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HÉDOUIN, Pierre
Mis à jour le 13 janvier 2009(28 juillet 1789, Boulogne-sur-Mer – 20 décembre 1868, Paris)
Auteur(s) de la notice :
MAES Gaëtane
Profession ou activité principale
Avocat, puis fonctionnaire
Autres activités
Compositeur, littérateur et critique, collaborateur de l’Artiste, du Bulletin des arts, de la Gazette des Beaux-Arts, des Annales archéologiques, du Ménestrel, des Archives du Nord
Sujets d’étude
Memling, peinture du XVIIIe siècle, art contemporain, musique contemporaine
Carrière
1809 : étudie le droit à Paris
1812-1842 : avocat à Boulogne-sur-Mer
1816 : commence à publier régulièrement des romances, des poèmes, des nouvelles et à collaborer à différents journaux (Annales romantiques, Annales archéologiques, Ménestrel, Nord musical, Souvenirs des ménestrels, L’Artiste)
1827 : écrit l’opéra La Prévention en collaboration avec A. Piccini
1842-1850 : chef de bureau au ministère des Travaux publics à Paris
1850-1868 : commissaire du gouvernement chargé de la surveillance administrative des chemins de fer à Valenciennes
Membre des Sociétés académiques des enfants d’Apollon, de Sainte Cécile et de l’Institut historique de Paris, membre honoraire de la Société des antiquaires de la Morinie, et des académies de Valenciennes, Anvers, Arras, Douai, Calais, Dunkerque, Boulogne
Étude critique
Avocat de formation mais apparenté au compositeur Pierre-Alexandre Monsigny, Pierre Hédouin est d’abord un passionné de musique à laquelle il consacre ses premiers travaux d’écriture. Dans son dictionnaire spécialisé, François-Joseph Fétis répertorie les principales activités musicales d’Hédouin qui révèlent déjà l’attachement profond de l’auteur à la tradition française. Cette caractéristique constitue également le fil conducteur des textes d’Hédouin relatifs aux beaux-arts qui paraissent essentiellement entre 1837 et 1858 dans différentes revues, parallèlement à des ouvrages historiques sur les monuments du nord de la France. Il s’agit principalement d’essais monographiques que l’auteur a réédités dans une compilation parue en 1856 sous le titre Mosaïque. Dans la partie consacrée aux arts, on observe que l’Italie a peu retenu l’attention d’Hédouin qui rend néanmoins hommage à deux figures majeures de la Renaissance : Léonard de Vinci et Benvenuto Cellini. L’importance des travaux d’Hédouin est à rechercher ailleurs : d’une part, dans ses articles sur les artistes français du XVIIIe siècle et d’autre part, dans celui sur Hans Memling. Sur ce dernier, Hédouin publie un texte en 1847 dans lequel il revendique une attention plus grande pour l’art flamand du XVe siècle, trop longtemps négligé au profit de l’art italien. Pour Hédouin, Memling est l’exemple même de l’immense qualité présente au nord de l’Europe dès le début des temps modernes et pour le prouver, il tente alors de reconstituer la biographie et le catalogue du peintre. Il s’attache à démontrer notamment que le véritable nom de l’artiste est bien « Memling » et non « Hemmelinck », mais dans ce cas précis, il semble avoir ignoré que ce point avait été éclairci dès 1825 par Jean-Pierre Scourion dans le Messager des sciences historiques. Il apporte par ailleurs une ébauche de catalogue intéressante, mais dont la précocité entraîne de nombreuses erreurs d’attribution. Sa démarche repose en effet sur la compilation et se situe à l’opposé de celle de James Weale qui publie des documents nouveaux sur Memling à partir de 1861 grâce à des recherches systématiques dans les archives brugeoises. Dans la deuxième version de son article, Hédouin fait ainsi l’éloge du Polyptyque d’Anchin qu’il considère comme une œuvre majeure de Memling alors qu’il s’agit d’une peinture de Jean Bellegambe (Douai, musée de la Chartreuse). Hédouin n’apporte, par conséquent, pas d’élément décisif sur l’art de Memling, mais il a le mérite de proposer un premier catalogue de son œuvre peint, ce qui a contribué à la redécouverte des primitifs flamands en plein épanouissement dans les décennies suivantes.
Le plus grand titre de gloire d’Hédouin demeure cependant ses travaux sur les peintres du XVIIIe siècle, encore peu connus mais non négligeables dans le cas d’Antoine Watteau et de Jean-Baptiste Siméon Chardin. En 1979, Pierre Rosenberg a été l’un des premiers à rendre hommage aux recherches pionnières du critique en lui reconnaissant la paternité du tout premier catalogue des œuvres de Chardin. Selon lui, la redécouverte du peintre au XIXe siècle s’explique ainsi : « L’événement le plus important, jusqu’à présent méconnu […], est la parution de deux articles de Pierre Hédouin dans les Bulletin des arts du 10 novembre et du 10 décembre 1846 […]. Le premier est biographique, le second comporte […] le premier des catalogues raisonnés de l’œuvre du peintre. Dès lors, expositions, comptes rendus, articles vont se succéder, les collectionneurs se multiplier. » (Pierre Rosenberg, Chardin, 1979, p. 85) Pour Hédouin, il s’agissait de lutter contre les effets de mode passagers en remettant en valeur un artiste dont la peinture se situe justement en dehors du temps. Le cas de Watteau est similaire, même si depuis sa mort le peintre des fêtes galantes n’avait jamais subi d’éclipse comparable à Chardin. De fait, Hédouin précède largement les ouvrages des Goncourt, trop longtemps cités comme redécouvreurs exclusifs du XVIIIe siècle. Dès 1845, il élabore effectivement une longue biographie de Watteau suivie d’un catalogue des œuvres qu’il décrit ainsi : « Ce travail, fruit d’incessantes recherches, est le plus complet et le plus détaillé qui ait été publié sur l’œuvre de Watteau. » (Mosaïque, 1856, p. 94) Quoique en dise l’auteur, ce premier catalogue de cent quarante-six numéros est approximatif et il sera vite remplacé par celui que les Goncourt publient en 1875. Il correspond néanmoins à la première reconstitution de la production de Watteau et il a contribué à mieux évaluer la place du peintre des fêtes galantes dans l’art français. En 1851, Hédouin a également tenté un répertoire des œuvres de Jean-Baptiste Pater dont il reconnaît lui-même le caractère lacunaire. Quant aux articles consacrés à Jean-Marc Nattier en 1850 et à Hubert Robert, ils sont dénués de faits nouveaux et à ce titre, ils participent simplement à la réhabilitation de ces artistes.
Cet intérêt pour le passé n’est pas exclusif chez Hédouin qui s’est également exprimé sur l’art de son temps à l’occasion de différents salons artistiques. Il est alors possible de suivre le cheminement de sa pensée entre le premier compte rendu réalisé à propos d’une exposition tenue en 1837 à Boulogne-sur-Mer et l’Exposition universelle de 1855 à Paris. Le dénominateur commun à tous ces comptes rendus demeure une défense inconditionnelle de l’art français qui devient une déclaration ultra-nationaliste dans l’avant-propos de Mosaïque en 1856, car selon Hédouin : « L’une des causes principales de notre décadence dans le domaine des œuvres de l’intelligence provient de la monomanie d’imitation de tout ce qui appartient aux nations étrangères » (Mosaïque, p. viii). Ce point de vue le conduit à consacrer l’essentiel de son compte rendu de l’Exposition de 1855 aux artistes français et, dans une moindre mesure, à l’école anglaise, tandis que les productions de tous les autres pays sont expédiées en quelques paragraphes. Si l’Angleterre est clairement applaudie pour son « unité » et ses aquarellistes, Hédouin qualifie l’école française d’« éclectique ». Cette spécificité, qui remonterait à Louis XIII, s’est épanouie autour des tendances représentées par Jean-Auguste Dominique Ingres et Eugène Delacroix auquel Hédouin accorde une nette préférence à la fin de sa vie. Si le premier lui paraît « complètement dépourvu d’originalité, et d’une froideur glaciale », il considère le second comme le principal artiste français de son temps car malgré « le manque de correction dans la forme, l’absence de l’idéal et de la beauté dans les figures […], quelle intelligence de composition, quelle fougue et quelle passion, quels détails magnifiques, quelle science de la lumière et du coloris on remarque dans ses si nombreux tableaux !… » (« Exposition universelle », 1855, p. 25). Les attaques formulées dès 1837 contre les artistes négligeant « le dessin des figures » n’ont, pour autant, pas disparu car si l’on retourne une fois de plus à son recueil Mosaïque paru vingt ans plus tard et apparaissant comme le bilan de sa pensée, Hédouin affirme encore que même chez les noms les plus illustres, il y a « une tendance continuelle à exagérer les effets, à faire du neuf, afin de satisfaire un public que tous les jours on blase davantage. Ainsi, en peinture, on se lance dans l’abus de la couleur, en lui sacrifiant le dessin, la composition, l’expression noble et morale. Pour arriver au réalisme, ce grand cheval de bataille des prétendus novateurs, on s’attache à reproduire des détails étranges, discordants, ne se rencontrant que bien rarement dans la nature ; comme si le réalisme interprété d’une façon aussi fantasque, aussi biscornue n’était pas l’absence complète de l’art » (Mosaïque, 1856, p. vii-viii). En dépit des concessions faites à Delacroix, Hédouin reste donc profondément attaché à la prééminence du dessin. À partir de 1858, le critique abandonne l’écriture pour se consacrer à sa collection et aux activités des nombreuses sociétés savantes dont il faisait partie.
Gaëtane Maes, maître de conférences
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Mosaïque. Peintres, musiciens, littérateurs, artistes dramatiques à partir du XVe siècle à nos jours. Valenciennes : E. Prignet ; Paris : Heugel, 1856.
Articles
- « Revue des tableaux, dessins et gravures composant l’Exposition faite par la Société des amis des arts de Boulogne-sur-Mer ». La Boulonnaise, 29 juillet, 5, 12, 19 et 26 août 1837.
- « Art chrétien. Revue des tableaux religieux exposés au Salon de 1843 ». Le Presbytère, 1843.
- « Watteau ». L’Artiste, 16 novembre 1845, p. 45-48 ; 23 novembre 1845, p. 59-61 ; 30 novembre 1845, p. 78-80.
- « Chardin ». Bulletin des arts, 10 novembre 1846, p. 185-191 et 10 décembre 1846, p. 222-229.
- « Memling : étude sur la vie et les ouvrages de ce peintre, suivie du catalogue de ses tableaux ». Annales archéologiques, VI, mai 1847, p. 256-278.
- « Nattier ». L’Artiste, 15 avril 1850, p. 177-179 et p. 200-203.
- « Pater ». L’Artiste, 1er février 1851, p. 11-15.
- « Exposition universelle. Revue des principaux tableaux des diverses écoles de l’Europe, exposés dans le Palais des Beaux-Arts en 1855 ». Le Ménestrel, 1855.
- « Lettre sur l’exposition de peinture en 1857, en ce qui concerne les œuvres d’art se rattachant à la musique ». Le Ménestrel, 1857.
- « Essai biographique sur le docteur Escallier ». L’Impartial du Nord, 1857.
Bibliographie critique sélective
- Denne-Baron Dieudonné. – « Hédouin Pierre ». In Hoefer Jean-Christian. – Nouvelle Biographie générale, t. XXIII. Paris : F. Didot frères, 1858, p. 722-723.
- Vaudin Jean-François. – Gazetiers et Gazettes. Histoire critique et anecdotique de la presse parisienne. Années 1858-1859. Paris, 1860, p. 31.
- Fétis François-Joseph. – Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique. 2e éd. revue, Paris, t. IV, 1878, p. 276-277.
- Adhémar Hélène. – Watteau, sa vie, son œuvre. Paris : P. Tisné, 1950, p. 148-153.
- Simches Seymour Oliver. – Le Romantisme et le Goût esthétique du XVIIIe siècle. Paris : Presses universitaires de France, 1964, p. 17-22.
- Pèlerinage à Watteau, [catalogue de l’exposition], Paris : hôtel de la Monnaie, t. II, 1977, p. 405, cat. 523.
- Rosenberg Pierre. – Chardin : [catalogue de l’exposition], Paris : Grand Palais, 29 janvier – 30 avril 1979. Paris : Réunion des musées nationaux, 1979, p. 85-87.
- Camesasca Ettore et Rosenberg Pierre. – Tout l’œuvre peint de Watteau. Paris : Flammarion, 1982, p. 9.
- Blémont H. – « Hédouin Pierre ». In Prévost Michel, Roman d’Amat Jean-Charles et Tribout Morembert Henri (de). – Dictionnaire de biographie française, t. XVII. Paris : Librairie Letourey et Ané, 1989, p. 828.
- Launay Élisabeth. – Les Frères Goncourt, collectionneurs de dessins. Alençon : Arthéna, 1991, p. 78 et 448-449, cat. 299.
Sources identifiées
http://www.traces-ecrites.com (site internet)
- « Rapport fait au nom de la commission chargée de l’examen des sculptures et tableaux envoyés en 1851, pour le concours des objets d’art à placer dans la galerie historique de la Société d’agriculture, sciences et arts de Valenciennes » (Ms autographe signé, daté 29 août 1851, in-folio, 4 p.)