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La charte documentaire de l’INHA, collections courantes et patrimoniales
La charte documentaire de l’INHA, collections courantes et patrimoniales
L’INHA vient de publier la charte documentaire de ses collections courantes et patrimoniales.
Les bibliothèques acquièrent continuellement de nouveaux documents, par don, comme par achat. Afin d’assurer la cohérence des collections et de répondre au mieux aux attentes des lecteurs à court et à long termes, les bibliothécaires rédigent et réactualisent régulièrement des chartes documentaires. Ces documents leur servent de guide dans leur travail d’acquisition et permettent aux utilisateurs de la bibliothèque de mieux connaître les grandes orientations du développement des collections.
Un peu d’histoire
La bibliothèque de l’INHA a pour mission première de développer des collections d’excellence destinées à la communauté scientifique nationale, dans les domaines de l’histoire de l’art, de l’archéologie et du patrimoine en complémentarité avec les autres établissements couvrant les mêmes domaines disciplinaires. La charte documentaire des collections courantes et patrimoniales a pour ambition de formaliser la politique documentaire du département de la bibliothèque et de la documentation en l’articulant au projet scientifique de l’établissement. Elle doit permettre également de mettre les choix d’acquisitions en adéquation avec la recherche en histoire de l’art, ses orientations observables dans les années récentes et celles qu’on peut anticiper des grandes tendances mondiales. La bibliothèque de l’INHA doit parallèlement prendre en compte le développement d’une offre numérique native en plein essor.
Historiquement, les collections sont composées de trois ensembles : la Bibliothèque d’art et d’archéologie (BAA), la Bibliothèque centrale des musées nationaux (BCMN) et les Archives de la critique d’art (ACA) à Rennes.
Imaginée et constituée par Jacques Doucet, la Bibliothèque d’art et d’archéologie a pour ambition à son origine de couvrir « l’art de tous les temps et de tous les pays ». Jacques Doucet s’attache également à développer une collection de livres anciens, et d’estampes et commence à constituer une photothèque. Après le transfert de ces collections à l’Université de Paris en 1918, les moyens varient sensiblement d’une époque à l’autre, et les collections sont développées par le dépôt légal, imprimeur d’abord puis éditeur, de 1926 à 2014, mais aussi par voie de dons, grâce notamment à la Société des Amis de la Bibliothèque d’Art et d’Archéologie. À partir de 1973, elle dispose également du legs de Clotilde Brière-Misme. Établissement de référence pour l’art et l’archéologie, elle bénéficie de financements spécifiques pour développer une documentation de niveau scientifique dans le cadre des centres d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique (CADIST), de 1980 à 2015, et maintenant du Groupement d’intérêt scientifique (GIS) CollEx-Persée.
Collections courantes
Les grands axes du pré-projet scientifique de l’établissement définis à partir de 2016 ont impulsé une dynamique nouvelle au développement de ces collections largement accessibles, souvent d’actualité, et permis une meilleure articulation de la politique documentaire à l’évolution actuelle de la recherche scientifique en histoire de l’art. La collaboration étroite entre le département des Études et de la recherche et le département de la Bibliothèque et de la documentation impose d’ajuster les choix d’acquisitions aux besoins des programmes de recherche portés par l’INHA et plus généralement aux évolutions de la discipline. Les thématiques couvertes par les acquisitions prennent amplement en compte aujourd’hui les enjeux d’une histoire de l’art et du patrimoine transnationale et non-occidentale en s’intéressant à des continents tels que l’Afrique, l’Amérique latine ou l’Asie, ainsi qu’aux enjeux d’une histoire de l’art en prise avec la société contemporaine. La politique de développement de la bibliothèque s’inscrit également dans une recherche de complémentarité avec les autres gisements documentaires accessibles, sauf dans les domaines d’excellence où l’on vise l’exhaustivité. Le développement du fonds s’effectue dans une volonté de présenter de manière diversifiée les formes de la création artistique, l’actualité de la recherche, les approches historiques et critiques successives, les études interdisciplinaires, la science des matériaux, la culture matérielle. Au fil du temps, des domaines d’excellence anciens ont parfois également été abandonnés, en partie ou en totalité, parce que couverts par d’autres institutions (on peut citer la numismatique et les arts du spectacle couverts par ailleurs par la BnF, l’ethnologie par la bibliothèque du musée du Quai Branly, l’Extrême-Orient, couvert par les bibliothèques des musées Guimet et Cernuschi, etc.). En revanche, lorsqu’un nouvel objet de recherche émerge dans le champ de l’histoire de l’art, comme la bande dessinée ou la mode, il y a quelques années, la bibliothèque s’efforce dans la mesure du possible de constituer un « ensemble » cohérent et d’en assurer la visibilité au sein des collections, libre accès en tête. Pour satisfaire aux missions qui sont les siennes, la bibliothèque collecte donc des publications sur toutes les régions du monde et toutes les époques. Les langues européennes les plus pratiquées par la majorité des usagers sont couvertes de manière prioritaire, viennent ensuite, pour les autres langues, les publications au moins partiellement bilingues ou en caractères latins, à l’exception des publications en russe, bien représentées dans les acquisitions.
En ce qui concerne le support numérique de plus en plus présent dans l’offre éditoriale, la bibliothèque tend à le substituer au support imprimé, dans la mesure du possible et à qualité de consultation égale, en particulier pour l’iconographie. L’offre en livres électroniques (e-books), en revues électroniques et autres publications numériques natives est progressivement étoffée et fait l’objet d’un signalement approprié dans le catalogue. La prise en compte des besoins des lecteurs distants et l’incapacité dans laquelle se trouvent de nombreuses bibliothèques sur le territoire à acheter des ouvrages en langues étrangères incitent également à confirmer cette orientation à l’avenir, sans qu’elle remette structurellement en cause la qualité de bibliothèque de conservation de l’établissement.
Collections patrimoniales
La rédaction d’une nouvelle charte documentaire des collections patrimoniales a été l’occasion d’analyser ces collections dans toute leur diversité. Elles comportent en effet à la fois livres anciens ou rares, archives, manuscrits, autographes, dessins, estampes, photographies, cartons d’invitation, etc. Elles couvrent une large période du XVe siècle à l’année en cours. La couverture géographique est quant à elle moins large : l’Europe occidentale, et essentiellement la France pour certains supports, est très majoritaire, l’Afrique et l’Asie étant partiellement représentées. La méthodologie suivie dans le travail d’acquisition (repérage, modalités de décision, circuits) a également été reprécisée, des critères réaffirmés ou redéfinis : les limites chronologiques qui empêchaient l’acquisition de documents récents pour certains supports sont abandonnées, les doublons avec d’autres collections publiques sont évités, la priorité est donnée aux sources originales, inédites, les ensembles sont privilégiés par rapport aux pièces isolées. Ces critères ont pour objectif d’éviter la redondance avec d’autres collections et de constituer des corpus de matériaux pour la recherche. Une approche plus transversale des collections a ainsi été définie.
Au premier abord, les collections patrimoniales sont en effet caractérisées par la diversité de leurs supports. L’organisation de la collection selon la typologie des documents est imposée le plus souvent par leur matérialité. Afin de mieux répondre à l’évolution de l’histoire de l’art et du patrimoine, aux programmes de recherche, et au développement des collections courantes, l’analyse des collections par support a été complétée dans le cadre de la charte par une analyse par thématique de recherche. Cette approche par thème ou par corpus constitue désormais le fil directeur des acquisitions patrimoniales. Les thèmes et corpus peuvent être regroupés ainsi : histoire de l’histoire de l’art, de l’archéologie et du patrimoine, de la critique d’art, des musées et collections publiques comme privées ; le marché de l’art et les sources sur les provenances, la circulation des œuvres, les échanges entre artistes et galeries, marchands ou éditeurs ; les artistes, leur formation et leurs réseaux ; la circulation de modèles et sources pour les artistes et artisans d’art (ornement, architecture, jardin, mode, fêtes, etc.).
Les axes de développement retenus s’appuient le plus souvent sur la poursuite ou la reprise de thématiques présentes dans les collections dès la création de la bibliothèque, mais la diversification des supports pour une même thématique permet maintenant de constituer un corpus, sinon le plus complet, du moins le plus représentatif possible, des sources disponibles sur une question donnée (c’est par exemple le cas pour les sources sur les fêtes).
Les nouvelles acquisitions sont également l’occasion de mettre en lumière des ensembles parfois peu exploités, en relation avec les chercheurs. La collaboration entre chercheurs et bibliothécaires permet ainsi de donner de nouvelles orientations aux acquisitions en fonction de programmes de recherche, mais aussi de proposer de nouveaux ensembles documentaires permettant de poursuivre ou initier des recherches.
Durant ces deux dernières années, la rédaction de chartes documentaires pour les collections courantes et les collections patrimoniales a permis de mener à bien une réflexion méthodologique sur le développement des collections et les pratiques d’acquisition. La définition d’une politique et sa formalisation servent non seulement de guide aux bibliothécaires dans leur travail quotidien, mais deviennent aussi un outil de communication à destination des éventuels donateurs ou fournisseurs, ainsi qu’un document de concertation avec les établissements conservant des collections similaires ou complémentaires. Commencées en 2018, des rencontres avec ces établissements se poursuivront encore en 2020, entre autres dans le cadre de la journée des bibliothèques d’art prévue le 23 mars 2020.
Caroline Fieschi
service du Patrimoine
Christophe Thomet
service Développement des collections