Arcimboldo, peintre de la cour impériale

Giuseppe Arcimboldo, né à Milan en 1526, fut d’abord actif en Italie, à Milan, Côme et Monza. En 1562, il rejoignit la cour impériale à Vienne, où il devint peintre de la Cour et portraitiste de l’empereur Maximilien II. Là, il peignit pour l’empereur ses œuvres les plus célèbres, portraits allégoriques formés d’extraordinaires compositions de fleurs, de fruits, d’animaux et d’objets divers : la série des Saisons en 1563, puis les Quatre éléments en 1566.

Derrière leur apparente étrangeté, ces tableaux constituent une sorte d’encyclopédie des plantes et des animaux que Maximilien collectait et faisait cultiver et élever à Vienne, dans ses jardins botanique et zoologique. Ils symbolisent aussi la grandeur du saint Empire, éternel à l’image du cycle des Saisons, harmonieux à l’image de la complémentarité des Éléments, prospère à l’image de la richesse des productions de la terre.

Arcimboldo peignit aussi des portraits allégoriques des différentes professions, parmi lesquels le Bibliothécaire, sans doute un portrait de l’historien Wolfgang Lazius. Il demeura à la cour impériale sous Rodolphe II, lorsqu’elle s’établit à Prague, avant de retourner à Milan en 1587.

Les fêtes de 1571

Peintre des empereurs, Arcimboldo fut aussi à l’origine de la conception de divertissements de la Cour. Un album de dessins, conservé au cabinet d’arts graphiques du musée des Offices à Florence, témoigne de ses réalisations : donné par l’artiste à Rodolphe II, il réunit des dessins de costumes et de coiffures de parade, de traîneaux, de caparaçons pour des chevaux…

Comme le souligne en 1592 Paolo Morigia dans son Historia dell’antichità di Milano, Arcimboldo fut en particulier à l’origine de la scénographie des festivités organisées à Vienne en 1571 à l’occasion des noces de l’archiduc Charles, frère de l’empereur, avec sa nièce Marie-Anne de Bavière. Cet événement donna lieu à la publication d’un livre de fête richement illustré, dont un exemplaire est conservé par la bibliothèque de l’INHA (4 Est 241).

Cet exemplaire est précieux à plusieurs titres : sur les vingt-deux répertoriées, il compte en effet seize planches gravées sur bois dépliantes, dont onze sont coloriées. Il est aussi doté de provenances prestigieuses : il fit partie de la collection de livres de fête rassemblée par Désiré Ruggieri (1818-1885). Issu d’une dynastie d’artificiers, c’est lui qui fit relier le volume en maroquin rouge, orné de son caractéristique artificier doré. Puis le livre passa dans la collection du dramaturge Victorien Sardou (1831-1908), et Jacques Doucet l’acquit lors de sa vente, vente à laquelle le couturier acheta aussi les remarquables planches enluminées du Carrousel des Galans Maures par Jean Berain.


Heinrich Wirrich, Ordenliche Beschreibung…, 1571, bibliothèque de l’INHA, 4 Est 241. Cliché INHA

Ex-libris de Victorien Sardou, Heinrich Wirrich, Ordenliche Beschreibung…, 1571, bibliothèque de l’INHA, 4 Est 241. Cliché INHA

Le livre, imprimé en caractères gothiques, récapitule les poèmes et récits allégoriques élaborés pour l’événement, qui s’étendit sur plusieurs jours, qui virent se succéder le défilé de l’entrée impériale et divers divertissements, danses et tournois. Les textes sont encadrés par d’épaisses bordures gravées sur bois, qui mêlent animaux réels et fantastiques dans un décor de mauresques.


Heinrich Wirrich, Ordenliche Beschreibung…, 1571, bibliothèque de l’INHA, 4 Est 241, p. de t. (détail). Cliché INHA

Le livre donne la liste des participants au cortège qui eut lieu lors de l’entrée impériale, reproduisant les armes des grands personnages et officiels présents. Les planches dépliantes représentent, parfois sur plusieurs dizaines de centimètres, les costumes des participants.


Heinrich Wirrich, Ordenliche Beschreibung…, 1571, bibliothèque de l’INHA, 4 Est 241, pl. [1]. Cliché INHA

Les estampes figurent aussi et les tournois, à cheval et à pied, qui furent organisés, dans une scénographie élaborée, où des personnages de la Cour jouèrent divers rôles ; des cavaliers costumés de manière à figurer les arts libéraux, les éléments, ou encore les saisons, parfois déguisés en sirènes ou animaux, s’affrontèrent à partir d’un argument tiré de l’histoire d’Europe.

Puis le « Ringlinrennen », sorte de défilé circulaire, fit intervenir des personnages grotesques et comiques : géants montés sur échasses, étranges personnages mi-oiseaux, mi-humains, mêlés d’éléments mythologiques, comme un Prométhée enchaîné. Des danses et acrobaties, par des artistes italiens, eurent également lieu.

Les estampes nous font voir aussi, autour des décors éphémères érigés pour l’occasion, des éléments de l’architecture de Vienne au XVIe siècle : on devine notamment le « Schweizerhof », donnant sur l’actuelle place « In der Burg » de la capitale autrichienne.


Heinrich Wirrich, Ordenliche Beschreibung…, 1571, bibliothèque de l’INHA, 4 Est 241, pl. [16]. Cliché INHA


Heinrich Wirrich, Ordenliche Beschreibung…, 1571, bibliothèque de l’INHA, 4 Est 241, pl. [10] (détail). Cliché INHA

Lucie Fléjou, service du Patrimoine

Pour aller plus loin

Il est possible de venir consulter ce document à la bibliothèque, au sein de l’espace Jacques-Doucet, situé dans la salle Labrouste, ouvert du lundi au samedi de 14h à 18h.

Ce livre fait partie de la collection des livres de fête de la bibliothèque de l’INHA, riche d’environ 1 200 ouvrages qui illustrent les nombreuses fêtes et cérémonies des cours et cités de l’Europe moderne : entrées royales et princières, mariages, sacres et pompes funèbres, mais aussi fêtes révolutionnaires… Cette collection a fait l’objet d’un catalogage complet dans l’application Agorha. Une partie se retrouve aussi sur le catalogue de la bibliothèque.

Une sélection de livres de fête de la bibliothèque de l’INHA a été numérisée et est consultable en ligne sur le site de la bibliothèque numérique de l’INHA (collection « livres de fête »)

Références bibliographiques

  • Heinrich Wirrich, Ordenliche Beschreibung des Christlichen Hochlöblichen und Fürstlichen Beylags oder Hochzeit so da gehalten ist worden durch … Herrn Carolen, Ertzhertzog zu Osterreich, Burgund, Steyr … etc. mit … Maria, geborne Hertzogin zu Bayrn, den XXVI. Augusti in der Kayserlichen Statt Wienn, Wienn, durch Blasium Eberum , 1571. [cote 4 Est 241]

Deux ouvrages récents sur Arcimboldo, qui évoquent notamment ses activités pour les divertissements impériaux, sont disponibles en libre accès à la bibliothèque :