts
- Carton 4034B : documents relatifs à la carrière professionnelle d’H. Hubert
- Carton 4046 : mission en Angleterre (1919-1920) ; rapport sur des réformes des musées nationaux, projet de nouveau règlement, notes sur les salaires et le personnel des musées nationaux (1918-1920)
- Carton 4483 – dossier 2 : musée de Marine et d’Ethnographie du Louvre
- 61 AJ : École normale supérieure
- 16 : registre du concours d’entrée, f° 41
- 48 : registre des agrégés, f° 34
- 169 : dossier « concours 1892 – résultats, arrêtés d’admission (Lettres et Sciences) »
- 185 : dossiers d’élèves : examens passés au cours des études et appréciations sur le travail (1881-1914)
- 219 : dossiers individuels des élèves classés par ordre alphabétique et par promotions (1890-1893)
- L 1316003 : dossier de proposition pour la Légion d’honneur (base LEONORE)
Paris, Bibliothèque de l’École normale supérieure
- Tirage photographique noir et blanc signé Pierre Petit, photographe, « Première année, lettres 1892-1893 », H. Hubert assis au premier plan devant Wahl debout
- Registre des prêts d’ouvrages aux élèves
- Bulletin de l’association amicale de secours des anciens élèves de l’École normale supérieure. Supplément historique, [Dijon], Darantière, 2005, donnant la liste des élèves de la promotion « Lettres » de 1892
Paris, Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC), archives du Collège de France, fonds Marcel Mauss
- MAS 6.36, MAS 6.37 : correspondance générale
- MAS 45.1 à 4 : correspondance Henri Hubert-Marcel Mauss (1897-1927)
- MAS 19 : correspondance Marcel Mauss-Henri Hubert (surtout à partir de 1920)
- MAS 27.2 : notice biographique sur H. Hubert rédigée par M. Mauss et Joseph Vendryès et Erratum en vue de la publication des Celtes (1932 ?)
- MAS 39.9 : note [dactylographiée] à Monsieur le Ministre de l’Instruction publique [Pour la nomination d’un troisième conservateur-adjoint au musée de Saint-Germain, s. d.]
- MAS 43.7 : [Discours sur le personnel des musées nationaux] (1920 ?)
- MAS 46 à MAS 52 : correspondance H. Hubert à diverses personnalités (ensemble donné à M. Mauss à la mort d’H. Hubert ; classement alphabétique)