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FEUILLET DE CONCHES, Félix-Sébastien
Mis à jour le 2 février 2009(4 décembre 1798, Paris – 5 février 1887, Paris)
Auteur(s) de la notice : GUEDRON Martial
Profession ou activité principale
Introducteur des ambassadeurs et chef du protocole au ministère des Affaires étrangères
Autres activités
Journaliste, écrivain, collectionneur français
Sujets d’étude
Peinture anglaise, peinture française du XIXe siècle, histoire des civilisations, histoire des collections, arts du Proche-Orient et d’Asie
Carrière
25 juin 1824 : entre au ministère des Affaires étrangères sur la recommandation de Talleyrand
1er avril 1832 : chef de bureau au service du protocole. Nombreuses relations et missions à l’étranger : Londres, Dresde, Munich, Prague, Vienne, Hongrie, Russie, Italie
27 décembre 1868 : directeur du protocole jusqu’à sa mise en retraite, le 30 janvier 1874
Commandeur de la Légion d’honneur (le 2 avril 1856)
Étude critique
Saisi dès sa jeunesse par la passion des collections, à l’affût des curiosités d’histoire naturelle, des livres, des estampes et par-dessus tout des lettres autographes, puisant à toutes les sources à une date où les collections de l’État n’étaient pas si bien préservées que de nos jours et où l’on n’accordait pas grande d’importance aux vieux papiers, Félix-Sébastien Feuillet de Conches pensait que sa passion du document était parfaitement compatible avec la rigueur et le recul nécessaires à l’esprit d’une recherche historique digne de ce nom. Ardent collectionneur, il se faisait une haute idée de ce que devait être un « curieux », catégorie à laquelle il entendait se rattacher, dans le sillage de l’illustre Gaignières. Non point le curieux avide de s’entourer, par ostentation, de tout un luxe stérile d’œuvres d’art et d’ouvrages précieux, mais celui dont la ferveur et le savoir permettaient de donner aux collections un sens « historique » et « national ». Constamment désireux de voir et de savoir, d’une grande érudition, ayant bien compris que l’iconographie était une source fondamentale pour la compréhension des représentations collectives, il fut d’abord un amateur de choses rares et singulières doté d’un goût très éclectique. Ses ouvrages en témoignent, qui abordent des sujets aussi divers que le portrait en cire, l’art des jardins, les rébus ou l’histoire des coiffures. À l’évidence, son intérêt pour l’œuvre et la personnalité de Cuvier, dont il fréquenta les soirées au Jardin des Plantes, « rendez-vous de tous les savants, de toutes les éminentes intelligences du monde civilisé », l’avait confirmé dans sa conviction d’une utilité de tous les genres de collections : « Telle figurine, écrit-il, tel scarabée antique, telle poterie sigillée, tel tesson, telle tablette d’apparence vulgaire, qui auraient pu sembler d’une parfaite inutilité, ont fourni des lumières à l’histoire de l’Antiquité en renouant l’anneau d’une chaîne chronologique brisée, comme la science négligée du blason et celle des peintures hiératiques des cathédrales ont percé quelques ténèbres de l’histoire du Moyen Âge ; comme certains restes précieux de l’art ont fait retrouver à tous ses degrés l’intelligence de l’homme, et remonter ou descendre l’échelle de ses progrès. Le moindre des monuments a son côté utile, parce qu’il est un fait, et qu’il concourt à l’ensemble des preuves qui se commentent les unes par les autres, de même qu’un seul osselet suffisait au génie du grand Georges Cuvier pour reconstituer tout le squelette ; de même que le moindre fragment de branche, le plus léger brin d’écorce révélait au savant physicien Charles l’Héritier l’espèce d’arbre dont ils étaient provenus » (Souvenirs de première jeunesse d’un curieux septuagénaire…, 1877, p. 187-189). Sa passion pour les sources autographes, que Feuillet considérait comme les seuls documents irrécusables et plaçait au centre d’une véritable morale de l’Histoire, participait chez lui d’un attrait pour les vestiges et les reliques sur lesquels il posait un regard plein de déférence. Faut-il pour autant le reléguer parmi les historiens de l’art chez qui le passé dégénère en une manie propre à exclure tout ce qui est nouveau ? Rien n’est moins sûr. S’il admirait les grands peintres italiens de la Renaissance, révérait Poussin au point de vouloir faire de Léopold Robert son digne héritier et confessait son aversion pour la photographie ou les caricatures de Philippon et Grandville, il n’en fustigeait pas moins le « pédantisme rétrospectif » du préraphaélisme, reconnaissait en Daumier un « génie natif prodigieux » doublé d’un « moraliste profond » et condamnait l’académisme au nom de l’activité créatrice : « Ce n’est pas l’excès de jeunesse, la fantaisie et la licence qui tuent l’art », écrivait-il en 1868 dans la Gazette des Beaux-Arts, car « la licence chercheuse et la fantaisie qui a ses bonheurs ouvrent parfois des voies nouvelles ; c’est, au contraire, l’imitation caduque, le pastiche stérile et le système énervant qui sont mortels ».
Dès 1851, le prospectus annonçant la première livraison des Archives de l’art français situait un des aspects essentiels de la démarche de Feuillet comme historien de l’art : il a, sans conteste, pris un « soin singulier » à enrichir l’étude monographique des artistes qu’il a étudiés de toutes leurs lettres ou de celles de leurs amis et rivaux ; on pourra s’en rendre compte en consultant sa monographie consacrée à Léopold Robert et, dans une moindre mesure, sa substantielle Histoire de l’école anglaise de peinture parue quelques années avant sa mort. Mais il s’est aussi montré très attentif aux aspects techniques et matériels des œuvres, admirant chez Diderot le fait que le philosophe avait appris « à s’y connaître » en fréquentant les ateliers de Chardin, La Tour, Van Loo, Greuze et Nattier. Grand familier des salons littéraires et artistiques, Feuillet connaissait de nombreux écrivains et peintres européens et ses multiples missions en France et à l’étranger lui avaient permis de réunir une collection que Charles Monselet jugeait sans égale dans le monde entier, même si elle comportait des pièces douteuses. Dispersée dès son vivant, notamment lors d’une vente anonyme faite les 26, 27, 28 et 29 avril 1873, puis le 17 mars 1875 chez Sotheby (lot 106), elle atteste, autant que ses écrits, l’originalité et la diversité des centres d’intérêt de son créateur, souvent hâtivement réduit à un monomane de l’autographe. En témoigne l’ensemble conservé depuis 1969 au musée Jean de la Fontaine à Château-Thierry, qui comprend une édition en feuilles des œuvres du célèbre fabuliste illustrées par des artistes aussi glorieux que Delacroix, Decamps, Charlet, Horace Vernet et Ingres. S’y ajoutent des miniatures chinoises, japonaises, indiennes et persanes et une suite de cinquante-neuf peintures illustrant les Fables réalisées à partir de 1837 selon les techniques de la miniature traditionnelle par Imam Bakhsh Lahori, un peintre mongol à la cour du maharajah de Lahore. L’intérêt de Feuillet pour les arts non occidentaux déborde en effet le cadre de l’orientalisme stricto sensu, puisque non content de célébrer « la magnificence des vestiges et des archives léguées par l’Égypte ancienne », ou de signaler avec respect le travail des peintres Dominique Papéty et Émile-Charles Labbé sur la peinture byzantine dont il était un bon connaisseur, il a laissé d’instructives analyses stylistiques des maîtres de la peinture chinoise : « Vrais antipodes des Carrache, des Michel-Ange de Caravage et de leurs imitateurs qui semblent avoir peint les demi-teintes et les ombres avec de l’encre, ils en sont encore, pour la perspective aérienne, aux procédés des peintures d’Herculanum et de Pompéi, des écoles primitives d’Italie, de Bruges et d’Allemagne. C’est le style du Cimabue et du Giotto, déserté par Masaccio, repris par le Fra Angelico da Fiesole, son contemporain, et, un siècle plus tard, par Holbein lui-même, en quelques-uns de ses portraits » (Causeries d’un curieux…, 1862-1868, II, p. 123).
Barbey d’Aurevilly a résumé tout ce qui fait la singularité de celui qui, à la fin de sa vie, se décrivait comme un homme « d’encre et de papier », un « centaure de nouvelle espèce, demi-homme et demi-bureau ». Feuillet de Conches, note-t-il en substance, était un praticien de diplomatie et d’histoire, un écrivain comme s’il n’était pas savant et un savant comme s’il n’était pas écrivain : c’était « un connaisseur en toutes choses, d’une vaste expérience, d’un sens aiguisé », qui s’appropriait « avec un rare talent, tous les langages ».
Martial Guédron
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- « Notice historique sur Raphaël Morghen ». Paris : Impr. de Bruneau : 1843 In Biographie universelle T. LXXIV.
- « Notice historique sur Léopold Robert ». Paris : Impr. de E. Duverger : 1846 In Biographie universelle. T. LXXIX.
- Léopold Robert, sa vie, ses œuvres et sa correspondance. Paris : bureau de la Revue des deux mondes, 1848.
- Apocryphes de la peinture de portrait, à propos de l’émail de Petitot gravé en tête du livre de M. de Noailles sur Mme de Maintenon, par F. Feuillet de Conches.Revue des deux mondes, 15 novembre 1849 : Paris : impr. de Gerdis, 1849.
- [Les]Peintres européens en Chine et les Peintres Chinois. Paris : Impr. de Dubuisson, 1856.
- Causeries d’un curieux, variétés d’histoire et d’art tirées d’un cabinet d’autographes et de dessins. Paris : H. Plon, 1862-1868, vol. 1 ; vol.2 ;vol.3 ; vol.4.
- William Hogarth, par M. E. [sic] Feuillet de Conches […]. Gazette des Beaux-Arts, 1er septembre 1868 : Paris : impr. de J. Claye, 1868.
- Souvenirs de première jeunesse d’un curieux septuagénaire. Fin du premier Empire et commencement de la Restauration. Vichy : typographie A. Wallon, 28 mars 1877.
- Souvenirs d’un curieux octogénaire. Fin du Premier Empire et Restauration. Nouvelle édition revue et augmentée. s. l. [Le Puy-en-Velay] : typographie de Marchessou, 15 mai 1882.
- Histoire de l’école anglaise de peinture, jusques et y compris Sir Thomas Lawrence et ses émules. Paris : Leroux, 1882.
- École anglaise de peinture, Bonington. L’Artiste, 1886, s. p.
Articles
- « Les Apocryphes de la gravure de portrait ». Gazette des Beaux-Arts, 1re année, t. II, 15 juin 1859, p. 337-348.
- « William Hogarth ». Gazette des Beaux-Arts, t. XXV, Paris : 1868, p. 185-214.
Bibliographie critique sélective
- Sainte-Beuve Charles-Augustin. – Causeries du lundi. Paris : Garnier Frères, s. d., p. 495-514.
- Vapereau Gustave. – Dictionnaire universel des contemporains. Paris : Hachette, 1858.
- Livet Charles-Louis. – M. le Baron Feuillet de Conches, notice biographique. Paris : Impr. De E. Plon, Nourrit et Cie, 1888.
- Monselet Charles. – De A à Z. portraits contemporains. Paris : G. Charpentier, 1888, p. 110-112.
- Laughton John Knox. – Memoirs of the Life and Correspondence of Henry Reeve, 2 vols, Londres : Longmans, Green, 2 vol. 1898.
- Les Introducteurs des ambassadeurs, 1585-1900. Paris : F. Alcan, 1901.
- Barbey d’Aurevilly Jules. – Voyageurs et Romanciers. Paris : Alphonse Lemerre, 1908, p. 74-85.
- Van Vechten Carl. – The Tiger in the House, s. l., Heinemann, 1921.
- Mévil André. – « Les Fables de La Fontaine illustrées par les artistes de tous les pays du monde ». In L’Illustration (album de Noël), 1934.
- Bassy Alain-Marie. – Les Fables de La Fontaine, quatre siècles d’illustration. Paris : Promodis, 1986.
- Lobligeois Mireille. – « Les Miniatures indiennes de la collection Feuillet de Conches », Arts asiatiques-Annales du musée national des arts asiatiques […]. Cahiers de l’École Française d’Extrême-Orient avec le Concours du C.N.R.S., t. XLVII, 1992, p. 19-28.
- La Fontaine Jean de & Imam Bakhsh Lahori. – Le Songe d’un habitant du Mogol, et autres fables de La Fontaine. Paris : Réunion des musées nationaux, Imprimerie nationale, 1995.
- Wagner Donald B. – The traditional Chinese iron industry and its modern fate. Richmond, Surrey : Curzon Press, 1997.
Sources identifiées
Londres, British Library
- Jacques Charavay, catalogues de ventes de livres et d’autographes, Paris, 1843-65 : 13 mars 1843 ; 4 novembre 1844 ; 6 avril 1846 ; 10 mars 1847 ; 22 janvier 1850 ; 22 novembre 1852 ; 10 mars 1853 ; 20 juillet 1853 ; 28 novembre 1853 ; 1er décembre 1854 ; 5 février 1855 ; 12 mars 1855 ; 19 juin 1855 ; 10 décembre 1855 ; 24 novembre 1856 ; 26 mars 1857 ; 27 avril 1857 ; 26 novembre 1857 ; 3 février 1858 ; 1 mai 1858 ; 13 mai 1858 ; 1er décembre 1858 ; mars 1859 ; février 1862 ; avril 1862 ; 15 avril 1862 ; juin 1862 ; septembre 1862 ; novembre 1862 ; 27 novembre 1862 ; décembre 1862 ; 9 février 1863 ; mars 1863 ; 7 avril 1863 ; mai 1863 ; août 1863 ; 17 mars 1865
Paris, Archives nationales
- Dossier de Légion d’honneur (L0967017)
Paris, Bibliothèque Mazarine
- Lettre de Feuillet de Conches à Pierre-Antoine Lebrun datée du 7 mai 1841 (carton 9, liasse 5, lettre 38)
Paris, Fondation Custodia
- Lettre de François Forster à Feuillet de Conches (1973-A.685)
- Lettre de Lizinka de Mirbel à Feuillet de Conches (2001-a.769/770)
- Lettre de John Martin à Feuillet de Conches (2002-A.1120)
- Lettre de Feuillet de Conches à Charles-Marie-Jean-Baptiste Marcotte d’Argenteuil (2002-A.1129/1129a)
- Lettre de Rosa Bonheur à Feuillet de Conches (2003-A.459/459a)
Voir aussi Frits Lugt, dir., Répertoire des catalogues de ventes publiques intéressant l’art ou la curiosité, 3, troisième période, 1861-1900, vente Feuillet n°46578.
En complément : Voir la notice dans AGORHA