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CHAVANNES, Édouard
Mis à jour le 9 septembre 2011(5 octobre 1865, Lyon – 29 janvier 1918, Paris)
Auteur(s) de la notice : DZALBA-LYNDIS Catherine
Profession ou activité principale
Sinologue, historien de l’art chinois
Autres activités
Professeur, linguiste, épigraphe
Sujets d’étude
Art, histoire, archéologie, religions, cultes et traditions (Chine, Asie centrale)
Carrière
1885-1888 : élève à l’École normale supérieure ; agrégation de philosophie
1888 : diplôme de chinois de l’École de langues orientales
1889-1893 : première mission en Chine en tant qu’attaché libre à la légation de France à Pékin
1893 : titulaire de la chaire de « langues et littératures chinoises et tartares mandchoues » au Collège de France
1903 : membre ordinaire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
À partir de 1904 : co-directeur de la revue T’oung pao avec Henri Cordier
1907-1908 : deuxième mission en Chine (Mandchourie et Chine septentrionale)
1908-1912 : directeur d’études à l’École pratique des hautes études
1908 : membre d’honneur de la Société finno-ougrienne d’Helsinfors ; membre, secrétaire, puis vice-président en 1910 de la Société asiatique à Paris ; membre de l’Académie impériale des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg
À partir de 1909 : membre du comité de publication du Journal des savants
1915 : élu président de l’Académie des inscriptions et belles-lettres
1916 : membre d’honneur de la Royal Asiatic Society
Étude critique
À sa sortie de l’École normale supérieure, Édouard Chavannes est agrégé de philosophie et diplômé de l’École des langues orientales en langue chinoise. Naturellement attiré par la philosophie chinoise, il s’oriente finalement vers l’histoire sur le conseil d’Henri Cordier. Confronté aux traductions dont il dispose à l’époque, il ressent rapidement la nécessité d’une approche plus fine et ajustée des sources chinoises.
Sa formation de philosophe le conduisant à s’attacher à la justesse des mots, il devient ainsi le traducteur minutieux des textes de la Chine classique. Il forme l’ambitieux projet de traduire intégralement les cent trente chapitres du Shiji, « Les Mémoires historiques » écrites par Sima Qian à la fin du deuxième siècle avant notre ère. L’ampleur de la tâche ne lui permettra de n’en publier que quarante-sept réunis en sept volumes. Même si le reste de son œuvre est considérable – autres traductions ou écrits personnels – c’est essentiellement pour ce travail qu’il est aujourd’hui célèbre. Pourtant l’étude des sources écrites n’est pas pour lui une fin en soi : c’est la base de toute investigation historique ou archéologique. Édouard Chavannes est en effet le véritable précurseur des études archéologiques en Chine, même s’il n’a personnellement participé à aucune fouille.
L’étude minutieuse des archives, et avant tout des chroniques locales, est pour lui le préalable à toute étude scientifique. Sa traduction du Shiji, même partielle, reste inégalée par son érudition et la masse d’informations fournie dans ses notes, témoins de la profondeur de la compréhension du texte. Cette compréhension de Sima Qian, lui-même précurseur de la tradition des historiens chinois, va lui apporter une connaissance approfondie de la Chine classique.
Son intérêt pour les textes l’amène à examiner les écrits des pèlerins chinois partis en Inde à la découverte des textes sacrés. Il en traduira quelques-uns, encourageant les recherches sur ces voyageurs. De la même façon, il aura l’intuition de l’importance des inscriptions sur écailles de tortue et omoplates de bovin dans la formation de l’écriture, voire de la pensée chinoise. Mais il ne s’arrête pas à une étude purement livresque. Son objectif déclaré est de constituer l’archéologie chinoise comme une science à part entière. Il n’a alors de cesse de se rendre sur place à la recherche de vestiges tangibles conservés sur le sol chinois et d’établir un corpus d’ouvrages le plus précis possible grâce à un important travail de localisation, de datation et d’analyse du contexte d’origine. Il effectue deux missions en Chine, d’abord de 1889 à 1893, puis entre 1907 et 1908.
Lors de la première, il s’intéresse aux « chambrettes funéraires », temples d’offrandes placés dans l’aire funéraire, de l’époque Han, au Henan et au Shandong et publie La Sculpture sur pierre au temps des deux dynasties Han, ouvrage consacré à la présentation et au décryptage de bas-reliefs. En 1907, il se rend à nouveau dans ces provinces et découvre les piliers funéraires de la dynastie des Han orientaux. Il visite également les deux sanctuaires bouddhiques de Yungang et Longmen et parcourt les provinces du Shanxi et du Shaanxi, où il s’intéresse aux sculptures de la dynastie Tang. À son retour, il publie un ouvrage rassemblant textes et planches, intitulé Mission archéologique dans la Chine septentrionale. L’essentiel de ce document concerne la statuaire de la Chine ancienne, notamment l’art bouddhique, et certains monuments de pierre, chambrettes funéraires et temples d’offrandes. Il s’agit d’un rapport de mission composé de deux tomes : le premier édité en 1913, intitulé La Sculpture à l’époque des Han, traite de ce qu’Édouard Chavannes pense être les plus anciens témoignages de la sculpture chinoise : les bas-reliefs de l’époque des Han orientaux. Le second tome, La Sculpture bouddhique, édité en 1915, est consacré aux spécimens de la statuaire Tang. Édouard Chavannes s’intéresse particulièrement à ce qu’il nomme la « représentation figurée » dans l’art chinois, notamment à travers la pierre sculptée. Dans la pierre sculptée il distingue, selon ses propres termes, la sculpture sur pierre et la sculpture en pierre. La sculpture sur pierre, autrement dit les bas-reliefs et hauts-reliefs, et la sculpture en pierre, essentiellement la statuaire en ronde-bosse bouddhique et aussi quelques exemplaires majeurs de la statuaire Tang (VIIe-IXe siècles).
La photographie joue un rôle essentiel dans son travail, comme en témoignent les épais volumes de planches qui accompagnent les textes de Mission archéologique en Chine septentrionale : il est le premier à photographier systématiquement les monuments en Chine, démarche déjà utilisée par les égyptologues. Les estampages constituent également une des bases de son travail d’épigraphiste. Non seulement ils permettent de ramener des textes en France, mais aussi de compléter les lacunes de la photographie et de faire ressurgir des écrits invisibles à l’œil nu. Il les réalise parfois lui-même ou les fait faire en sa présence. Il en achète aussi en grande quantité.
Édouard Chavannes n’entreprend pas de fouilles sur le sol chinois, mais il s’étonne qu’on ait attendu si longtemps pour lancer des investigations visant simplement à étudier les monuments « accessibles à tous les voyageurs ». C’est en ce sens qu’il peut être considéré comme l’initiateur de la sinologie de terrain.
Son souci du texte et son érudition en font l’inspirateur des sinologues comme Paul Pelliot, Henri Maspero, Paul Demiéville et, plus près de nous, Léon Vandermeersch. Il a aussi ouvert la voie à d’autres chercheurs comme Berthold Laufer qui publiera un ouvrage sur la sculpture funéraire des Han ou encore Sekino Tei, archéologue japonais qui séjourne au Shandong peu de temps après lui. Sur le terrain, l’héritage scientifique qu’il laisse sera exploité, complété et enrichi par son élève et disciple Victor Segalen, dont il fut le professeur aux Langues orientales et au Collège de France. Les nouvelles découvertes de ce dernier, notamment des sculptures en ronde-bosse de la dynastie Han, s’effectueront sur les indications très précises apportées par les traductions d’Édouard Chavannes.
Précurseur dans le domaine des investigations de terrain, Édouard Chavannes témoigne également d’une ouverture d’esprit qui le distingue de ses contemporains. D’une part, il s’intéresse à l’Asie centrale et traduit, à la demande de sir Aurel Stein, les quelques deux milles textes récupérés au cours de ses missions dans le Turkestan oriental et d’autre part il ne dédaigne pas la culture populaire, qu’il saisit notamment par le biais de la traduction de contes. La société chinoise contemporaine fera aussi l’objet d’articles de circonstance.
Il manifestait aussi un grand intérêt pour les travaux de ses collègues chinois. Il s’informait régulièrement des recherches de ses contemporains, ce qui n’était pas le cas des sinologues précédents qui fondaient leurs travaux sur des documents parfois obsolètes d’anciennes bibliothèques chinoises d’Europe dont les dernières publications dataient généralement du milieu du XVIIIe siècle. En outre, dès que l’occasion se présentait, il examinait également les travaux des chercheurs japonais, souvent précurseurs en matière d’archéologie chinoise.
Sa très brillante carrière – professeur au Collège de France à 28 ans, membre de l’Institut à 37 ans – fut interrompue par une mort prématurée dans sa cinquante-troisième année.
Catherine Dzalba-Lyndis, docteur en histoire de l’art
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
Pour le détail de la bibliographie, voir Cordier Henri, Édouard Chavannes. Extrait du Journal asiatique (mars-avril 1918). Paris : Imprimerie nationale, 1918 [ensemble de la bibliographie, dont les quinze nécrologies et cent soixante-dix comptes rendus d’ouvrages parus dans T’oung pao].
- La Sculpture sur pierre en Chine au temps des deux dynasties Han. Paris : Ernest Leroux, 1893, 88 p.
- Voyages des pèlerins bouddhistes. Les religieux éminents qui allèrent chercher la loi dans les pays d’Occident. Mémoire composé à l’époque de la grande dynastie T’ang, par I-tsing. Paris : Ernest Leroux, 1894, in-8, p. XXI-218.
- Les Mémoires historiques de Se-ma Ts’ien, traduits et annotés par Édouard Chavannes, professeur au Collège de France. Paris : Ernest Leroux, 1895-1905, 5 t. ; VI. Les Mémoires historiques [chapitre XL VIII – LII, compléments et index général]. Paris : Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve, 1969, 1 vol.
- Dix inscriptions chinoises de l’Asie centrale d’après les estampages de M. Che. E. Bonin [extrait des « Mémoires présentés par divers savants à l’Académie des inscriptions et belles-lettres »]. Paris : C. Klincksieck, 1902, in-4, pl.
- Documents sur les Tou-Kiue (Turcs) Occidentaux, recueillis et commentés par Édouard Chavannes. Paris : Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien Maisonneuve/Saint-Pétersbourg : J. Glasounof, 1903, IV-378 p.
- Voyage archéologique dans la Mandchourie et la Chine septentrionale, conférence du 27 mars 1908 au Comité de l’Asie française [extrait du Bulletin du Comité de l’Asie française]. Leyde : E. J. Brill, 1908, 28 p.
- Mission archéologique dans la Chine septentrionale. Paris : Imprimerie nationale/E. Leroux, 1909, 2 t. en 3 vol., 488 pl.
- Le T’ai chan, essai de monographie d’un culte chinois [appendice : Le Dieu du Sol dans la Chine antique]. Paris : E. Leroux, 1910 (« Annales du musée Guimet. Bibliothèque d’études »).
- Cinq cents contes et apologues extraits du Tripitaka chinois et traduits en français par Édouard Chavannes. Publiés sous les auspices de la Société asiatique. Paris : E. Leroux, 1910-1911, 3 vol. in-8 ; t. IV. Paris : Imprimerie nationale/E. Leroux, 1934.
- Mission archéologique dans la Chine septentrionale. T. I, 1re partie. La Sculpture à l’époque des Han, 1913 (I à CCLXXXVI), 288 p. ; 2e partie. La Sculpture bouddhique [Publications de l’École française d’Extrême-Orient], 1915 (CCLXXXVII à CCCCLXXXVIII). Paris : E. Leroux
- Les Documents chinois découverts par Aurel Stein dans les sables du Turkestan oriental. Oxford : imprimerie de l’Université, 1913, gr. in-4, p. XXIII-232, 37 pl.
- Six monuments de la sculpture chinoise. Études et documents publiés sous la direction de Victor Goloubew. Paris-Bruxelles : Librairie d’art et d’histoire/G. Van Oest et Cie, 1914, in-4, p. 40-1 f. n.ch. 52 pl. (« Ars Asiatica »).
Articles
- « Le Calendrier des Yin ». Journal asiatique, 1890, 8e série, t. XVI, p. 463-510.
- « Le Cycle turc des Douze Animaux ». T’oung pao, mars 1906, série II, vol. VII, p. 51-122.
- « Voyage des pèlerins bouddhistes. L’itinéraire d’Ou-Kong (751-790) ». Traduit et annoté par Sylvain Lévi et Édouard Chavannes, Journal asiatique, 1895, IXe série, t. VI, p. 341-384.
- « Voyageurs chinois chez les Khitan et les Jou-tchen ». Journal asiatique, mai-juin 1897, p. 377-442 ; mai-juin 1898, p. 361-439.
- « Les Inscriptions de Ts’in ». Journal asiatique, 1893, IXe série, t. I, p. 473-521.
- « Une inscription du royaume de Nan-Tchao ». Journal asiatique, 1900, IXe série, t. XVI, p. 381-450.
- « Le Dieu du Sol dans l’ancienne religion chinoise ». Revue de l’histoire des religions, 1901, XLIII, p. 125-146.
- « Le Défilé de Long-Men dans la province de Ho-nan ». Journal asiatique, 1902, IXe série, t. XX, p. 133-158.
- « Les Pays d’Occident d’après le Heou Han chou ». T’oung Pao, 1907, série II, n° 8, p. 149-234.
- « Les Monuments de l’ancien royaume coréen de Kao-Keou-li ». T’oung Pao, 1908, p. 236-263. « Quelques titres énigmatiques dans la hiérarchie ecclésiastique du Bouddhisme indien ». Journal asiatique, 1915, XIe série, t. V, p. 193-223).
- « Les Seize Arhats protecteurs de la Loi ». Collab. de Sylvain Lévi. Journal asiatique, 1916, XIe série, t. VIII, p. 5-50,189-304.
- « La Divination par l’écaille de tortue dans la haute antiquité chinoise d’après un livre de M. Lo Tchen-yu ». Journal asiatique, 1911, Xe série, t. XVII, p. 127-137.
- « De l’expression des vœux dans l’art populaire chinois ». Journal asiatique, 1901, XIe série, t. I, p. 193-233.
- « Un faux archéologique chinois ». Journal asiatique, 1908, Xe série, t. XI, p. 501-510.
- « Sûtra prononcé par le Buddha au sujet du roi Tchan-t’o-yue ». Journal asiatique, mars-avril 1917, p. 262-266.
Bibliographie critique sélective
- Cordier Henri. – Édouard Chavannes. Extrait du Journal asiatique – mars-avril 1918. Paris : Imprimerie nationale, 1918, 52 p.
- Noël Peri. – « Édouard Chavannes ». Bulletin de l’École française d’Extrême-Orient, 1918, vol. 18, n° 1, p. 73-75.
- Lartigue Jean. – « Salle Édouard Chavannes : Missions Édouard Chavannes (1907), Victor Segalen, Gilbert de Voisins et Jean Lartigue (1915), Victor Segalen (1917) ». In Bulletin archéologique du musée Guimet, fasc. I. Paris/Bruxelles : G. Van Oest, 1921, 72 p.
- Maspero Henri. – « Édouard Chavannes ». T’oung Pao, 1922, vol. 21, nb 1-5, p. 43-56.
- Segalen Victor, Voisins Augusto Gilbert (de), Lartigue Jean. – Mission archéologique en Chine (1914). I. L’Art funéraire à l’époque des Han. Paris : Paul Geuthner, 1936, in-4, 304 p.
- Dussaud René. – « Notice sur la vie et les travaux de M. Édouard Chavannes ». Comptes rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1946. p. 635-647.
- Segalen Victor. – Chine, la grande statuaire. 1972 ; 2e éd. Paris : Flammarion, 1996.
- Thote Alain. – « At the Source of Modern French Sinology : Édouard Chavannes ». Orientations, juin 1997, vol. 28, n° 6, p. 42-47.
- Baptiste Vinca et al. – Missions archéologiques françaises en Chine : photographies et itinéraires, 1907-1923. Paris : éd. musée national des Arts asiatiques-Guimet, Les Indes savantes, Réunion des musées nationaux, 2004 [ouvrage accompagné d’un cédérom interactif de 2 564 photographies].
Sources identifiées
Pas de sources recensées à ce jour
En complément : Voir la notice dans AGORHA