Aux origines du catalogue de vente

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le marché de l’art connaît un essor sans précédent en Europe, marqué par l’émergence des ventes publiques et des maisons de vente, d’abord à Amsterdam, puis à Paris et à Londres. Un document accompagne les ventes les plus prestigieuses : le catalogue. Rédigés par des experts ou des commissaires-priseurs, ces fascicules décrivent les différents lots proposés. Encore rares avant 1750, ils connaissent un développement phénoménal dans la seconde moitié du siècle : certains marchands célèbres, comme Le Brun, Gersaint ou Mariette en ont rédigés plusieurs centaines, à l’occasion de la dispersion d’une collection célèbre ou d’un atelier d’artiste.


Edme-François Gersaint, Catalogue raisonné (…) dans le Cabinet de feu M. le Chevalier de La Roque, 1745, bibliothèque de l’INHA, VP 1745/4. Cliché INHA.

Un document pour l’histoire de l’art : la constitution de la collection Jacques Doucet

Lorsqu’il fonde la Bibliothèque d’art et d’archéologie, Jacques Doucet souhaite rassembler un ensemble de documents utiles aux historiens de l’art : il identifie immédiatement les catalogues de vente comme une source précieuse pour la recherche et en acquiert en grand nombre. En 1897, notamment, il achète lors de la vente du baron Jérôme Pichon un ensemble considérable de ces fascicules. En 1925, la collection compte déjà 40 000 volumes. Aujourd’hui, elle en comporte plus du quadruple, c’est à dire plus de 160 000, parmi lesquels 8 catalogues du XVIIe siècle, 1 207 du XVIIIe siècle, 18 000 du XIXe siècle, le reste concernant les XXe et XXIe siècles. Cette abondance en fait le troisième fonds le plus important dans le domaine après les collections du Rijksbureau Kunsthistoriches Documentatie et du Getty Recherche Institute. L’apport de la BCMN augmentera les collections de plus 95 000 nouveaux items.

Si une partie de ces catalogues de vente est vierge de toute annotation, d’autres comprennent de précieuses remarques manuscrites : prix d’adjudication, acquéreurs, notes sur l’œuvre et parfois même illustration ! L’artiste Gabriel de Saint-Aubin s’était fait une spécialité de croquer dans les marges des fascicules, lors des ventes, les œuvres proposées à l’achat : il vendait ensuite ces recueils enluminés.

Les catalogues, qu’ils soient annotés ou non, renseignent le chercheur sur le commerce de l’art, documentent l’histoire du goût et des collections, permettent d’établir des provenances et des attributions.


Pierre-François Basan, Catalogue raisonné des différens objets de curiosités (…) qui composaient le cabinet de feu M. Mariette, 1775, bibliothèque de l’INHA, VP 1775/24. Cliché INHA

Depuis quelques années, la bibliothèque s’est lancée dans un vaste programme de numérisation de ses catalogues de vente, en concertation avec la BnF : l’intégralité des catalogues de vente des XVIIe et XVIIIe siècles est accessible sur la bibliothèque numérique, ainsi que certains livrets de 1914. La BnF prend en charge la numérisation de ceux du XIXe siècle : ce chantier est encore en cours.

Quelques outils pour la recherche sur les catalogues de vente anciens

Conscient de l’utilité des catalogues de vente pour les travaux des historiens de l’art, Frits Lugt entreprend un répertoire de ces documents. La collection Jacques Doucet, alors intégrée à la Bibliothèque d’art et d’archéologie, est sa principale source, qu’il complète dans de nombreuses autres bibliothèques. Son travail aboutit à la publication, à partir de 1938, du Répertoire des catalogues de ventes publiques intéressant l’art ou la curiosité.

catalogues de vente INHA
Catalogues de vente anciens en cours de traitement. Cliché Johanna Daniel.

Outil précieux et pionnier, le catalogue de Frits Lugt est aujourd’hui complété par plusieurs bases de données et catalogues en ligne consacrés aux ventes anciennes, dont la flexibilité est à même de répondre aux exigences des chercheurs. L’INHA propose l’accès à plusieurs d’entre elles, y compris celles accessibles sur abonnement. Un guide de la recherche a été conçu pour orienter les lecteurs au sein de ces ressources.

Perspectives contemporaines : les catalogues de vente aujourd’hui

La collection de catalogues de vente de l’INHA ne concerne pas uniquement les siècles passés : chaque année, la bibliothèque s’enrichit d’environ 1000 nouveaux fascicules, en provenance de l’hôtel Drouot, de Sotheby’s, de Christie’s et des hôtels de vente de région. Depuis quelques mois, un groupe de travail mène une réflexion sur les acquisitions et la conservation de ces catalogues de vente au niveau des bibliothèques parisiennes.

catalogues de vente marché de l'art INHA
Catalogues de vente récents en cours de traitement. Cliché Johanna Daniel.

De plus, la bibliothèque de l’INHA donne accès à quelques bases de données consacrées au marché de l’art contemporain, pour lesquelles elle dispose d’un abonnement : Artprice, Artkhade, Gordon’s Datastore. Le guide de recherche signale d’autres bases existantes, mais pour lesquelles la bibliothèque ne dispose pas d’accès.

Enfin, le service du dépôt légal du web, à la Bibliothèque nationale de France archive régulièrement les sites internet de maisons de vente françaises. Ces archives du web sont consultables sur accréditation, à la BnF et dans certaines bibliothèques partenaires.

Johanna Daniel, service du Patrimoine

En savoir plus