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Berain, un style prisé par Lully
Un recueil de maquettes de costumes que Jean Berain (1640-1711) réalisa pour des pièces de Lully vient d’être mis en ligne sur la bibliothèque numérique, l’occasion de revenir sur le parcours d’un artiste qui marqua son époque.
Jean Berain nait en 1640. Fils et petit-fils d’arquebusiers, il fréquente, dès son plus jeune âge, graveurs et armuriers. À leurs côtés il développe son goût pour le dessin et apprend les techniques de l’eau forte utilisée par les arquebusiers pour réaliser le décor sur les parties métalliques des armes. Après avoir été l’élève de Charles Le Brun (1619-1690), il est nommé à la cour de Louis XIV en 1674 comme Dessinateur de la Chambre et du Cabinet du Roi. Affecté au service des « Menus Plaisirs », il est chargé de la conception des décors, machines et costumes pour les fêtes et divertissements royaux. A ses fonctions s’ajoutent celles de Dessinateur des jardins en 1677 puis de décorateur de l’Académie royale de musique en 1680, succédant à Carlo Vigarani (1637-1713) auprès de Jean-Baptiste Lully (1632-1687).
C’est avec Proserpine que Jean Berain entre dans ses fonctions de décorateur officiel. Cette tragédie en musique de Lully, sur un livret de Philippe Quinault (1635-1688)a été créée devant Louis XIV dans son château de Saint-Germain-en-Laye le 3 février 1680. Carlo Vigarani est alors encore en poste, mais, le 24 août 1680, par contrat, « Vigarani et Lully mettent un terme à la société qui leur a permis de gérer l’Académie Royale de Musique. Le musicien rend au décorateur, en louis d’argent, les 10 0000 livres versées en 1672. Pour monter ses ouvrages il conservera toutes les machines », comme le précise l‘inventaire du Fonds Pierre-Antoine Labouchere de la Bibliothèque municipale de Nantes qui conserve le contrat original. Le genre du ballet de cour étant éminemment visuel, Lully doit trouver un autre décorateur talentueux capable de remonter Proserpine qui avait suscité un grand enthousiasme, notamment celui de Madame de Sévigné (1626-1696) qui dans une lettre datée du 9 février 1680 à Madame de Grignan (1646-1705) juge cet opéra « au dessus de tous les autres ». Jean Berain va prendre la relève de Vigarani et mettre tout en œuvre pour plaire au public parisien à qui Proserpine sera présenté le 15 novembre 1680. Il laisse libre cours à son imagination pour créer décors fabuleux, machines fantastiques et parures somptueuses faites de satin, de moire d’or et d’argent.
Le recueil factice mis en ligne présente deux costumes réalisés par Berain pour ce spectacle, celui de la Paix pour le prologue, et celui de Minos, l’un des trois juges des Enfers qui tient l’urne contenant les destinées des hommes et intervient au dernier acte.
Jean Berain, [Dessins de costumes pour des pièces de Jean-Baptiste Lully], bibliothèque de l’INHA, MS 339. Cliché INHA
D’autres collaborations entre Berain et Lully sont illustrées dans ce volume : le Triomphe de l’Amour en 1681, avec un costume d’une nymphe de la suite de Diane ; Persée en 1682, avec le costume de Triton pour l’acte IV ; le Temple de la Paix en 1685, avec un costume de Basque pour la troisième entrée…
Mais au-delà des costumes et décors de théâtre, Berain exerça son talent dans des domaines très variés. Il dessina des projets de fêtes et de pompes funèbres, dont le célèbre Carrousel des galans Maures de Grenade entrepris par monseigneur le Dauphin à Versailles en 1685, des décorations pour les poupes ou les proues de vaisseaux royaux, des pièces d’orfèvrerie, des modèles de lambris et de plafonds, des meubles, des pendules, des vases, des lustres, des consoles, des pièces de serrureries… sans oublier ses décors pour les faïences de Moustiers. Reconnu comme l’un des artistes les plus prolifiques du règne de Louis XIV, il fut qualifié de son vivant de « génie universel » dans le Mercure Galant en novembre 1680.
Jean Berain, Carrousel des galans Maures de Grenade entrepris par monseigneur le Dauphin à Versailles, 1685 et Ornemens inventez par J. Berain, [17??], bibliothèque de l’INHA, PL EST 90 et FOL EST 498. Clichés INHA
Son influence dépassa les frontières et il reçut également des sollicitations des cours étrangères, notamment de celle de Suède. La gravure et la publication de recueils, comme celui intitulé Ornemens inventez par J. Berain, permit une large diffusion de ses modèles auprès de ses contemporains, et d’assurer le développement du « style Berain ».
Élodie Desserle, service de l’informatique documentaire
En savoir plus
- Paulette Choné, Fastes de cour au XVIIe siècle : costumes de Bellange et de Berain : [exposition, Chantilly, Musée Condé, 13 mai-13 août 2015], Paris, Ed. Monelle Hayot, 2015
- Jérôme de La Gorce, Berain : dessinateur du Roi Soleil, Paris, Herscher, 1986
- Louis Dussieux, Les artistes français à l’étranger, Librairie Jacques Lecoffre et Cie, 1876. Disponible en ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9667872b (consulté le 04/01/2017)