Frédérique Soudan et l’épigraphie islamique

Titulaire d’un doctorat en langue arabe, entre autres diplômes universitaires, Frédérique Soudan s’est spécialisée en épigraphie islamique : elle nous explique…

Vous en quelques mots ?

Je suis chercheur en épigraphie islamique.

L’épigraphie est l’étude des inscriptions réalisées sur des matières dures, telles que la pierre, l’argile ou le métal, à l’aide d’un poinçon.

Cette discipline recouvre de nombreux domaines tels que l’histoire, l’histoire de l’art, la poésie, le droit musulman, la religion, les sciences et l’art funéraire. C’est l’une des sciences auxiliaires les plus importantes de l’histoire, qui nous permet de mieux connaître les anciennes civilisations. Par exemple, lors de fouilles archéologiques, des tessons portants des inscriptions pourront être interprétés et datés grâce aux travaux des épigraphistes. En matière d’art funéraire, les inscriptions lapidaires sur les tombes, mausolées ou mosquées seront décryptées de la même manière.

L’épigraphie islamique concerne non seulement l’arabe, mais le persan, le turc et d’autres langues dites mineures, celles des peuples d’Asie centrale, comme le bengali, l’ouïgour, le malais ou le tatare, du VIIe siècle au XVIe siècle de notre ère. Elle englobe donc un vaste territoire géographique.

Inscription sculptée en coufique de la madrasa al-sultan Hasan, Le Caire photographié par Facchinelli. Bibliothèque de l'INHA, collections Jacques Doucet, Photothèque, Archéologie Égypte I, 12, 34.
Inscription sculptée en coufique de la madrasa al-sultan Hasan, Le Caire, photographié par Facchinelli. Bibliothèque de l’INHA, collections Jacques Doucet, Photothèque, Archéologie Égypte I, 12, 34.

Pourquoi vous être spécialisée en épigraphie islamique ?

Jeune professeur de lettres, j’ai enseigné pendant un an dans une université égyptienne, près du Caire et ai dû apprendre le dialecte local. J’ai alors réalisé que je n’avais pas la vocation de l’enseignement mais plutôt la passion des langues. Plusieurs années passées dans les pays arabophones au sein d’instituts français ou d’universités arabes m’ont permis d’apprendre la langue arabe. Et au bout de dix ans, j’ai obtenu mon doctorat en langue arabe entre autres diplômes au terme d’un parcours jalonné de longs séjours en Égypte, au Koweït, en Tunisie et au Yémen.

Votre fréquentation de la bibliothèque ?

En moyenne, une fois par mois de façon régulière et méthodique. En amont, je vérifie la disponibilité des ouvrages via le catalogue en ligne. J’utilise souvent le formulaire en ligne qui permet de demander des livres conservés au Centre technique du livre de l’enseignement supérieur (CTLes). Ce service très appréciable et bien organisé me permet de trouver mes ouvrages dès l’ouverture de la bibliothèque à 9 heures.

Plutôt salle Labrouste ou magasin central ?

Salle Labrouste bien sûr ! avec le souvenir ému de l’ancienne salle de la Bibliothèque nationale que j’ai bien connue. Un vrai plaisir de travailler dans ces lieux magnifiques. Il suffit de lever la tête de son ouvrage et de s’échapper à travers l’histoire. Avec toujours le choix de la même place…

Votre sujet du moment ?

Depuis 1992, j’ai obtenu un poste de chercheur à la fondation Max Van Berchem à Genève où je suis en charge du Thésaurus d’épigraphie islamique.

Max Van Berchem, né en 1863 et dont on va fêter le centenaire de la mort l’année prochaine, était un grand savant orientaliste, père de l’épigraphie arabe. A l’époque, seules les épigraphies grecque et latine existaient. Ses descendants ont consacré une partie de leur fortune à l’histoire de l’art et à l’épigraphie islamique.

Max van Berchem à la mosquée al-Guyushi. Mur de qibla de la mosquée al-Guyushi et son mihrab, Le Caire photographié par Facchinelli. Bibliothèque de l'INHA, Photothèque, Archéologie Egypte I, 12, 22.
Max van Berchem à la mosquée al-Guyushi. Mur de qibla de la mosquée al-Guyushi et son mihrab, Le Caire, photographié par Facchinelli. Bibliothèque de l’INHA, Photothèque, Archéologie Egypte I, 12, 22.

Dirigée par le professeur émérite Ludvik Kalus, la base de données des inscriptions islamiques en arabe, en persan et en turc existe depuis vingt-neuf ans. Depuis octobre 2011, elle est disponible en ligne et ouverte gratuitement aux utilisateurs une fois inscrits.

Donc il s’agit d’un vaste sujet permanent que j’enrichis au gré de mes découvertes à la bibliothèque de l’INHA, entre autres bibliothèques parisiennes.

Des souhaits de nouveaux services à la bibliothèque ?

Certainement un service de réservation des ouvrages en ligne comme à la BnF, ainsi que le choix d’une place peut-être.

Comment travaillez-vous suite au confinement ?

J’ai dû différer mes consultations mensuelles à la bibliothèque. Mais je travaille de la même manière et au même rythme, à savoir à domicile depuis quelques années après avoir réintégré la province pour raisons familiales.

Publié par Christine CAMARA le 3 juin 2020 à 10:00