1) Vous, en quelques mots ?

Je suis professeure d’histoire de l’art à Northwestern University. Je travaille principalement dans deux domaines de l’histoire de l’art : l’art européen de la première modernité et l’art depuis 1960, avec un intérêt particulier pour l’art et la politique. Je suis états-unienne, née dans l’État de New York, et j’ai grandi dans le Maine (à côté du Québec et avec une grande population franco-américaine). J’ai fait mes études à Harvard et à Chicago et mes recherches de thèse en grande partie à Paris. À Northwestern, je dirige le programme doctoral en histoire de l’art et je suis aussi présidente élue du Sénat des professeurs de l’université. En 2024, j’ai publié chez Chicago un livre qui s’intitule Temporary Monuments : Art, Land, and America’s Racial Enterprise.

2) Que faites-vous à l’INHA ?

J’ai eu l’opportunité de passer un mois à l’INHA dans le cadre du projet AORUM (Analyse de l’OR et de ses Usages comme Matériau pictural), dont je suis membre du comité consultatif. Avant même que le projet ne soit hébergé à l’INHA, Romain Thomas m’a invitée à participer au comité scientifique du premier colloque du projet, grâce au travail que j’avais fait sur l’or dans ma thèse (devenue mon premier livre, Blood, Milk, Ink, Gold : Abundance and Excess in the French Renaissance, Chicago 2025), et ensuite dans Gold : Nature and Culture (Reaktion, 2016), un livre de synthèse que j’ai coécrit avec Michael Phillips. Cette année, le statut de chercheuse invitée à l’INHA m’a permis de participer au séminaire AORUM, ainsi qu’à l’école d’été, dont je donnerai la conférence de clôture. Cela me donne aussi la possibilité de mener des recherches personnelles en même temps et d’échanger avec l’équipe. Cela tombe bien puisque les recherches que je fais à présent sont en partie liées aux problématiques du programme AORUM.

3) Comment votre sujet de recherche peut-il contribuer à notre compréhension de la société contemporaine ?

Pour la conférence de clôture de l’école d’été AORUM, je présente mon travail sur la confrontation des différentes valeurs attribuées à l’or lors de l’invasion espagnole des Amériques. J’examine notamment la manière dont les caractéristiques assignées à l’or ont servi de prétexte à la violence, ainsi qu’à l’effacement de la souveraineté et de la mémoire culturelle. Même si ce n’est pas toujours par le biais de l’or, je pense que ces questions restent au cœur des enjeux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Ce n’est pas une idée nouvelle, mais il est toujours frappant de voir combien souvent les caractéristiques attribuées à l’« ennemi » constituent une projection des angoisses profondes présentes dans sa propre culture. Dans un sens plus large, je suis en train de terminer un livre sur l’idée de la nature « artiste » à la Renaissance (Spontaneous Objects : A Natural History of Art and its Others, prévu pour 2026 chez Penn State University Press), et j’espère que cela peut aider à revitaliser nos conceptions du monde extra-humain afin de développer une relation plus éthique avec la nature.

4) Un objet, une image, une personnalité qui vous inspire en tant qu’historienne de l’art ?

Je continue à être inspirée par le Wall of Respect de Chicago (1967), un projet issu du mouvement de libération noire, créé par un groupe d’artistes en collaboration avec la communauté, un projet artistiquement significatif qui a constitué une déclaration politique très forte.

5) Un souvenir marquant face à l’art ?

En ce moment, étant à Paris, je pense aux expériences que j’ai pu vivre il y a presque 40 ans lorsque j’ai passé une année en France comme lycéenne, par exemple des expositions au Centre Pompidou qui m’ont donné de nouvelles idées sur ce que pouvait être une exposition, en même temps que la visite de cathédrales gothiques m’a donné – dans un sens parallèle – un sens de l’art médiéval tout aussi immersif qu’une exposition d’avant-garde.