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Gaudí, architecte « des paradoxes »
Gaudí, architecte « des paradoxes »
Après une première étape au Museu Nacional d’Art de Catalunya de Barcelone, le musée d’Orsay a inauguré le 12 avril 2022, et pour la première fois en France depuis cinquante ans, une grande exposition dédiée à l’architecte catalan Antoni Gaudí (1852-1926). Cet artiste de renom a marqué de façon durable l’architecture de Barcelone de la fin du XIXe et du début du XXe siècle grâce à ses grands projets architecturaux, tels que la Casa Batlló, le park Güell ou encore la spectaculaire Sagrada Familia. C’est pour nous l’occasion de dresser une bibliographie sélective d’ouvrages conservés à la bibliothèque afin de redécouvrir l’artiste et son œuvre, mais également le mouvement auquel il est rattaché, le modernisme, et celui qu’il a influencé, le noucentisme.
Casa Batlló (Barcelone), août 2016. Cliché Maëva Taisne
Gaudí, artiste engagé
Antoni Gaudí est l’architecte catalan le plus populaire au monde, une figure complexe qui réalise son travail dans une Catalogne en plein bouleversements sociaux, politiques et urbanistiques. Sa pensée politique et religieuse est en lien avec la défense de l’identité culturelle de la ville de Barcelone. Il est important de comprendre que les créations de Gaudí sont liées aux stratégies politiques et idéologiques de son temps, aux désirs et besoins de sa prestigieuse clientèle, principalement la haute bourgeoisie et l’Église. Aujourd’hui, si le personnage d’Eusebi Güell nous semble méconnu, son nom nous l’est plus, notamment grâce aux œuvres que Gaudí a réalisées pour lui et sa famille.
Outre son engagement politique, Gaudí possède un réel intérêt pour l’architecture religieuse. Le projet idéologique conservateur de la Catalogne, identifiant le fondement des origines chrétiennes du pays, l’a profondément préoccupé. Cela se retrouve notamment dans son projet de la cathédrale de Majorque en 1903, qui voit le jour quelques années après le début de la construction de la Sagrada Familia. Celle-ci naît de la volonté de l’Association des dévots de saint Joseph qui souhaite construire un temple d’expiation dédié à la Sainte Famille, dans les années 1870. Francisco de Paula del Villar commence ce projet en 1882, pour l’abandonner l’année suivante, et c’est Gaudí qui est finalement chargé de le terminer. Il décide d’installer son atelier sur place, et fait de ce lieu le point central de toute son œuvre, jusqu’à ce qu’il devienne un des centres artistiques, idéologiques et symboliques les plus importants de Barcelone.
Sagrada Familia, Extérieur (Barcelone), façade de la Nativité et détail, août 2016. Cliché M. Taisne.
Il cherche à créer le temple parfait, en faisant la synthèse du style néo-gothique avec le modernisme catalan. Son goût pour la nature l’entraîne à réaliser une véritable « forêt minérale » grâce aux effets de verticalité des colonnes de la nef qui s’élèvent jusqu’à 45 mètres, et aux formes végétales sinueuses et asymétriques qui se marient toujours dans un souci d’harmonie.
Sagrada Familia, Intérieur (Barcelone), août 2016. Clichés M. Taisne
Références bibliographiques consacrées à la vision politique et chrétienne de Antoni Gaudí
- Crippa Maria Antonietta, Bassegoda Nonelle Joan, Morell Núñez Joan, Living Gaudí: the architect’s complete vision, New York, Rizzoli, 2002. Cote INHA : 4 MON 758
- Giralt Miracle Daniel, Navarro Pepe, La Sagrada Familia de Gaudí : el templo expiatorio desde sus orígenes hasta hoy, Barcelona-Madrid, Lunwerg, 2010. Cote INHA libre-accès : DP402.B296 SAGR 2010
- Lahuerta Juan José, Antoni Gaudí, 1852-1928: architecture, ideology, and politics, London, Phaidon Press, 2003. Cote INHa : 4 MON 58116
- Sistach Martinez Lluís, Gaudí: el hombre, el artista, el cristiano, Barcelona, Ciudad Nueva, 2014. Cote INHA : 8 MON 5117.
Développement du modernisme catalan
Le style qui influence le plus Gaudí est l’art gothique qui connait une véritable renaissance à la fin du XIXe siècle, notamment grâce à Viollet-le-Duc. L’architecte français soutient qu’il faut étudier les styles du passé et les adapter au présent. Cependant, pour Gaudí, le gothique est un art qu’il faut « perfectionner ». La bibliothèque de l’INHA prête à l’occasion de l’exposition du musée d’Orsay, l’ouvrage Entretiens sur l’architecture par Viollet-le-Duc [cote INHA : Fol F 0001 (F-5-1, ancienne collection de la BCMN)].
Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, Entretiens sur l’architecture, 1863-1872. Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Pendant ses études, Gaudí a l’occasion de contempler la collection de photographies (d’Égypte, d’Inde ou de monuments islamiques espagnols) que possède l’école d’architecture. De la même façon, il étudie avec soin le livre Plans, élévations, sections and details of the Alhambra, d’Owen Jones. Cet ouvrage, conservé à la bibliothèque de l’INHA [cote INHA : Fol Ea 19 (vol 1)], a également été prêté pour l’exposition. Gaudí emprunte aux arts islamiques de nombreuses solutions structurales et ornementales qu’il applique à ses œuvres, avec des variantes et une certaine liberté de style. La bibliothèque prête ainsi l’ouvrage de Prisse d’Avennes, L’Art arabe d’après les monuments du Kaire, depuis le VIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe [cote INHA : Pl EA 2(1)].
Owen Jones, Plans, elevations, sections, and details of the Alhambra, 1842. Source : library.si.edu / Smithsonian Libraries
L’art de Gaudí s’inscrit dans le mouvement désigné par le terme anglais Modern Style, appelé Art nouveau en France. Le modernisme architectural catalan voit le jour au XIXe siècle et Gaudí est l’un des pionniers de ce mouvement. Les traits les plus caractéristiques de ce style s’observent dans l’une des premières œuvres construites de Gaudí, le Palau Güell, qu’il réalise entre 1885 et 1889. Une grande liberté se manifeste dans son travail avec une architecture organique, des formes paraboliques, inattendues et une riche polychromie, caractéristiques constantes chez l’artiste dont la nature est sa principale source d’inspiration. La réalisation du Park Güell confirme cet aspect et assoit alors la position de l’artiste en tant qu’avant-gardiste, grâce à l’association étroite de la pierre et de la végétation. Le modernisme catalan est en effet un style particulièrement ornemental recherchant l’effet plastique grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux qui créent un langage constructif mixte et riche en contraste.
Park Güell (Barcelone), décembre 2021. Clichés M. Taisne
Références bibliographiques consacrées au modernisme de Barcelone
- Boukobza Céline, Massu Claude, Le bestiaire dans l’architecture du « modernismo » à Barcelone : commande, symbolique, évolution, Université de Provence, thèse de doctorat, 2008. Cote INHA : MFiche 223/3702
- Flores Carlos, Gaudí, Jujol y el modernismo catalán, Madrid, Aguilar, 1982. Cote INHA libre-accès : NY GAUD5.A3 1982
- Moldoveanu Mihail, Foucart Bruno, Barcelone, la création architecturale contemporaine à l’écoute du modernisme catalan, Paris, Sorbonne Universités, thèse de doctorat, 1999. Cote INHA : Mfiche 223/2337
- Permanyer Lluís, Barcelone : art nouveau, Paris, A. Michel, 19933. Cote INHA libre-accès : DP402.B295 PERM 1993
Pérennité du modernisme et développement d’un nouveau courant : le noucentisme
Le modernisme eut également pour interprètes, entre autres, Josep Puig Cadafalch, avec de nombreuses œuvres à Barcelone, ou Lluís Domènech i Montaner, célèbre pour le Palau de la Música Catalana (1905-1908) de Barcelone. L’architecture de ce bâtiment innove par sa structure métallique soutenue par des voûtes d’inspiration gothique, mais également par la qualité et la variété des techniques utilisées telles que la sculpture, la mosaïque ou encore le vitrail, avec lequel il créé de vastes espaces baignés de lumière. Le modernisme catalan représente la liberté de création de formes nouvelles rejetées jusqu’alors par l’académisme. Ce courant a mis en avant l’imagination créative ponctuée de symboles en opposition à la représentation objective de la réalité.
À partir de 1906, il perd son influence au profit du développement d’un nouveau courant opposé, le noucentisme. Ce terme, crée par Eugenio d’Ors, renvoie au chiffre nou cents, neuf cent, mais également au terme nou, « nouveau » en catalan, suggérant ainsi qu’il se veut être un mouvement de rénovation. Il s’agit d’un courant politico-culturel du début du XXe siècle qui tente de définir l’essence catalane sur lequel repose le « catalanisme politique ». Josep Goday ou encore Rafael Masó i Valenti sont parmi les architectes les plus distincts de ce courant, se libérant des références historiques fondées par le modernisme. La Casa Masó à Gérone, maison d’enfance de l’artiste, est une de ses œuvres les plus importantes. Elle a été conservée avec le mobilier et la décoration de l’époque noucentiste qui met en valeur les traditions locales (usage de la pierre, du fer forgé, et de la céramique vitrifiée) tout en travaillant sur une sensation de sobriété.
Casa Masó (Gérone), avril 2022. Clichés O. Taisne
Si Gaudí est considéré comme un artiste de génie novateur, le style qu’il a développé au fil des années de sa vie a été une vraie source pour ses homologues. Le modernisme a eu en effet une influence importante sur l’architecture urbaine catalane, et notamment dans la ville de Barcelone. Or, sa modernité emblématique repose sur les formes fondamentales de la nature et de la religion qui l’ont inspiré depuis son enfance, et qu’il déploie sans cesse au fil de ses créations qui ont révolutionné l’histoire de l’art.
Maëva Taisne et Emma Fourgeaud
service de l’Informatique documentaire
Références bibliographiques sur les modernistes catalan et le noucentisme
- Domènech i Girbau Lluís, Limargas Marc, El Palau de la Música Catalana, Barcelona, Lunwer, Fundació Orfeó Català Palau de la Música-Universitat Politècnica de Catalunya, 2000. Cote INHA : 4 GT 2524
- Falgàs Jordi, Aragó Masó Narcís-Jordi, Gil Rosa-Maria, Puig Jordi, Casa Masó: noucentista life and architecture, Barcelona : Fundació Rafael Masó : Triangle Postals, 2012. Cote INHA : 12 MON 4594
- Ors Carlos (d’), El Noucentisme: presupuestos ideológicos, estéticos y artísticos, Madrid, Cátedra, 2000. Cote INHA : 12 R 140
- Puigvert i Solà Joaquim M., Nadal i Farreras Joaquim, Almazán Àngel, Puigvert i Quim Turon Xavier, Josep Danés i Torras : noucentisme i regionalisme arquitectònics, Barcelona : Publicacions de L’Abadia de Montserrat, 2008. Cote : 4 MON 20844
À noter : Pour consulter d’autres ouvrages en libre accès sur Gaudí, rendez-vous au magasin central, au niveau 0, cote NY GAUD.5 A3.
Références bibliographiques consultées
- Durliat Marcel, Art catalan, Paris-Grenoble : B. Arthaud, 1963. Cote INHA : 8 MON 12404
- Lacuesta Raquel, Gonzàlez Antoni, Arquitectura modernista en Cataluña, Barcelona, G. Gili, 1990. Cote INHA : 8 GT 1242
- Michonneau Stéphane, « Mouvement culturel et projet national : le noucentisme à Barcelone au début du XXe siècle », dans Michel Bertrand, Patrick Cabanel, Bertrand de Lafargue (dir.), La fabrique des nations, Figures de l’État-Nation dans l’Europe du XIXe siècle, Paris, Les Éditions de Paris, p. 281-298, 2003. [en ligne sur le portail HAL]
- Zerbst Rainer, Gössel Peter, Gaudí : l’œuvre complet, 1852-1926, Cologne, Taschen, 2019. Cote INHA libre-accès : NY GAUD5.A3 2019
Webographie
- UNESCO, Œuvres d’Antoni Gaudí, consulté le 8 février 2022.
- Museu Nacional d’Art de Catalunya, Exposition Gaudí, consulté le 20 février 2022.
- Musée d’Orsay, Exposition Gaudí, consulté le 29 mars 2022.