Le 15 avril 1764, la marquise de Pompadour décède à 42 ans dans ses appartements du château de Versailles. Son corps est rapatrié à l’hôtel d’Evreux (futur palais de l’Elysée) ainsi que tout ce qui lui avait appartenu. Elle est inhumée deux jours plus tard sans cérémonie.

Ses biens étant immenses et ses propriétés multiples, il est nécessaire de dresser un inventaire pour faciliter la succession. Celui-ci durera plus d’un an, de juin 1764 à juillet 1765. Deux copies sont réalisées pour ses légataires : une pour son frère, le marquis de Marigny (1727-1781), une autre pour son cousin, Poisson de Malvoisin.

C’est cette première copie (Ms 6) qui sera finalement acquise par Jacques Doucet (1853-1929) pour la Bibliothèque d’art et d’archéologie en 1908 à la vente posthume du collectionneur Paul Leroi (1825-1907).

À gauche : Maurice Quentin de La Tour, La marquise de Pompadour, pastel sur papier marouflé sur toile, vers 1749-1755, Source : Wikimedia Commons. À droite : Succession de Madame de Pompadour, vol. 1, 1764, bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet, MS 6 (1). Cliché INHA
À gauche : Maurice Quentin de La Tour, La marquise de Pompadour, pastel sur papier marouflé sur toile, vers 1749-1755, Source : Wikimedia Commons. À droite : Succession de Madame de Pompadour, vol. 1, 1764, bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, MS 6 (1). Cliché INHA

Outre le fait que la marquise de Pompadour était une grande collectionneuse (meubles, porcelaines, bijoux, argenterie…), elle possédait une bibliothèque remarquable qui comportait à sa mort plus de 11 000 imprimés. Ceci explique sans doute le fait que son inventaire ait été extrêmement sommaire (50 pages dans le Ms 6). En effet, « seuls sont énumérés les lots de 25 à 40 volumes identifiés par un seul ouvrage. » (Cordey)

La bibliothèque fut dispersée en vente publique entre le 3 juin et le 26 juillet 1765. Pour ce faire, un catalogue de la vente fut établi par le libraire-expert Hérissant (1704-1772) sur la base des fiches du bibliothécaire de la Pompadour, l’abbé de la Garde (1710-1767). Il comporte 3525 lots d’imprimés et de manuscrits (répartis en 5 catégories : théologie, jurisprudence, sciences et arts, belles-lettres, histoire), 235 lots d’œuvres musicales et 36 lots de recueils d’estampes. La bibliothèque de l’INHA en possède désormais un exemplaire en provenance de la Bibliothèque centrale des musées nationaux (BCMN) (RES 8 T 0593).

Jusqu’à présent, un seul ouvrage était identifié comme provenant de la bibliothèque de la Pompadour. Il s’agit de L’Entrée triomphante de Leurs Majestez Louis XIV […] et Marie-Thérèse d’Austriche […] (Fol RES 490, lot n° 2885 dans le catalogue Hérissant) qui a déjà fait l’objet d’un article sur ce blog et qui est consultable sur notre bibliothèque numérique.

L’intégration en 2016 des collections de la BCMN a été l’occasion de faire un recensement exhaustif de toutes les reliures armoriées provenant de celle-ci. Les armes « d’azur à trois tours d’argent maçonnés de sable » de  la Pompadour étant facilement repérables, ce sont effectivement 57 ouvrages supplémentaires qui ont intégré les collections de l’INHA : les 21 premiers tomes (hormis le 2) de L’Histoire de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres (RES 4 X 0001, n° 3385) et 35 volumes de La galerie agréable du monde (RES Fol. U 0064, n° 2396) ainsi que 2 ouvrages isolés, La gallerie des femmes fortes de Pierre Le Moyne édité en 1647 (RES 6 U 0001, n° 3478) et Les ruines des plus beaux monuments de la Grèce de Julien David Le Roy édité en 1758 (RES Gr. Fol. BA 0136, n° 3361).

À gauche : Julien David Le Roy, Les ruines des plus beaux monuments de la Grèce, 1758, bibliothèque de l'INHA, collections BCMN, RES Gr. Fol. BA 0136. Cliché INHA. À droite : La galerie agréable du monde, 17??, bibliothèque de l'INHA, collections BCMN, RES Fol. U 0064. Cliché INHA
À gauche : Julien David Le Roy, Les ruines des plus beaux monuments de la Grèce, 1758, bibliothèque de l’INHA, collections BCMN, RES Gr. Fol. BA 0136. Cliché INHA. À droite : La galerie agréable du monde, 17??, bibliothèque de l’INHA, collections BCMN, RES Fol. U 0064. Cliché INHA

Saisis durant la Révolution, ces ouvrages faisaient partie de la bibliothèque des Menus Plaisirs du Roi à Versailles. En effet, lors de la vente de 1765, l’abbé de la Garde avait racheté une partie de la bibliothèque puis l’avait revendue aux Menus Plaisirs. Deux procès-verbaux de Prairial et Messidor an V (juin 1797) les mentionnent dans la liste des ouvrages remis au Musée central des arts, futur Musée du Louvre pour la création d’une bibliothèque. Bibliothèque qui deviendra 130 ans plus tard la Bibliothèque des musées nationaux.

Ces quelque 60 ouvrages ne représentent qu’un maigre échantillon de l’impressionnante bibliothèque de la Pompadour mais il laisse entrevoir son érudition et sa curiosité. En 1745, Voltaire (1694-1778) dira d’elle : « Elle a plus lu à son âge qu’aucune vieille dame du pays… » Née en 1721, la toute récente marquise n’avait alors que 23 ans…

En savoir plus

13 volumes du Journal des sçavans correspondant aux années 1757 et 1758 (RES 4 X 0192, n° 3403) ont un temps posé question. Les armes apposées sur la reliure présentent des similitudes avec celles de la Pompadour (la couronne et les trois rectangles assimilables à trois tours) mais aussi des différences (les trois étoiles et deux aigles en lieu et place de deux griffons). Or le catalogue Hérissant mentionne effectivement un lot de ce périodique comportant 278 volumes mais édités entre 1665 et… 1752. Ces 13 volumes ne proviendraient donc pas de la bibliothèque de la Pompadour. Leur provenance ? Nous l’ignorons toujours…

Références bibliographiques

Stéphane Rouault, service de l’informatique documentaire