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La bibliothèque de l’École du Louvre fait sa mue
Entretien avec le responsable de la bibliothèque, Alexandre Asanovic
La bibliothèque de l’École du Louvre fait sa mueEntretien avec le responsable de la bibliothèque, Alexandre Asanovic
La bibliothèque de l’École du Louvre, située dans l’aile de Flore du palais, est sur le point d’être entièrement rénovée. C’est l’occasion d’évoquer avec son responsable, Alexandre Asanovic, le visage de cette bibliothèque d’école qui joue un rôle important en France en matière de formation à l’histoire de l’art.
Pouvez-vous nous présenter la bibliothèque de l’École du Louvre ?
La bibliothèque de l’École du Louvre est née avec l’École, fondée en 1882. Son implantation actuelle, dans l’aile de Flore du palais du Louvre, date quant à elle du milieu des années 1990. La bibliothèque comporte aujourd’hui une centaine de places assises, environ 60 000 documents et 150 titres de périodiques, dans les domaines de l’histoire de l’art, de l’archéologie, de la muséologie et dans une moindre mesure de l’ethnologie et de l’anthropologie. C’est une bibliothèque adossée aux enseignements de l’École, eux-mêmes très variés. Le premier cycle de l’École du Louvre embrasse l’ensemble de l’histoire de l’art tant européenne qu’extra-européenne, au moins au niveau initiation. La profondeur diachronique est également considérable puisqu’il couvre pratiquement toute l’histoire humaine, depuis la préhistoire jusqu’à l’art contemporain. Un matériau très varié donc, qui peine à tenir dans 60 000 documents !
Alexandre Asanovic, responsable de la bibliothèque de l’École du Louvre, 2021, cliché Julien Brault.
Quels publics accueillez-vous ?
La bibliothèque est presque exclusivement réservée aux élèves et aux enseignants de l’École du Louvre ainsi qu’aux élèves de la classe préparatoire au concours de conservateur du patrimoine. Nous sommes toutefois ouverts aussi sur rendez-vous et présentation d’un justificatif de recherche aux lecteurs extérieurs, notamment pour la consultation des travaux des élèves, master et 3e cycle (5 000 mémoires conservés).
Mais même avec ces conditions restrictives, cela représente plus de 1 500 inscrits par an, et l’un des problèmes récurrents pour les élèves de l’École est le manque de places assises. Leur plus forte demande à l’issue d’une enquête auprès des publics menée en 2018 a été l’augmentation de la jauge d’accueil : entre deux cours, il est commode pour eux de pouvoir venir, initier ou prolonger un travail. Ces réflexions ont conduit la direction de l’École à imaginer un projet de réaménagement qui a pu se concrétiser grâce à un mécénat de Majid Boustany. De mai à octobre 2021 vont donc avoir lieu des travaux de réaménagement qui porteront en grande partie sur une redéfinition des espaces de la bibliothèque.
La salle de lecture actuelle de la bibliothèque de l’École du Louvre, 2019, cliché OPPIC.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet de transformation des espaces ?
Le projet a été confié à un cabinet d’architectes de Lille, l’Atelier Hart Berteloot, qui possède une solide expérience de réaménagement d’espaces et est déjà intervenu en lecture publique. Nous avons avec eux un vrai dialogue : ils ne sont pas là seulement pour faire un geste architectural.
Le premier principe de cette rénovation, c’est d’augmenter les places (on passe de 100 à 140 places assises) et de créer encore 20 places assises de type « auditorium », dans des postures moins formelles et pour des durées plus courtes. Le deuxième principe, c’est le libre-accès intégral. Le troisième principe, c’est le passage d’un type de posture unique (le lecteur assis derrière une grande table collective) à des usages beaucoup plus variés (places au sein de carrels, dans les magasins, tables de travail en groupe, canapés). Enfin, nous n’avions pas jusqu’ici de salle de formation et donc il était difficile de construire avec les élèves une relation pédagogique tout au long de l’année, comme le font de nombreuses bibliothèques universitaires. Cette lacune sera comblée.
Sur le papier, la traduction formelle de ces nouveautés laisse penser que nous allons disposer d’une très belle bibliothèque.
La salle de lecture de la bibliothèque de l’École du Louvre à l’issue de la rénovation (projet), 2021, cliché Hart Bertheloot
La salle de lecture de la bibliothèque de l’École du Louvre à l’issue de la rénovation (détail du projet), 2021, cliché Hart Bertheloot
La contrepartie du réaménagement des espaces, c’est une grosse perte de métrage linéaire, qui passe de 1,8 km. l. à 1,2 km. l.. La bibliothèque n’avait jusqu’ici jamais été désherbée aussi systématiquement. Mais c’est aussi un travail intéressant qui permet d’appréhender l’histoire des collections. La bibliothèque a été d’abord un petit fonds d’école, nourri de manière classique par les dons des professeurs. À la fin du XIXe siècle, elle était beaucoup plus centrée sur l’archéologie, parce que c’est l’époque des grandes découvertes en Égypte, en Mésopotamie ou encore en Grèce, et les Écoles françaises de l’étranger, comme Athènes ou Rome, produisent et envoient de la documentation. Aujourd’hui le centre de gravité des enseignements a migré vers l’histoire de l’art et la muséologie comme disciplines installées qui interrogent aussi leurs constitutions et leurs méthodes.
Pour revenir à ces questions de métrage, aujourd’hui, avec 1,2 km à la cible, on ne peut pas couvrir le niveau initiation, le niveau étude et la documentation utile à la recherche. Notre choix est donc de favoriser les premières années pour aider les élèves à poursuivre leur scolarité, avec une documentation à jour, renouvelée, en exemplaires suffisants.
Cela signifie que vous allez réfléchir autrement à votre place par rapport aux autres bibliothèques parisiennes et aux autres bibliothèques d’histoire de l’art ?
Tout à fait. C’est en ce sens que nous avons procédé pour notre désherbage (17 000 volumes et 100 titres de périodiques, soit 30 à 40 % des collections). Systématiquement, un des principaux critères était la présence de l’ouvrage ou du titre de périodique complet dans au moins deux bibliothèques parisiennes facilement accessibles dont au moins une bibliothèque d’histoire de l’art. L’idée est de réfléchir à la carte documentaire et d’assumer ce positionnement « étude » qui est là pour accompagner les trois premières années et adresser le second cycle, orienté vers la muséologie, vers d’autres bibliothèques, comme la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, la Bibliothèque du musée des Arts décoratifs, la bibliothèque de la Cité de l’architecture, la bibliothèque Forney, la bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle, etc. Un des enjeux de la formation sera d’initier les élèves de l’École à ce paysage documentaire très riche.
Quels types de collaborations entretenez-vous aujourd’hui avec les enseignants de l’École ?
Nous avons beaucoup à inventer dans ce domaine. Le plus souvent nous nous contentons de réceptionner les bibliographies. L’idée serait de construire un véritable échange, ce qui n’est pas si facile car les enseignants sont rarement des professeurs mais plutôt des conservateurs ou des personnes chargées des collections dans les musées. Ils interviennent sur des volants d’heures parfois très réduits : construire une collaboration qui soit pérenne n’est donc pas très simple.
Les méthodes pédagogiques évoluent et peut-être encore davantage avec la crise sanitaire actuelle, qui force à imaginer de nouveaux formats d’enseignement. Menez-vous déjà une réflexion sur les services à offrir aux étudiants et aux enseignants à l’avenir ?
De manière générale sur la formation aux outils documentaires classiques, aux ressources électroniques, etc., nous avons un rattrapage à faire pour être au niveau de ce qui se fait dans les bibliothèques universitaires aujourd’hui. Ensuite, il faudra essayer d’être créatif sur les fonctions plus spécifiques liées à l’environnement pédagogique de l’École.
En premier lieu, il y a un travail attendu mais important à mener sur l’adéquation de la documentation avec les enseignements. Le défi repose sur la gestion de l’articulation entre la documentation relative au tronc commun et celle relative à des axes plus spécialisés, qu’il nous faudra constamment renouveler : c’est le premier service à rendre.
L’entrée de l’École du Louvre, dans l’aile de Flore du Palais du Louvre, 2011, cliché École du Louvre.
Autre axe important, la question des services autour de l’image. Quelle place pour l’image aujourd’hui dans une bibliothèque d’histoire de l’art ? Mon ambition est de faire renaître une tradition qui existait à l’École, mais d’une manière complètement différente. Jusque dans les années 2000 la bibliothèque de l’École du Louvre était en effet doublée d’un autre service : une iconothèque produisant et conservant des contretypes issus d’ouvrages, destinés principalement à être projetés pendant le cours. Les enseignants visitaient donc très régulièrement l’iconothèque pour leurs besoins d’illustration. Cette pratique a bien sûr disparu : nous terminons le désherbage des diapositives et nous ne conservons que des vues originales, par exemple de dispositifs muséographiques, comme archives. Par contre, la question des services à offrir autour de l’image, elle, n’a pas disparu, bien au contraire. J’aimerais la relancer à travers un service destiné aux enseignants mais aussi aux élèves, qui consisterait à identifier les réservoirs d’images disponibles sur le web, à aider les étudiants et les enseignants à maîtriser les questions juridiques relatives à l’image et à les accompagner dans leur utilisation de l’image dans un contexte pédagogique.
Une troisième idée enfin, plus prospective, est liée à la spécificité de l’École qui repose sur l’enseignement en présence de l’œuvre en complément du cours théorique. Quel rôle pédagogique de la bibliothèque dans ce cadre-là ? C’est une question de première importance pour la direction de l’École du Louvre qui souhaiterait qu’un fonctionnement vraiment original soit mis en place.
Beaucoup de pistes restent à explorer !
Propos recueillis par Julien Brault,
service de la Conservation et des magasins