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Des estampes d’après Edme Bouchardon
Prêts de l'INHA au musée du Louvre
Depuis le 14 septembre, le musée du Louvre propose une rétrospective consacrée à Edme Bouchardon (1698-1762). Ce sculpteur emblématique de son siècle fut également un grand dessinateur ; des dizaines d’estampes furent publiées d’après ses dessins, de son vivant, mais aussi après sa mort.
Depuis le 14 septembre, le musée du Louvre propose une rétrospective consacrée à Edme Bouchardon (1698-1762). Ce sculpteur emblématique de son siècle fut également un grand dessinateur ; des dizaines d’estampes furent publiées d’après ses dessins, de son vivant, mais aussi après sa mort. Portraits, académies, copies d’après les maîtres, ornements, « cris de Paris », frontispices de livres illustrent la variété de cette production gravée par divers artistes, parmi lesquels Gabriel Huquier (1695-1772), le comte de Caylus (1692-1775) ou encore, le méconnu Jean-Baptiste Lucien (vers 1748-1806).
La bibliothèque de l’INHA prête à cette occasion plus d’une quinzaine de gravures en feuilles et recueils, à découvrir au Louvre jusqu’au 5 décembre. L’exposition sera ensuite présentée à Los Angeles au J. Paul Getty Museum, du 10 janvier au 2 avril 2017. Numérisées, ces estampes sont toutes consultables en ligne sur le site de notre bibliothèque numérique.
Œuvres prêtées par l’INHA
Les gravures prêtées par l’INHA sont représentatives de divers domaines dans lesquels Bouchardon dessinateur s’est illustré.
Il s’agit des œuvres suivantes :
- Livre de diverses figures d’académies dessinées d’après le naturel. – A Paris : chez Huquier, 1738 [cote : Fol Est 329]
- Gabriel Huquier d’après Edme Bouchardon, Frontispice de L’anatomie nécessaire pour l’usage du dessein. – A Paris, chés J.Fr. Chereau rue des Mathurins aux 2 Piliers d’Or. [cote : Fol L 109]
- Premier Livre de Vases Inventes par Edme Bouchardon Sculpteur du Roy. – a Paris chez Huquier rüe St Jacques près les Mathurins ; Second Livre de Vases Inventes par Edme Bouchardon Sculpteur du Roy. – a Paris chez Huquier vis a vis le Grand Chatelet [cote : 4 Est 312]
- Jean-Baptiste Lucien d’après Edme Bouchardon, François Xavier Geminiani, Paris, chez Chereau [cote : EA LUCIEN 32]
Décrites dans le riche catalogue de l’exposition, ces estampes ont également été mises en valeur lors du colloque organisé par le Louvre le 16 novembre 2016, grâce aux interventions de Peter Fuhring sur Gabriel Huquier et de Sophie Raux sur Jean-Baptiste Lucien. Ces présentations ont démontré l’importance du rôle de l’estampe, collectionnée par des artistes et des amateurs, dans la diffusion de l’œuvre dessiné de Bouchardon, de son vivant, mais également après sa mort, établissant la fortune critique de l’artiste jusqu’au début du XIXe siècle.
Vases (cat. 178)
Gabriel Huquier, graveur et éditeur spécialisé dans les estampes illustrant les arts décoratifs et l’ornement est celui qui grava et publia le plus grand nombre d’estampes d’après des dessins de Bouchardon, plus de 100 au total. Il ne s’agit pas de représentations de sculptures, mais de modèles tirés de dessins du sculpteur, destinés aux artistes, aux amateurs et aux collectionneurs. Ces estampes s’inscrivaient pleinement dans les thèmes de l’éditeur, qui publia à la même époque ou peu après des estampes d’après les artistes emblématiques du style rocaille, tels que Lajoue, Boucher, Oudry, ou Meissonier.
Parmi les estampes gravées à l’eau-forte par Huquier figurent notamment deux suites de vases d’après des dessins de Bouchardon inspirés de l’antique, publiées à partir de 1737. Ce motif traditionnel dans le domaine de l’ornement avait déjà été illustré par de nombreux artistes depuis le XVIe siècle, tels que Polidoro Caldara ou Jacques Androuet du Cerceau, ou encore, Jean Lepautre ou Charles Errard.
Le succès immédiat de la première suite des vases de Bouchardon suscita rapidement la publication d’une deuxième série de douze planches. Cette réussite ne se démentit pas par la suite : le catalogue de l’éditeur publié en 1757 montre la persistance de l’intérêt commercial de la publication de ces estampes, qui continuaient à être diffusées vingt ans après leur première publication d’après les dessins.
Comparés aux vases d’après François Boucheremblématiques du style rocaille, publiés à la même période par Huquier, les vases de Bouchardon, présentés sur des fonds neutres, sont d’une relative sobriété et symétrie ; ils proposent néanmoins une grande variété de formes et de thèmes ornementaux. Par la suite, les vases de style néo-classique d’Ennemond-Alexandre Petitot, publiés en 1764 à Parme, s’inspirèrent sans doute des suites de Bouchardon.
Gabriel Huquier d’après Edme Bouchardon, Vase, dans Second Livre de Vases Inventes par Edme Bouchardon Sculpteur du Roy, a Paris chez Huquier, pl. 8, bibliothèque de l’INHA, 4 Est 312. Cliché INHA
Académies et anatomie (cat. 61 et 100)
En 1738, Gabriel Huquier publia un Livre de diverses figures d’Académies dessinées d’après le naturel… avec privilège royal. La suite comprend douze eaux-fortes gravées par Jean-Baptiste Perroneau, Antoine Aveline, Jean Aubert et Huquier lui-même, d’après des dessins à la sanguine de Bouchardon représentant un modèle nu dans une pose particulière. La publication d’un Second livre suivit en 1739.
En sus du volume exposé, la bibliothèque conserve deux volumes contenant des éditions différentes de ces suites. Le plus récent, composé d’estampes imprimées dans un coloris sanguine, a été publié par l’éditeur Charles-Antoine Jombert, qui avait peut-être acquis ces plaques gravées du fonds de Gabriel Huquier dans les années 1760-1772. Le choix de la couleur du tirage correspond sans doute à la mode des estampes imitant les effets du dessin publiées à partir des années 1750.
L’exposition présente aussi le frontispice de l’Anatomie nécessaire pour l’usage du dessin, publiée pour la première fois en 1741 par Gabriel Huquier. Six des 14 planches furent gravées par Huquier d’après des dessins de Jacques Philippe Bouchardon, le jeune frère de l’artiste. L’exemplaire de l’INHA est une édition datable des années 1775-1785 publiée par Jacques François Chéreau, l’un des principaux éditeurs d’estampes parisiens de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, ce qui atteste, là encore, de la permanence du succès des modèles gravés créés d’après les dessins du sculpteur. Ce recueil visait à satisfaire les besoins des jeunes artistes en matière d’anatomie, dans le contexte de l’essor général des écoles de dessin en France.
Portrait de Geminiani (cat. 74)
Huquier ne fut pas le seul graveur et éditeur de planches d’après Bouchardon, loin de là. Parmi ses interprètes moins connus figure par exemple Jean-Baptiste Lucien (vers 1748-1806), graveur spécialisé dans la technique de la manière de crayon, qui exécuta de nombreuses estampes d’après Bouchardon et d’autres maîtres. L’une des réalisations les plus réussies de Lucien est sans doute ce portrait du compositeur Francesco Geminiani, réalisé d’après une sanguine qui était conservée dans la collection Mariette. Violoniste célèbre, Geminiani résidait principalement en Angleterre, il rencontra sans doute Bouchardon lors d’un voyage à Paris et les deux artistes se lièrent.
Cette estampe, gravée en manière de crayon et imprimée en sanguine, fut elle aussi publiée par Jacques-François Chéreau.
Jean-Baptiste Lucien d’après Edme Bouchardon, François Xavier Geminiani célèbre musicien italien, Paris, J. F. Chereau, bibliothèque de l’INHA, EA Lucien 32. Cliché INHA
En savoir plus
- Le catalogue de l’exposition : Anne-Lise Desmas, Édouard Kopp, Guilhem Scherf, Juliette Trey, Edme Bouchardon, 1698-1762 : une idée du beau, Paris, Somogy éditions d’art / Louvre éditions, 2016.
Lucie Fléjou, service du Patrimoine