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FONTAINAS, André
Mis à jour le 3 mars 2020(5 février 1865, Bruxelles – 8 décembre 1948, Paris)
Auteur de la notice : HOUSSAIS Laurent
Profession ou activité principale
Homme de lettres, fonctionnaire
Autres activités
Traducteur, critique littéraire et dramatique, critique d’art
Sujets d’étude
Peinture et sculpture en France et en Belgique au XIXe siècle ; peinture anglaise du XIXe siècle ; peinture hollandaise et flamande du XVIIe siècle
Carrière
1883 : première collaboration littéraire (La Jeune Belgique)
1884 : fait partie, aux côtés de Charles-Henry de Tombeur, des membres fondateurs de La Basoche, revue mensuelle de littérature et d’art
1888 : après avoir obtenu son doctorat de droit à l’université libre de Bruxelles, s’installe définitivement à Paris
1889 : son premier recueil de vers, Le Sang des fleurs, lui ouvre les portes du salon de Mallarmé ; signe ses premières critiques d’art pour La Jeune Belgique et La Réforme
1891 : nommé bibliothécaire à l’Office du travail au ministère du Commerce, de l’Industrie et des Colonies.
1892 : première publication de ses vers au Mercure de France
1895 : nommé receveur de troisième classe au service des recettes de l’octroi de Paris ; reste attaché à ce service jusqu’à sa retraite, en 1925
1896 : succède à Camille Mauclair comme critique d’art attitré du Mercure de France, poste qu’il occupe jusqu’en 1902
1908 : assure la chronique théâtrale du Mercure de France ; Léautaud lui succède en 1911
1915 : entre au comité de lecture du Mercure de France, dont il démissionnera en 1927
1919 : obtient la rubrique « poésie » du Mercure de France, qu’il signe jusqu’à sa mort
1927 : nommé expert à la section des relations littéraires de l’Institut International de Coopération Intellectuelle, fondé par la Société des Nations
1936 : après de vaines démarches de Paul Valéry en 1924 et 1933, Fontainas est nommé chevalier de la Légion d’honneur
1937 : fait partie des onze membres fondateurs de l’académie Mallarmé ; obtient le prix Lasserre
1943 : obtient de l’Académie Française le prix Georges Dupau pour l’ensemble de son œuvre, en compagnie de Rachilde, Judith Cladel et Marcelle Tinayre
Étude critique
André Fontainas se fait connaître sur la scène littéraire au temps du symbolisme, auquel il participe et dont il sera un des mémorialistes. D’origine belge mais naturalisé français, il joue un rôle efficace de passeur entre les deux scènes littéraires. D’abord et avant tout poète, il pratique de nombreux genres littéraires et s’adonne volontiers à la critique, qu’il s’agisse de littérature ou d’arts visuels, vouant une attention particulière à la peinture et à la sculpture. Son parcours doit beaucoup à l’aventure du Mercure de France, dont il devient un des plus fidèles collaborateurs. Fontainas, chantre de l’art « indépendant », gagne par ce biais ses galons de critique d’art, tout particulièrement lors du scandale provoqué par le Balzac de Rodin.
Vivant assez modestement de son salaire de fonctionnaire, Fontainas consacre son temps libre à ses passions, au rang desquels figure la peinture ancienne. Ses engouements sont, en partie, ceux de sa génération – les « primitifs » italiens, appréhendés dans le sillage des préraphaélites (« nous connaissions moins Giotto ou Simone Memmi, que Gentile da Fabriano, Fra Angelico, Ghirlandajo et principalement Botticelli, en qui nous puisions la doctrine et la révélation », Mes souvenirs du Symbolisme, 1928) –, la peinture des Flandres et de la Hollande, du XVe au XVIIe siècle (en 1917, il projette un livre sur les portraits d’Hélène Fourment par Rubens), la peinture anglaise des XVIIIe et XIXe siècles. Les carnets de notes de ce voyageur impénitent abondent en commentaires sur les œuvres vues dans les grands musées européens. Il sait parfois apprécier des œuvres sans lien avec son esthétique ou le goût du milieu auquel il se rattache, s’enthousiasmant par exemple, avant que la « mode » s’en empare (Confession d’un poète, 1936), pour l’art de Bernin (1903), ou soulignant, devant l’oratoire San Andrea à San Gregorio al Celio de Rome, les qualités de ces peintres « académiques » et « fort injustement méprisés » que sont à ses yeux le Dominiquin et Guido Reni (Notes et scholies, 1906).
Ce goût pour l’art découle en partie de son éducation bourgeoise et sa passion, comme pour la plupart de ses homologues, s’est bien davantage nourrie de ses visites, de ses lectures et de ses rencontres que d’une formation spécifique en histoire de l’art. L’École du Louvre vient de fêter son douzième anniversaire lorsqu’il décide de s’y rendre : « Pourquoi cette idée singulière d’être allé à l’ouverture du cours d’histoire de la peinture italienne de Lafenestre, au Louvre ? » (Notes et scholies, 1894). Formule ambivalente car elle peut désigner la démarche elle-même ou s’avérer « singulière » uniquement parce qu’il fut déçu par cette expérience, reprochant à Lafenestre de privilégier la présentation de la diversité des manières à la définition d’une esthétique. Toujours est-il que cette culture lui permet de formuler une intéressante critique de la fameuse exposition des Primitifs français de 1904. Sans aller jusqu’à remettre en cause certaines valeurs accordées aux écoles nationales – comme la mesure ou l’équilibre pour la France –, Fontainas conteste la notion même de primitif pour Clouet ou Corneille de Lyon et trouve « ridicule de nier, comme y tendent les faiseurs du catalogue, la double influence flamande et italienne présente partout ; du reste de pénétration si inévitable (Bourgogne, Hainaut, Artois d’une part ; de l’autre Provence et Simone Memmi qui fut en Avignon) » (Notes et scholies, 1904).
L’examen de sa bibliographie montre qu’il s’investit principalement dans la critique de l’art contemporain avant de capitaliser l’autorité acquise dans l’art ancien mais en s’investissant, ce qui est assez significatif de son rapport à une histoire de l’art érudite ou théorique, dans le domaine alors en pleine expansion des ouvrages de vulgarisation. Se distinguant d’emblée des « esprits scientifiques », Fontainas tente de concilier, dans son Histoire de la peinture française au XIXe siècle (1906), sa passion et sa partialité de critique avec une prise en compte plus distanciée des différentes orientations de la peinture française, à la lumière de la Centennale de 1900, mais sans renouveler ses sources (il reprend même sans vergogne plusieurs de ses critiques antérieures) ou ses points de vue par la recherche d’archives. Cherchant à construire une histoire fondée sur une succession de catégories et d’individualités, Fontainas partage avec bien des auteurs de son temps l’idée que l’on peut rétablir a posteriori une logique dans l’évolution de la peinture française. Sa représentation de l’évolution artistique repose d’abord et avant tout sur sa conception de l’œuvre d’art. Dans la mesure où la valeur de celle-ci réside essentiellement dans l’expression complète de l’artiste, cette évolution est fondée sur la notion d’un progrès, d’une libération progressive à l’égard de la religion, du pouvoir politique ou d’un trop grand respect de la tradition. Tout le discours sur le paysage n’est ainsi fondé que sur la recherche croissante de la vérité et de la vie dans la représentation de la nature, des « balbutiements » de Georges Michel aux impressionnistes, qui marquent l’acmé du processus et dont Daubigny est un « précurseur ». Le sujet, le contexte et les enjeux sont, au mieux, relégués au second plan, au pire, totalement éludés ; la réflexion sur les genres souffre aussi de ce parti pris. En dépit de ses faiblesses structurelles et de ses déséquilibres (qu’on songe seulement à la place qu’il accorde à Géricault ou à Courbet), l’ouvrage n’est pas sans mérites : il encourage son lecteur, fut-ce timidement, à mieux considérer Achille-Etna Michallon, François-Marius Granet, Isabey ou Martin Drolling, relaie Roger Marx pour la reconnaissance de Daumier peintre ou s’oppose à Henry Marcel sur la place de bien des artistes, de Daubigny à Gauguin. Si Fontainas se montre parfois soucieux de définir un caractère national dans l’art de tel ou tel artiste, cette préoccupation n’est pas centrale – elle le sera davantage dans son chapitre sur l’art monumental de l’Histoire générale de l’art français, comme le rappelle l’étude d’Alain Mérot –, ce qui lui permet d’intégrer Jongkind (dont les « qualités décisives et poignantes » de son style sont toutefois rattachées à « un atavisme immémorial et indéfini »), Whistler ou Van Gogh. Cette publication a d’autant plus largement contribué à la diffusion d’une certaine vulgate de l’histoire de la peinture française du XIXe siècle que l’édition de 1922 reprend très largement le texte de 1906.
Fontainas semble plus à l’aise dans le genre de la monographie. Il se documente avec soin mais l’apport de ses monographies réside sans doute plus dans l’approche sensible des œuvres, en lien avec sa perception de l’évolution de la peinture moderne (il mesure ainsi l’influence de Hals, de Courbet à Roll, tout en en faisant « un des premiers impressionnistes »), que dans l’enrichissement documentaire. Son Courbet, artiste qu’il n’a jamais pleinement apprécié, s’avère moins important que les monographies antérieures de Riat (1906) ou de Duret (1918) et Fontainas ne tire pas les conséquences des modifications de son jugement dans la réédition de son Histoire de la peinture française au XIXe siècle. Son Rops constitue à l’inverse un vigoureux plaidoyer en faveur d’un artiste qu’il a bien connu et dont la portée de l’œuvre, desservie par l’interprétation de certains critiques aux premiers rangs desquels il faut citer Huysmans, est encore mal appréciée. L’étude reste centrée sur Rops dessinateur et graveur même si l’œuvre peint, que l’on commençait seulement de découvrir en France, fait l’objet d’un commentaire aussi long qu’enthousiaste. Son Constable occupe une des premières places dans le paysage éditorial français et l’ouvrage s’est manifestement nourri de sa collaboration avec Léon Bazalgette (1873-1928), qui en a relu le manuscrit. Comme ce dernier, il tend à faire de Constable un panthéiste.
La contribution de Fontainas à l’histoire de l’art, qui semble aujourd’hui assez contrastée, marquée par son positionnement et ses pratiques de critique d’art, fut appréciée en son temps, particulièrement par les hommes de lettres ou les « écrivains d’art », mais pas exclusivement, comme le montrent notamment certains comptes rendus d’Émile Dacier.
Principales publications
Ouvrages
- Histoire de la peinture française au XIXe siècle (1801-1900). Paris : Société du Mercure de France, 1906.
- Frans Hals. Paris : Henri Laurens, collection « Les Grands Artistes », [1909].
- Courbet. Paris : Félix Alcan, collection « Art et Esthétique », 1921.
- Histoire de la peinture française au XIXe et au XXe siècles (1801-1920). Paris : Mercure de France, 1922.
- La peinture de Daumier. Paris : G. Crès, Collection « Ars Graphica », 1923.
- Rops. Paris : Félix Alcan, collection « Art et Esthétique », 1925.
- Constable. Paris : F. Rieder, collection « Maîtres de l’Art moderne », 1926.
- Daumier. Paris : F. Sant’Andrea, Librairie de France, Les Albums d’Art Druet, 4, [1927].
- Courbet. Paris : F. Sant’Andrea, Librairie de France, Les Albums d’Art Druet, 8, [1927].
Ouvrage en collaboration
- Histoire générale de l’Art Français, de la Révolution à nos jours (t. I : André Fontainas et Louis Vauxcelles, La Peinture – La Gravure – Le Dessin ; t. II : Georges Gromort, L’architecture ; t. III : André Fontainas et Louis Vauxcelles, La Sculpture). Paris : F. Sant’Andrea, L. Marcerou et Cie, 1922.
Articles
- « À propos de l’art anglais [compte-rendu de La Peinture anglaise contemporaine, par Robert de la Sizeranne (Hachette), Les Préraphaélites. Notes sur l’Art décoratif et la peinture en Angleterre, par Olivier-Georges Destrée (Dietrich, à Bruxelles)] ». Mercure de France, XV, 68, août 1895, p. 228-231.
- « Art. [Exposition temporaire de dessins flamands et hollandais (XVe et XVIe siècles)] ». Mercure de France, XXI, 86, février 1897, p. 426-428.
- « Art. Collection Goncourt (…) ». Mercure de France, XXI, 87, mars 1897, p. 622-627.
- « Rembrandt chez lui ». Mercure de France, XXIX, 109, janvier 1899, p. 35-48.
- « Anvers et l’Exposition de Van Dijck ». La Vogue, IV, 11, 15 novembre 1899, p. 125-131.
- « L’Exposition Centennale de la peinture Française ». Mercure de France, XXXIV, 126, juin 1900, p. 651-669, XXXV, 127, juillet 1900, p. 132-160 et XXXV, 128, août 1900, p. 388-412.
- « L’église de Brou, à Bourg-en-Bresse ». L’Art Moderne, 41, 9 octobre 1904, p. 327-329.
- « Jacob Jordaens ». L’Européen, 202, 14 octobre 1905, p. 14-15.
- « Variétés : exposition d’art ancien bruxellois ». Mercure de France, LVII, 200, 15 octobre 1905, p. 633-635.
- « Une visite au Saint-Sébastien d’Aigueperse ». L’Art Moderne, 32, 11 août 1907, p. 249-250.
- « Au Louvre. – Art gothique (…) ». La Revue Sud-Américaine, I, 2, février 1914, p. 275-278.
- « Daumier ». L’Amour de l’Art, II, octobre 1921, p. 299-304.
- « À propos du centenaire de la mort de Louis David. David et ses tableaux inconnus ». L’Art et les Artistes, 63, janvier 1926, p. 135-137.
- « L’art de Camille Corot ». Bulletin de l’art français et japonais, III, 31, janvier 1928, n. p.
- « La vivante visite de l’art italien à Paris ». Mercure de France, CCLX, 886, 15 mai 1935, p. 15-27.
Bibliographie critique sélective
Notices de dictionnaires et anthologies
- Gispert Marie (éd.). – La critique d’art au Mercure de France, 1890-1914. Paris : Éditions rue d’Ulm, 2003.
- Bouillon Jean-Paul et al. (dir.). – La promenade du critique influent, anthologie de la critique d’art en France 1850-1900. Paris : Hazan, 2010, p. 404-405.
- Houssais Laurent. – « André Fontainas ». Schvalberg Claude (dir.), Dictionnaire de la critique d’art à Paris (1890-1969). Rennes : PUR, 2014, p. 153-154.
Notes et correspondances
- Soncini Fratta Anna. – « André Fontainas : notes de voyage en Italie (1900) ». Bollettino del CIRVI, 17, janvier-juin 1988, p. 85-116.
- Licari Carmen et Soncini Fratta Anna. – André Fontainas et ses amis belges, avec des lettres inédites 1889-1948. Quaderni di francofonia, 7. Firenze : Leo S. Olschki, 1994.
- Lo Giudice Anna (éd.). – Paul Valéry-André Fontainas. Correspondance 1893-1945. Paris : Édition du Félin, 2002.
Études sur André Fontainas
- Houssais Laurent. – André Fontainas (1865-1948), critique d’art et historien de l’art. Thèse de doctorat d’histoire de l’art, université Blaise Pascal-Clermont II, soutenue en 2003.
- Houssais Laurent. – « Si loin, si proche : Paul Gauguin et André Fontainas ». 48/14, automne 2003, p. 50-63.
- Houssais Laurent. – « Gauguin devant la presse : lecture croisée et modes d’approche des critiques de l’exposition Vollard (1898) ». Recherches en histoire de l’art, 3, 2004, p. 47-56.
- Mérot Alain. – « Le classicisme de 1925 : Fontainas et Vauxcelles », dans Barthélémy Jobert (dir.), Histoires d’art. Mélanges en l’honneur de Bruno Foucart. Paris : Norma, 2008, p. 431-445.
- Houssais Laurent. – « Notes sur une monographie inédite : François Rude par André Fontainas », dans Jane Block & Claude Sorgeloos (dir.), Homage to Adrienne Fontainas, Passionate Pilgrim for the Arts. New York : Peter Lang Publishing, 2013, p. 199-213.
Sources identifiées
Archives privées
- Une partie des archives d’André Fontainas est encore en mains privées – c’est notamment le cas des Notes et scholies (21 cahiers reliés, 1888-1948).
Bruxelles, Archives et musée de la littérature
- L’une des institutions qui possède le plus de pièces est celle des Archives et musée de la littérature, à Bruxelles : http://www.aml-cfwb.be/ [consulté le 23 mars 2016].
Archives nationales, base Léonore
- 19800035/542/62072 : Dossier de Légion d’honneur, consultable en ligne sur la base Léonore [consulté le 23 mars 2016].
En complément : Voir la notice dans AGORHA