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BLONDEL, Spire
Mis à jour le 2 décembre 2008(9 mai 1836, Merlerault [Orne] – 1er janvier 1900, Cesy [Yonne])
Auteur(s) de la notice :
FAVREL Hélène
Profession ou activité principale
Historien d’art, critique
Sujets d’étude
Arts pendant la Révolution française, arts décoratifs, techniques, collections, musique, histoire de la mode
Carrière
1860 : entrée à la Revue des beaux-arts
1878-1886 : collaborateur à la Gazette des Beaux-Arts
1879 : participation à la rédaction du Dictionnaire encyclopédique et biographique de l’industrie et des arts d’Eugène-Oscar Lami
Membre correspondant de la Société française de numismatique et d’archéologie
Étude critique
C’est uniquement par ses écrits que nous connaissons aujourd’hui Spire Blondel, dont la vie publique reste obscure. Collaborateur à la Gazette des Beaux-Arts pendant une dizaine d’années (1878-1886), il semble s’être fait un nom dans le milieu de l’édition et laisse une production littéraire assez abondante, tournée vers les arts, mais très variée dans ses sujets. Lui-même collectionneur d’objets et d’œuvres d’art, semble-t-il, Blondel arpente les collections publiques ou privées et se sert de ses visites pour nourrir ses articles, suivant ainsi son goût pour la collection, qu’il considère comme le « commencement de la philosophie » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 387). Les collections qu’il trouve les plus admirables, de grande renommée ou insolites, lui servent de base pour ses études – comme la collection de pipes du baron de Watteville pour son ouvrage sur l’histoire du tabac publié en 1891 – ou bien sont présentées comme modèle à suivre pour leur qualité ou leur excellente présentation. Pour Blondel en effet, la fréquentation et/ou la constitution d’une collection d’œuvres ou d’objets d’art se doit d’occuper une place importante dans la vie d’un individu, dans sa formation, sa vie privée et sa vie publique. En dehors des études classiques, il invite ainsi les jeunes gens et les personnes plus âgées à développer leur goût et leur curiosité au contact des chefs-d’œuvre de l’art, persuadé de voir ainsi se développer dans la société « le sens artistique et la passion des belles choses » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 387).
En outre, Blondel attribue à l’art un véritable pouvoir de sociabilité en affirmant que « rien ne rend les hommes plus sociables, n’adoucit plus les mœurs, ne perfectionne plus la raison, que de se rassembler pour goûter ensemble les plaisirs purs de l’art et de l’esprit » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 364). Par conséquent, il défend l’ouverture des musées pour tous et incite ses semblables, dans sa Grammaire de la curiosité publiée en 1884, à constituer une collection au sein de leur demeure et à l’enrichir. Ouvrage à mi-chemin entre le manuel pratique de gestion d’une collection et le traité d’esthétique, celui-ci s’inscrit dans la lignée de la Grammaire des arts décoratifs de Charles Blanc, parue en 1882, et de la Grammaire de l’ameublement de Henry Havard, publiée en 1884. Dans ce volume, destiné à servir de guide à ses contemporains désireux de « cultiver leur goût », Blondel apporte des conseils quant à la présentation, au sein d’une collection ou d’un intérieur, des objets d’art qui, « quelque magnifiques, quelque luxueux, quelque précieux qu’ils puissent être, perdent toute leur valeur décorative s’ils ne sont pas groupés avec goût, ordre et symétrie » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 356). Il y fait également des recommandations relatives au nettoyage et à la restauration des objets. Comme Charles Blanc, il souligne la nécessité d’accorder une grande importance à la décoration du « foyer domestique ». En effet, des œuvres et des objets d’art agencés avec goût sont pour lui capables de « nous attache[r] » à ce lieu de formation, de socialisation et de repos. Source de délassement, « satisfaction pour les yeux », « réconfort pour l’âme » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 356), la collection est pour Blondel le compagnon indispensable de toute une vie. Enfin, il offre à ses lecteurs des informations historiques et esthétiques sur les matériaux et les techniques, destinées à servir de base à leur étude des collections. Ainsi, il incite les amateurs d’art et les collectionneurs à agrandir « le cercle de [leurs] connaissances » afin d’acquérir « avec l’érudition, la théorie du mécanisme des arts » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 6).
Si Blondel s’intéresse aux œuvres d’art, c’est moins pour leur beauté propre que pour leur valeur sociale d’une part, en tant que moyen d’intégration et d’accomplissement de l’homme dans la bonne société, et esthétique d’autre part, en tant que témoignage du travail d’un artiste, en tant que reflet d’une technique artistique et du goût d’une époque. De ce fait, plus qu’un historien d’art, Spire Blondel est un amateur curieux de tout : arts décoratifs, mode, musique, histoire des techniques et des matériaux sont autant de sujets qui parcourent son œuvre. Sa production est éclectique et semble bien se revendiquer comme telle. Pour Blondel en effet, « le véritable amateur […] fait profession d’éclectisme, c’est-à-dire ne se borne pas à admirer les chefs-d’œuvre d’une école ou d’une époque, [mais] sait admirer sans réserve toute œuvre relevant d’une pensée ou d’un travail d’artiste » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 6).
Outre sa Grammaire de la curiosité, deux de ses ouvrages sont particulièrement remarquables. Publiée en 1875, l’Histoire des éventails est sans doute son écrit le plus original puisque aucune étude complète sur ce sujet n’a encore paru à cette date. Dans ce long ouvrage agrémenté de reproductions, Blondel retrace l’histoire de l’éventail depuis l’Antiquité, mais expose aussi ses réflexions sur les fonctions de l’éventail, ses différentes utilisations, son rôle social. Il dresse également un panorama des sujets représentés, des artistes peintres, des commanditaires et propriétaires des plus belles pièces. Comme dans le reste de son œuvre, il décrit avec minutie les méthodes de fabrication et les matériaux utilisés. Cet ouvrage témoigne de son goût pour la mode et son histoire à laquelle il applique une lecture tout autant artistique qu’historique en démontrant, ici comme dans son étude sur le costume pendant la Révolution, que les tenues vestimentaires et leurs accessoires sont le reflet du goût esthétique de chaque époque et qu’ils sont intimement liés à l’art.
L’Art pendant la Révolution, édité en 1888, fait suite à la parution d’un article intitulé « Arts décoratifs pendant la Révolution », en 1884. Publié en pleine période de l’affirmation de la IIIe République, cet ouvrage est l’occasion pour Blondel de se présenter en républicain convaincu, défenseur de la Révolution française, pourfendeur de Napoléon et de l’Empire. Suivant les conclusions de Jules Renouvier dans son Histoire de l’art pendant la Révolution parue en 1863, il y souligne, par l’énumération de toutes les grandes réalisations artistiques de la période, l’héritage de la Révolution française sur le plan artistique. Sans nier ses méfaits, il affirme que « la première République n’a pas été moins féconde en grands talents que les siècles monarchiques précédents » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 305) et, s’élevant contre les théories de Quatremère de Quincy, que la période révolutionnaire n’a pas été « une sorte de lacune, un désert stérile pour l’histoire des arts » (L’Art intime et le goût en France. Grammaire de la curiosité, Paris : E. Rouyere et G. Blond, p. 306). Peu innovant, l’ouvrage reprend ici les théories énoncées vingt ans plus tôt déjà par Renouvier, mais tente pourtant de se poser en ouvrage de référence. À travers ce travail de vulgarisation, Blondel cherche à offrir au public d’amateurs « curieux, instruits et intelligents » qu’il cherche à toucher, une étude construite à partir des dernières avancées de la recherche, structurée et simplifiée de façon à être accessible au plus grand nombre.
La production littéraire de Blondel, bien que variée dans ses sujets, reste peu innovante et parfois redondante dans la mesure où le contenu de ses ouvrages reprend souvent en partie celui de ses articles et inversement, mais elle traduit par là même la volonté de vulgarisation qui l’anime. Cette contribution modeste de Blondel à l’histoire de l’art témoigne néanmoins de cette croyance des intellectuels de la IIIe République aux valeurs de l’art et en ses bienfaits pour la société.
Hélène Favrel, chargée de projets Patrimoine
Principales publications
Ouvrages et catalogues d’expositions
- Recherches sur les couronnes de fleurs. Paris : E. Leroux, 1869, 118 p. Rééd. 1876.
- Histoire des éventails chez tous les peuples et à toutes les époques, suivi de notices sur l’écaille, la nacre et l’ivoire. Paris : H. Longes, 1875, 336 p.
- Le Jade, étude historique, archéologique et littéraire sur la pierre appelée Yû par les Chinois. Paris : E. Leroux, 1875, 30 p.
- Recherches sur les bijoux des peuples primitifs. Temps préhistoriques. Sauvages, Mexicains et Péruviens. Paris : E. Leroux, 1876, 43 p.
- L’Art intime et le Goût en France. Grammaire de la curiosité. Paris : E. Rouyere et G. Blond, 369 p.
- L’Art pendant la Révolution. Beaux-arts, arts décoratifs. Paris : H. Laurens, 1888, 306 p.
- L’Art capillaire dans l’Inde. Paris : E. Le roux, 1889.
- Les Outils de l’écrivain. Paris : H. Laurens, 232 p.
- Le Tabac. Le livre des fumeurs et des priseurs. Préf. du baron Oscar de Watteville. Paris : H. Laurens, 296 p.
Articles
- « Les Éventails musicaux ». La Chronique musicale, 1er septembre 1874, V, p. 220-224.
- « Les Castrati ». La Chronique musicale, 1877.
- « La Perspective dans les beaux-arts de l’Antiquité ». Gazette des Beaux-Arts, janvier 1878, t. XVII, p. 28-43.
- « Histoire anecdotique du piano ». La Revue britannique, octobre 1880, 48 p.
- « Histoire anecdotique de l’orgue ». La Revue britannique, mars 1881, p. 85-123.
- « Collections Spitzer : les cires ». Gazette des Beaux-Arts, octobre 1881, t. XXIV, p. 289-296.
- « Les Modeleurs en cire, premier article ». Gazette des Beaux-Arts, mai 1882, t. XXV, p. 493-504.
- « Les Outils de l’écrivain : le crayon, la règle… ». Le Livre, revue du monde littéraire, juillet 1882, p. 210-215.
- « Les Modeleurs en cire, deuxième article ». Gazette des Beaux-Arts, septembre 1882, t. XXVI, p. 259-272.
- « Les Modeleurs en cire, troisième et dernier article ». Gazette des Beaux-Arts, novembre 1882, t. XXVI, p. 429-439.
- « Les Outils de l’écrivain : la plume, le canif, le grattoir ». Le Livre, revue du monde littéraire, décembre 1882, p. 366-380.
- « Les Arts décoratifs pendant la Révolution ». La Revue libérale, janvier 1884, VI, p. 90-107.
- « Les Outils de l’écrivain : l’encre, les encriers ». Le Livre, revue du monde littéraire, août 1884, p. 250-265.
- « La Dinanderie ». Gazette des Beaux-Arts, août 1884, t. XXX, p. 160-170.
- « La Damasquinerie ». Gazette des Beaux-Arts, septembre 1884, t. XXX, p. 269-278.
- « Les Cuirs dorés ». Gazette des Beaux-Arts, septembre 1886, t. XXXIV, p. 226-238.
- Bourgeois Armand. – Voyage autour de l’appartement d’une grande dame au XVIIIe siècle. Préf. de Spire Blondel. Épernay : Bonnedame fils, 1886.
Bibliographie critique sélective
- Blumer Marie-Louise. – « Blondel Spire ». In Prévost Michel et Roman d’Amat Jean-Charles. – Dictionnaire de biographie française. Paris : Librairie Letouzey et Ané, 1954, t. VI, p. 708.
- De Gubernatis Angelo. – Dictionnaire international des écrivains du jour. Florence : L. Nickelai, 1888-1891, t. I, p. 333.
- Oursel, Noémie Noire – Nouvelle Biographie normande. Paris : A. Picard, 1886, t. I, p. 262.
Sources identifiées
Paris, Bibliothèque nationale de France, département de la musique
Lettres de Spire Blondel à Arthur Heulhard (directeur de La Chronique musicale), Paris, 8 juillet 1873, 30 janvier 1874, 31 mai 1874 et 12 novembre 1880 (VM BOD 19942)