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Eva Belgherbi et les sculptrices de la fin du XIXe siècle
Diplômée de l’École du Louvre, Eva Belgherbi est élève en classe préparatoire aux concours de conservateur à l’Ecole du Louvre. Elle s’intéresse aux femmes artistes du XIXe et XXe siècles, plus particulièrement aux sculptrices en activité autour de 1900.
Fréquentant assidûment la salle Labrouste et le magasin central, elle partage avec nous son expérience et ses attentes concernant la bibliothèque de l’INHA.
Vous en quelques mots
En 2016, j’ai écrit mon mémoire de recherche de master 2 sur la sculptrice écossaise Ottilie Maclaren (1875-1947), une élève d’Auguste Rodin à Paris, dont les archives sont conservées à Édimbourg. En septembre, j’entreprends une thèse à l’École du Louvre et à l’Université de Poitiers sous la direction de Claire Barbillon, sur l’enseignement de la sculpture aux femmes, en France et au Royaume-Uni, entre 1880 et 1914.
Je suis aussi contributrice chez AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions), une association présidée par Camille Morineau dont le but est de replacer les artistes femmes dans l’histoire de l’art. L’an dernier j’ai participé au colloque « Parent-elles, compagne de, fille de … : les femmes artistes au risque de la parentèle » organisé par AWARE, CRIHAM (Université de Poitiers), et le musée Sainte-Croix de Poitiers, dont les actes sont disponibles en ligne.
Votre fréquentation de la bibliothèque ?
Au moins trois fois par semaine. En ce moment, je travaille au musée Bourdelle auprès d’Amélie Simier, à mi-temps, mais je passe le reste de mon temps libre à la bibliothèque de l’INHA. C’est un endroit où j’arrive à me concentrer – je suis incapable de travailler chez moi –, à lire, et à écrire. J’y retrouve aussi des amis médiévistes et dix-septièmistes qui illuminent mes jours de grisaille. C’est un endroit qui m’est familier et confortable, malgré les reproches faits à son système de chaufferie, qui manifestement est un point sensible auprès des lecteurs. En ce qui me concerne, je nous trouve assez chanceux de pouvoir travailler dans un cadre pareil et je fuis la chaleur.
Plutôt salle Labrouste ou magasin central ?
Quelques temps après la réouverture en décembre, je m’installais dans la salle Labrouste. Je trouvais que ça faisait chic, l’endroit est si beau, mais peut-être trop haut pour moi. Le moment d’excitation passé, il a fallu travailler sérieusement et je me suis donc déplacée dans le magasin central. La salle Labrouste est trop haute de coupole pour moi, j’ai l’impression que mes pensées s’égarent, s’évaporent, vraiment. Dans le magasin central, je me sens moins exposée, il y a un côté chaleureux et doux malgré le métal des passerelles et des escaliers. Je monte au deuxième étage, tout au fond, je m’installe à cette place individuelle, dos aux périodiques, près de l’« Espace Claude Cahun ». Je ne sais pas trop à quelle fonction il est dédié précisément, mais par un heureux hasard, il porte le nom d’une artiste, Claude Cahun (1894-1954), que j’apprécie particulièrement.
Une grande trouvaille dans les collections
Il ne s’agit pas vraiment d’une trouvaille mais plutôt de bonnes surprises. L’an dernier j’ai passé un an à l’Université de Glasgow et en rentrant je redoutais de ne pas trouver les mêmes ouvrages avec lesquels je travaillais là-bas pour la rédaction de mon mémoire sur la sculptrice Ottilie Maclaren. En fin de compte, à quelques exceptions près, j’ai retrouvé de nombreux livres – majoritairement anglophones – relatifs aux études de genre et aux femmes artistes de la fin du XIXe siècle, des classiques comme Sisters of the Brush de Tamar Garb, Differencing the canon de Griselda Pollock, et en français Femmes artistes/artistes femmes, de Catherine Gonnard et Elisabeth Lebovici.
Sur les conseils d’un ami, j’ai aussi consulté Plumes et Pinceaux, Discours de femmes sur l’art en Europe (1750-1850), une anthologie établie sous la direction d’Anne Lafont en collaboration avec Charlotte Foucher et Amandine Gorse. J’ai alors découvert sur le même rayonnage des essais sur des historiennes de l’art, un champ de recherche qui, depuis quelques années en France, commence à être investi, notamment par des chercheurs et des chercheuses du Laboratoire d’études de genre et de sexualités au CNRS. La présence de ces livres à la bibliothèque de l’INHA m’a confortée dans l’idée que c’est un lieu foisonnant et excitant, offrant une grande richesse de ressources pour tous les sujets, que l’on travaille sur l’art français en 1500, les estampes d’Antoine Dieu, ou sur les femmes artistes.
Sélection d’ouvrages en libre accès sur l’art et le féminisme (cote N72.F45), juillet 2017. Cliché INHA
Votre sujet du moment
En ce moment, je travaille sur la représentation – dans la presse et les romans notamment – de la sculptrice à la fin du XIXe siècle. La pratique de la peinture, du dessin, était socialement beaucoup plus tolérée pour les femmes que celle de la sculpture, un art salissant, bruyant – « le plus viril », pour citer Émile Zola dans L’Œuvre – et perçu comme une lutte physique entre le sculpteur et la matière.
Je révise aussi pour le concours, même si l’on ne peut évidemment pas parler à proprement dit de révisions dans ce cas, et je lis par exemple des catalogues d’expositions, le dernier que j’ai consulté est celui de l’exposition Formes Simples, au Centre Pompidou de Metz, en 2014.
Des souhaits de nouveaux services à la bibliothèque ?
Un revêtement au sol qui permettrait de se déplacer silencieusement sans susciter la haine des lecteurs m’éviterait de faire le bruit d’un char Leclerc, pour reprendre le mot d’une amie, lorsque je marche avec mes chaussures à talons dont le claquement déchire le silence de la salle Labrouste.
Nous sommes désolés du bruit que peut générer le magnifique parquet neuf en chêne de la salle Labrouste, et invitons nos lecteurs à marcher doucement, pour le confort de tous. Ce parquet a permis de retrouver un aspect de la salle le plus proche possible de celui imaginé au XIXe siècle par Henri Labrouste.
Pour contacter Eva Belgherbi par mail… ou sur Twitter : @berthe_chorizot
Propos recueillis par Lucie Fléjou