Une femme moderne

Pour l’exposition universelle qui se tient à Chicago en 1893, elle réalise une fresque (aujourd’hui disparue) appelée La Femme moderne, allégorie constituée de trois panneaux : Jeunes femmes poursuivant la gloire, Jeunes femmes récoltant les fruits de la connaissance, Jeunes femmes incarnant l’Art, la Musique et la Danse, destinée à orner le hall d’honneur du « pavillon de la Femme », célébrant ainsi le récent épanouissement des femmes dans les arts et les sciences.

Mary Cassatt, Femme moderne, décoration du tympan nord du Pavillon des femmes de l'Exposition universelle de Chicago en 1893. Dans The book of the Fair / Hubert H. Bancroft (p.263). Chicago 1893
Mary Cassatt, Femme moderne, décoration du tympan nord du Pavillon des femmes de l’Exposition universelle de Chicago en 1893. Dans The book of the Fair / Hubert H. Bancroft (p.263). Chicago 1893

Les thématiques présentes dans cette fresque se retrouvent dans plusieurs de ses gravures à l’aquatinte en couleurs présentes dans le Cabinet d’estampes de Jacques Doucet, comme L’Espalier ou La leçon de banjotoutes deux prêtées au Musée Jacquemart-André.

Parties centrale et droite de la fresque Femme moderne, décoration du tympan nord du Pavillon des femmes de l'Exposition universelle de Chicago en 1893 / Mary Cassatt.
Parties centrale et droite de la fresque Femme moderne, décoration du tympan nord du Pavillon des femmes de l’Exposition universelle de Chicago en 1893 / Mary Cassatt.

Á gauche : Mary Cassatt, L'espalier [épr.b] vers 1894, eau-forte, pointe sèche, vernis mou et aquatinte en couleurs. [Bibliothèque de l'INHA, collection Jacques Doucet : EM CASSATT 8b]. Á droite : Mary Cassatt, La leçon de banjo vers 1893, Eau-forte, Pointe sèche, aquatinte en couleurs avec rehauts de couleur au pinceau. Impression sur papier bleu clair. [Bibliothèque de l'INHA, collection Jacques Doucet : EM CASSATT 9b]
Á gauche : Mary Cassatt, L’espalier [épr.b] vers 1894, eau-forte, pointe sèche, vernis mou et aquatinte en couleurs. [Bibliothèque de l’INHA, collection Jacques Doucet : EM CASSATT 8b]. Á droite : Mary Cassatt, La leçon de banjo vers 1893, Eau-forte, Pointe sèche, aquatinte en couleurs avec rehauts de couleur au pinceau. Impression sur papier bleu clair. [Bibliothèque de l’INHA, collection Jacques Doucet : EM CASSATT 9b]

En 1898, elle se rend aux États-Unis, pour la première fois depuis 1875, afin de visiter les expositions consacrées à ses œuvres à New York mais aussi à Philadelphie et Boston. En 1901, elle voyage en Italie et en Espagne, avec le couple Havemeyer pour les aider à réunir des tableaux de maitres anciens. Ambroise Vollard, dont on sait le goût pour les arts graphiques et l’estampe, reconnut très tôt l’extraordinaire qualité technique de ses gravures et la modernité de son travail. C’est en 1905, que Mary Cassatt commence à travailler avec lui. Il acquiert certaines de ses œuvres précoces ainsi que de nombreuses estampes.

En 1910, avec son frère Gardner et les siens, elle parcourt l’Europe et visite Constantinople et l’Égypte. Le banquier américain, James Stillman acquiert une importante collection de ses œuvres. En 1913, Achille Segard publie le premier ouvrage relatif à l’artiste Un peintre des enfants et des mères, Mary Cassatt.

 Achille Segard, Un peintre des enfants et des mères, Mary Cassatt. Paris : P. Ollendorff, 1913 [Bibliothèque de l’INHA, collection Jacques Doucet : 8 D 1885]
Achille Segard, Un peintre des enfants et des mères, Mary Cassatt. Paris : P. Ollendorff, 1913 [Bibliothèque de l’INHA, collection Jacques Doucet : 8 D 1885]

Degas, son grand ami, meurt en 1917 et sa collection d’art est vendue en 1918 en majeure partie à des collectionneurs américains. En 1920, à la mort de sa belle-sœur, la collection de son frère Alexander est vendue et nombre des œuvres précoces de Mary sont à nouveau sur le marché, donnant un nouvel élan à sa gloire.

Entre 1921 et 1925, la mauvaise vue de Mary Cassatt l’empêche de travailler mais elle continue à visiter les expositions et à recevoir, tant à Paris que dans son château de Beaufresne, vaste demeure du XVIIe siècle sis sur la commune de Ménil-Théribus dans l’Oise, acquise en 1893 auprès du Comte de Grasse, cousin français d’une autre famille de Philadelphie. Dans la dépendance donnant sur l’étang, elle y avait installé une presse à imprimer. Plusieurs de ses tableaux ou estampes, comme Le repas des canards prêté à l’exposition du Musée Jacquemart-André, se situent dans ce coin de nature.  Elle meurt en 1926 à 83 ans.

Mary Cassatt, Le repas des canards,vers 1895, pointe sèche, vernis mou et aquatinte en couleurs [Bibliothèque de l’INHA, collection Jacques Doucet : EM CASSATT 13]
Mary Cassatt, Le repas des canards,vers 1895, pointe sèche, vernis mou et aquatinte en couleurs [Bibliothèque de l’INHA, collection Jacques Doucet : EM CASSATT 13]

Sept expositions commémoratives sont alors organisées aux États-Unis et à Paris et beaucoup de collectionneurs, qu’elle a conseillés, commencent à faire don de leurs collections à des musées. En 1929, son amie Havemeyer lèguera au Metropolitan Museum of Art de New York la plus grande partie des Manet et Degas que Mary avait fait entrer dans ses collections. L’influence de Mary Cassatt est donc déterminante dans la diffusion de l’impressionnisme aux États-Unis. Le succès de la grande exposition Works in Oil and Pastel by the Impressionists of Paris organisée par Durand-Ruel dès 1886 à New York (300 toiles) imposa définitivement ce courant pictural en Amérique du Nord.

Les estampes de Jacques Doucet ont toutes été données à l’Université de Paris en même temps que sa bibliothèque en 1918 et ont intégré la bibliothèque de l’INHA depuis sa création en 2002.

Jacques Doucet, Nélie Jacquemart, Edouard André, Mary Cassatt… On ne saurait trop admirer la générosité de ces êtres qui, bien que privés de descendance, employèrent leur existence à transmettre à l’humanité leur amour du beau.

Nathalie Muller, service du patrimoine

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