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BRONGNIART, Alexandre
Mis à jour le 26 novembre 2008(5 février 1770, Paris – 7 octobre 1847, Paris)
Auteur(s) de la notice : JEAMMET Violaine
Profession ou activité principale
Administrateur de la manufacture de porcelaine de Sèvres de 1800 à 1847, géologue, minéralogiste, zoologiste
Autres activités
Paléontologiste, botaniste, professeur de minéralogie au Muséum national d’histoire naturelle de Paris
Sujets d’étude
Minéralogie appliquée à la technologie des arts céramiques, céramique et verre ; taxinomie des céramiques, des minéraux et des reptiles
Carrière
1788 : participe à la fondation de la Société philomatique de Paris
1789 : maître ès arts
1790 : voyage minéralogique et technologique en Angleterre ; à son retour, attaché au Jardin des Plantes comme préparateur de chimie
1793-1794 : pharmacien dans l’armée des Pyrénées occidentales
1794 : nommé ingénieur des Mines
1797 : professeur d’histoire naturelle à l’École centrale des Quatre-Nations
1800 : nommé, sur l’instigation de Claude Berthollet, directeur de la manufacture de porcelaine de Sèvres
1805 : « Enquête des préfets » : questionnaire sur la céramique envoyée aux trente-six départements français
1806 : nommé à l’université
1809 : docteur ès sciences
1815 : membre de l’Académie des sciences
1818 : ingénieur en chef des Mines
1822 : professeur de minéralogie au Muséum national d’histoire naturelle de Paris
Membre de l’Institut (Académie royale des sciences), des Académies et Sociétés royales de Londres, Stockholm, Prusse, Naples, de l’Académie des sciences naturelles de Philadelphie.
Chevalier de la Légion d’honneur (1815), chevalier de l’ordre de Saint-Michel (1816), officier (1825) puis commandeur de la Légion d’honneur (1845)
Étude critique
C’est en digne fils du Siècle des lumières qu’Alexandre Brongniart fit irruption dans le XIXe siècle. Si le métier et les relations de son père, l’architecte Alexandre-Théodore Brongniart, le portaient naturellement vers le monde de l’art, la carrière de chimiste de son oncle Antoine Brongniart lui ouvrit les portes du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, et rarement homme aura su si bien jouer l’alliance de ces deux disciplines. Curieux de tout, Alexandre Brongniart est avant tout un taxinomiste : c’est en effet sa capacité de classification qui crée le lien entre des champs aussi diversifiés que la zoologie, la minéralogie, la géologie, la paléontologie, la botanique… et l’administration d’une des plus prestigieuses manufactures françaises, celle de Sèvres, où il fit paradoxalement toute sa carrière.
Ingénieur des Mines en 1794, il se distingue d’abord en histoire naturelle puisqu’il est appelé dès 1779 à assurer le cours d’histoire naturelle à l’École centrale. En parallèle, il réalise avec Nicolas Louis Vauquelin de nombreuses analyses de minéraux tout en travaillant avec Georges Cuvier dans le domaine de la zoologie, dont il applique la méthode (recherches et classification) aux reptiles. Malgré son jeune âge, 30 ans, il est nommé par le Premier consul directeur de la Manufacture de porcelaine de Sèvres en 1800, peut-être en raison de son appartenance à la franc-maçonnerie, mais sûrement grâce à son traité sur « L’Art de l’émailleur » (1791) et à ses relations avec Claude Berthollet, qui voit en lui un homme conjuguant intérêt pour l’art et compétences en chimie.
Il est alors chargé de remettre à flot une manufacture mise à mal par la déplorable gestion des dernières années de royauté et le tumulte de la Révolution, avec comme principal objectif le renouveau de la production, qui doit s’orienter vers des réalisations à la fois luxueuses et quotidiennes. Il met à la tâche une ardeur qui ne se démentira jamais, sans pour autant oublier ses premières amours, en collectionnant les nominations prestigieuses et les publications en géologie et zoologie.
Mais il s’illustre aussi dans le domaine des arts, tant comme administrateur que comme acteur du renouveau de l’art céramique au XIXe siècle. Brongniart fait en effet prendre une nouvelle direction à la Manufacture en axant sa production sur la porcelaine dure, sous l’égide du département des fours et des pâtes (en 1825), aux dépens de la porcelaine tendre, plus complexe à élaborer et donc plus onéreuse ; il s’applique alors à inventer de nouvelles couleurs (couleurs de fond et de moufle), en particulier le vert de chrome, afin d’accroître la palette des peintres, encore assez limitée, et crée le département pour « la préparation et la cuisson des couleurs et de la dorure » ; il travaille aussi, par conséquent, aux différents modes de cuisson et fours. Il introduit un certain nombre d’innovations comme le coulage ou le calibrage pour faciliter le travail des ouvriers de la manufacture. Il intervient enfin vigoureusement dans l’orientation artistique en choisissant les commandes, les artistes et les programmes décoratifs. Avec une vision panoramique tout à fait novatrice, il s’emploie à faire accepter auprès des souverains, tuteurs de la Manufacture, la création de nouveaux ateliers dévolus à la peinture sur verre (autorisés en 1826 et actifs jusqu’en 1854), à l’émail sur métaux (de 1845 à 1872) ou au montage.
Enfin, s’il applique ses connaissances scientifiques à la production, la discipline elle-même suscite sa curiosité et son intérêt : dès 1801, relayant le souhait du ministère pour une céramique saine, c’est-à-dire sans plomb et sans étain, il réfléchit à la mise en œuvre, concrétisée à partir de 1805, de l’« Enquête des préfets » , distribuée auprès des trente-six départements de la France impériale, véritable préfiguration de son Traité et du musée (peu en réalité répondirent à l’appel). Elle consiste en l’élaboration d’une fiche technique distribuée aux potiers et fabriques départementales et réclamant des échantillons de toutes les matières premières utilisées dans les ateliers, des descriptions de céramiques, des recettes de pâtes et de glaçures, ainsi que des plans de fours. La présence, d’autre part, au sein de la Manufacture, depuis 1786, de vases grecs (alors dits étrusques) de la collection Denon, sources de modèles, et de divers échantillons de porcelaines, lui suggère la première étude comparative dans le domaine de la céramique et l’oriente vers la création d’un musée, indépendant de la Manufacture, entièrement consacré à l’art céramique, fonds auquel vient s’adjoindre la collection de moules des ateliers et même les cahiers de dessins des peintres : « Cette réflexion me conduisit à chercher une classification raisonnée des produits céramiques et le système d’un musée qui devait réunir tous les éléments de cette classification et par conséquent de l’histoire de cet art considéré sous tous ses rapports, c’est-à-dire : sous celui de la fabrication depuis les briques jusqu’à la porcelaine, sous celui de la géographie ou de tous les lieux où se fabriquent des poteries ; enfin sous le point de vue chronologique depuis les époques les plus reculées jusqu’au temps actuel » (préface de la Description…, p. III, 1822). Cette présentation chronologique permet « d’un seul coup d’œil, l’histoire de ce que l’on appelle le goût dans les arts » (ibid., p. XI). Brongniart élabore ainsi la première classification des céramiques, toujours utilisée aujourd’hui et qui est le principe même du musée, fondée sur le degré d’imperméabilité de la pâte (terre cuite, faïence, grès, faïence fine, porcelaine, verre), tout en proposant également des moyens de déterminer l’origine de l’argile et de dater les objets. En 1824, quand le musée céramique et vitrique, à vocation clairement pédagogique, ouvre au public, il comprend des objets d’intérêt technologique, historique mais aussi artistique ; les collections sont gérées par Désiré Riocreux, nommé conservateur en 1829 et cosignataire de la Description.
L’accroissement des collections repose ensuite essentiellement sur les échanges ou les dons réalisés à la suite des innombrables voyages en Europe de Brongniart, ou commandés à différentes personnalités parcourant le monde. La publication de la Description méthodique (1845) finit d’illustrer les théories très novatrices de Brongniart en matière de muséologie en proposant un inventaire de toute la collection (si possible datée et identifiée), classée selon le principe défini dans le Traité, accompagné de diverses marques, signes et signatures des artistes, et d’un atlas présentant une sélection d’objets de l’Antiquité à nos jours, ainsi que de la production contemporaine de Sèvres en porcelaine et peinture sur verre. L’objectif est de « faire connaître le principe sévère et bien spécial de composition du Musée céramique et vitrique de la Manufacture royale de porcelaine et de peinture sur verre de Sèvres, pour faire connaître les lois de l’ordre rationnel qui y est établi, ses moyens de conservation et d’accroissement, tendant tous […] à répondre à la plupart des questions que l’industrie céramique et vitrique peut faire à un musée, c’est-à-dire une réunion des produits de toutes les sortes, de tous les lieux et de tous les temps, de ces deux industries » (préface, p. XV).
Violaine Jeammet, conservateur en chef, Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Traité élémentaire de minéralogie avec des applications aux arts : ouvrage destiné à l’enseignement dans les lycées nationaux]. Paris : Déterville, 1807, 2 vol., pl.
- Brongniart Alexandre, Cuvier Georges, Brongniart Adolphe. – Description géologique des environs de Paris. Paris, Amsterdam : G. Dufour, E. d’Ocagne, 1822, 428 p., nouv. éd.
- Brochant de Villiers André-Jean-François-Marie, Brongniart Alexandre, Jussieu Antoine-Laurent (de). – Dictionnaire des sciences naturelles. Strasbourg, Paris : F.G. Levrault, Le Normant, 1816-1830, 73 vol.
- Brongniart Alexandre. Introduction à la minéralogie], vol. 61, 1824.
- Brongniart Alexandre, Desmarets Anselme-Gaëtan. – Histoire naturelle des crustacés fossiles. Paris : F.-G. Levrault, 1822.
- Mémoire sur la peinture sur verre et sur son introduction dans la Manufacture de porcelaines de Sèvres. Paris : impr. de Selligne, 1829.
- « Poteries : l’art des poteries ». In Dictionnaire technologique ou dictionnaire universel des arts et métiers. Paris : Thomine, 1830, t. 17.
- Du caractère et de l’état actuel de la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, et de son influence sur l’art et le commerce de la porcelaine. Paris : impr. de A. – F. Didot, 1830.
- « Porcelaine ». In Encyclopédie moderne. Paris : de Courtin, 1830.
- Tableau de la distribution méthodique des espèces minérales suivies dans le cours de minéralogie fait au Muséum royal d’histoire naturelle en 1833. Paris : Librairie encyclopédique de Roret, 1833.
- Mémoires sur les kaolins ou argiles à porcelaines. Paris : Gide, 1839.
- Brongniart Alexandre, Malagutti François. – Mémoires sur les kaolins ou argiles à porcelaines. Paris : Gide, 1841.
- Traité des arts céramiques et des poteries, considérées dans leur histoire, leur pratique et leur théorie. Paris : Béchet jeune, Augustin Matthias, 1844, 2 vol. et atlas (592, 706, 80 p., LX pl.).Vol. 1 ; vol. 2 ; atlas.
- Brongniart Alexandre, Riocreux Désiré. – Description méthodique du Musée céramique de la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres. Paris : A. Leleux, 1845, 2 vol. et atlas (456, 8 p., LXXX pl.).
Articles
- « L’Art de l’émailleur sur métaux ». Annales de chimie, 1791, IX, p. 192-214.
- « Essai sur les couleurs vitrifiables obtenues des oxydes métalliques et fixées par la fusion sur les différents corps vitreux ». Journal des Mines, 1801-1802, XII, p. 58-80.
- « Sur un instrument analogue au pyromètre de Wedgwood ». Procès-verbal Inst., 16 mai 1803.
- « Note sur une couleur purpurine employée dans la peinture par impression sur les faïences fines ». Comptes rendus, 1836, II, p. 409-410.
Bibliographie critique sélective
- Livre du Centenaire de l’École Polytechnique (1794-1894), t. III, p. 205.
- Gran-Aymerich Ève. – Dictionnaire biographique d’archéologie, 1797-1945. Paris : CNRS, 2001.
- Omalius d’Halloy Jean-Baptiste-Julien. – Notice bibliographique sur la vie d’Alexandre Brongniart. Paris : impr. de L. Martinet, 1860.
- Launay Louis de. – Une grande famille de savants, les Brongniard. Paris : G. Rapilly et fils, 1940.
- Préaud Tamara, Ostergard Derek E. – The Sèvres Porcelain Manufactory. Alexandre Brongniart and the Triumph of Art and Industry, 1800-1847. New-Haven, Londres : Yale University Press, 1997 (liste détaillée des différentes publications dans les différents domaines d’activité de Brongniart).
- Dubus Michel, Pannequin Béatrice. – La Céramique française sous l’Empire à travers l’Enquête des préfets (1805-1810). « Notes et Documents des musées de France », n° 33. Paris : Réunion des Musées Nationaux, 1999.
- Préaud Tamara. – « Alexandre Brongniard and the German Manufactories : Exchanges and Travels 1800-1847 ». In Samuel Wittwer, dir. Refinement and Elegance, Early Nineteenth-Century Royal Porcelain from the Twinight Collection. New York, Munich : Hirmer, 2007.
Sources identifiées
Sèvres, Archives de la manufacture nationale de Sèvres
- Archives largement dépouillées, en particulier par Tamara Préaud, et listées au chapitre 2 du catalogue d’exposition : Préaud Tamara, Ostergard Derek E. – The Sèvres Porcelain Manufactory. Alexandre Brongniart and the Triumph of Art and Industry, 1800-1847. New-Haven, Londres : Yale University Press, 1997
En complément : Voir la notice dans AGORHA