L’incroyable collection Maciet

En 1887, Jules Maciet visite la bibliothèque de la toute jeune Union centrale des Arts décoratifs (UCAD), fondée quelques années plus tôt. Installée place des Vosges, la bibliothèque offre aux artisans et ouvriers du Faubourg Saint Antoine, tout proche, une abondante documentation susceptible de les inspirer.  La période est à l’encouragement des arts et de l’industrie, sur fond de rude concurrence européenne pour la suprématie commerciale : de part et d’autre de la Manche, sont créés de nouveaux musées, dont l’ambition est de fournir aux créateurs et manufacturiers des sources d’inspirations formelles et techniques. La bibliothèque de l’UCAD doit participer de ce mouvement, mais Jules Maciet observe qu’elle manque à son but, proposant aux lecteurs essentiellement des textes, et non des images, pourtant plus utiles pour la création.


Consultation des albums Maciet à la bibliothèque des Arts décoratifs, octobre 2015. Cliché Johanna Daniel

Fort de ce constat, Jules Maciet se lance dans une quête effrénée d’images : il collecte des milliers d’estampes et de photographies traitant des sujets les plus divers, qu’il classe thématiquement dans de grands recueils à reliure mobile. Son classement abolit la hiérarchie habituellement établie entre les types d’images : la carte postale côtoie l’illustration découpée dans un livre du XVIe siècle, l’étiquette de champagne voisine un burin du XVIIe siècle, la photographie se confronte au dessin.

Pour atteindre son but, celui de mettre à la portée des lecteurs un immense répertoire de formes, Maciet dépêche des correspondants traquer des images dans toute l’Europe. S’il conserve pieusement les petits papiers (étiquettes, papiers à en-tête, publicité) pour enrichir les collections, il investit également sa fortune personnelle dans des documents plus onéreux. Il lui arrive d’acheter en double des ouvrages, afin que les illustrations de l’un soit découpées pour rejoindre les recueils et que l’autre soit conservé intact pour l’érudition des lecteurs.

À sa mort, en 1911, la bibliothèque est riche de 4000 volumes. Mille nouveaux recueils viendront compléter la collection au cours du XXe siècle. Aujourd’hui, on estime à un million les images contenues dans les volumes Maciet.


Hommage à Jules Maciet, bibliothèque des Arts décoratifs, octobre 2015. Cliché Johanna Daniel

Les Albums Maciet aujourd’hui

À l’ère de Google image et des musées imaginaires que sont par exemple les tumblr, ces volumes qui tapissent les murs de la salle de lecture des Arts Décoratifs ne sont pas qu’un souvenir nostalgique, bien au contraire. Des étudiants en design, stylisme, création, continuent à copier les dessins et estampes qu’ils contiennent. Par souci de conservation, les volumes les plus consultés ont été numérisés et les documents les plus précieux sont retirés pour être placés dans des contenants plus adaptés. À cette occasion de véritables trésors ont été découverts : 1700 photographies d’Atget, plusieurs centaines de clichés de Durandelle.


Album Maciet, « Mode ». Source : Les Arts Décoratifs
 
Album Maciet, « Miroirs ». Source : Les Arts Décoratifs

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Johanna Daniel, service du patrimoine