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Les catalogues de la Biennale de Venise à la bibliothèque de l’INHA
1934 et 1968 : le politique au coeur des pages de la Mostra
Les catalogues de la Biennale de Venise à la bibliothèque de l’INHA1934 et 1968 : le politique au coeur des pages de la Mostra
Depuis son ouverture le 6 mai, la 56e Mostra répond aux retentissements du « parón de casa »[1] par une programmation artistique où résonnent lectures, chants et musiques, aux échos résolument politiques. Le commissaire de cette édition, Okwui Envezor, s’est intéressé aux impacts et répercussions sociopolitiques produits par l’Histoire du 20e siècle sur la manifestation (cf. note d’intention). Pour que les choses soient claires, il donne le « LA » en imaginant une arène, conçue par l’architecte David Adjaye, où s’affrontent et s’entrechoquent une lecture en continu du Das Kapital de Karl Marx avec les œuvres performatives de quelques artistes sélectionnés.
Le caractère politique et engagé de cette édition est l’occasion de feuilleter deux catalogues historiques de la Mostra conservés dans les collections de la bibliothèque de l’INHA : l’édition de 1934 et celle de 1968. En effet, selon les humeurs de l’Histoire, la Mostra, dont la première édition remonte à 1895, a souvent été le théâtre de prises de positions politiques, que ce soit à l’initiative des artistes ou par le pouvoir institutionnel lui-même.
1934
XIXa Esposizione Biennale internazionale d’arte La Biennale est placée sous le signe du pouvoir fasciste et le ton autoritaire se reflète dans les pages du catalogue. Le règlement de participation et d’exposition à la Biennale apparait en première ligne, prenant l’allure d’un manifeste. Chaque étape y est détaillée : de la sélection des artistes, jusqu’aux consignes d’emballage des œuvres et à leurs conditions de vente. Le secrétaire général Antonio Maraini déclare dans la note d’intention qu’il s’agit « pour la première fois d’une exposition complète sur la peinture italienne du 19e siècle, puis de 1930, avec trente deux concours consacrés aux thèmes inspirés de la vie fasciste. L’exposition actuelle se lie donc idéalement à tout un programme de purification de l’art qui procède par degrés. […] le Duce nous montre inlassablement le nouvel ordre artistique. […] Le régime prépare l’avenir le plus sûr de l’art italien ». Hitler, de passage à Venise, visite cette Biennale accompagné du président Giuseppe Volpi et du secrétaire, mais cela ne semble pas assez radical pour satisfaire l’esthétique nazie. Il exprime son dégoût pour certaines œuvres qu’il considère « dégénérées » et s’arrête longuement dans le pavillon allemand pour contempler la sculpture d’athlète de Georg Kolbe.
Les éditions de 1934 et 1968 conservées à la bibliothèque de l’INHA
1968
Catalogo della XXXIV esposizione biennale internazionale d’arte Venezia Le slogan « Biennale des patrons / on brûlera tes pavillons! » résonne dans les Giardini. Les artistes et les étudiants manifestent pour refonder l’institution, on parle de « Biennale de recherche » ou encore de « Biennale ouverte ». Le président Giovanni Favaretto Fisca porte l’espoir de ce changement en déclarant dans la préface du catalogue : « On peut dire que la Biennale est comme un grand œil ouvert sur l’évolution de la problématique artistique dans le monde ; mais je crois que jamais autant que maintenant, celle-ci s’ouvre dans un climat de profonde transformation ». Il insiste ensuite sur le caractère autonome des commissions artistiques et la nature démocratique de l’institution. Les grands prix et bureaux de ventes hérités du fascisme sont abolis.
Et pour prolonger…1974
Le président Carlo Ripa di Meana transforme cette Biennale en lieu d’expression contre le fascisme et de manifestation de solidarité avec le Chili, victime en 1973 du coup d’état de Pinochet. Pour la première fois la Biennale s’étend à la ville et devient la plus grande protestation culturelle contre le dictateur. C’est d’ailleurs Ortensia Allende, veuve du président assassiné, qui, en tant qu’invitée d’honneur, inaugure la Biennale. Cette édition fut tellement particulière qu’on ne lui assigna pas de numéro romain, comme le veut la tradition, ni on ne publia de catalogue. A la place on fit circuler des fascicules photocopiés présentant chaque exposition ou spectacle.
[1] « Le maitre de maison », surnom donné au Campanile de la basilique Saint-Marc par les vénitiens.
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En savoir plus
– Angela Vettese, Clarissa Ricci, Starting from Venice : studies on the Biennale, Milan, Et al., 2010
– Paolo Rizzi, Enzo Di Martino, Storia della Biennale : 1895 – 1982, Milan, Electa, 1982
– Nancy Jachec, Politics and paintings at the Venice Biennale, 1948-64 : Italy and the idea of Europe, New York, Manchester University Press, 2007