Vous, en quelques mots ?
Je m’appelle Thomas Golsenne et je suis historien de l’art. J’ai été professeur d’histoire de l’art, aussi bien dans des écoles d’art qu’à l’université, et cela fait deux ans que j’ai rejoint l’Institut national d’histoire de l’art.
Que faites-vous à l’Institut national d’histoire de l’art ?
À l’INHA, j’occupe la fonction de rédacteur en chef de la revue Perspective. Créée en 2006, cette revue avait pour ambition de proposer un véritable espace scientifique consacré à l’histoire de l’art. Elle interroge la discipline elle-même : ses méthodes, son histoire, mais aussi les confrontations entre différentes approches et analyses. C’est une revue qui accorde une large place aux débats, car ceux-ci témoignent de la vitalité de la discipline.
Comment la revue Perspective s’inscrit-elle dans les grands débats contemporains à travers le choix de ses thématiques ?
Dès l’origine, la revue souhaitait publier des articles constituant des bilans historiographiques, mais aussi des recherches en cours, susceptibles de développer de nouvelles méthodologies et de nouvelles approches de l’histoire de l’art. Une autre dimension importante consiste à examiner comment cette discipline s’inscrit dans l’ensemble des sciences humaines et sociales, et ce qu’elle peut apporter aux enjeux contemporains. C’est, à mon sens, tout le sens du titre Perspective : il s’agit de réfléchir au point de vue que l’histoire de l’art peut porter sur les débats et les problèmes actuels.
Un objet, une image, une personnalité qui vous inspire en tant qu’historien de l’art ?
La lecture du livre de Georges Didi-Huberman, Devant l’image, a profondément bouleversé ma manière d’aborder l’histoire de l’art. Il y proposait une réflexion sur ce qu’est la discipline elle-même. L’idée selon laquelle l’histoire de l’art se limiterait à un décryptage m’est alors apparue comme une idéologie : une manière d’aborder les œuvres qui risquait de les épuiser, en les réduisant à un langage crypté.
Et peut-être que ce qui rend les images, et plus généralement les œuvres d’art visuel, réellement intéressantes, c’est qu’il y a quelque chose de plus, quelque chose qui ne peut pas être réduit à un langage, ou en tout cas à un langage articulé, quelque chose qui reste purement visuel.
Un souvenir marquant face à l’art ?
J’ai consacré ma thèse au peintre vénitien du XVe siècle Carlo Crivelli, dont l’une des particularités est d’intégrer un concombre dans un tableau sur deux. Pour moi, ce concombre constitue avant tout une signature : l’expression d’un désir qui traverse son style. Il recherche constamment l’originalité, comme s’il déclarait implicitement : « Voilà, c’est moi, Carlo Crivelli, qui vous offre ce concombre, c’est-à-dire mon art. »