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Apollinaire : le regard du poète
La bibliothèque vient de faire l’acquisition d’un exemplaire du catalogue de l’exposition « Apollinaire : le regard du poète », qui se déroule jusqu’au 18 juillet au Musée de l’Orangerie. Cette exposition nous permet de porter un nouveau regard sur Apollinaire critique d’art. La dernière s’attaquant à ce sujet datait en effet de 1993 ; les lignes d’analyse critique sur cette période de l’histoire de l’art ayant beaucoup changé entretemps, une vision neuve sur le sujet s’imposait.
Ce n’est ni une exposition biographique ni une exposition littéraire que nous propose le musée de l’Orangerie. Certes, on nous y présente de nombreuses éditions originales des écrits du poète ainsi que des documents issus de ses archives personnelles. Mais le visiteur y retrouve également des œuvres ayant appartenu au poète ou à propos desquelles il a écrit.
En tout, ce sont près de huit cents objets qui sont exposés dans ce parcours ; ce nombre élevé rend d’autant plus profitable la consultation du beau catalogue édité par Gallimard et dirigé par la commissaire générale de l’exposition et directrice du musée de l’Orangerie, Laurence des Cars.
Juan Gris, L’Homme au café, 1912, huile sur toile, 129 x 88 cm, Philadelphia Museum, The Louise and Walter Arensberg Collection, 1950
Le catalogue et l’exposition rendent compte du rôle central qu’a joué Apollinaire en tant qu’émetteur et récepteur des sensibilités du début du XXe siècle. L’ouvrage s’ouvre sur un texte d’introduction de Laurence des Cars qui explore la figure du poète-critique à travers les exemples de Charles Baudelaire et de Guillaume Apollinaire lui-même. Elle montre comment les deux poètes expriment à travers leur activité de critiques leurs propres questionnements en tant que créateurs.
La commissaire générale en arrive ainsi à aborder la question de la proximité formelle entre le travail d’Apollinaire et les œuvres de certains de ses contemporains. L’exposition rend bien compte de cette proximité par une habile juxtaposition des tableaux de Juan Gris ou de Picasso avec les écrits du poète – extraits de poèmes, calligrammes… Le poème d’ouverture du recueil Alcools, « Zone », véritable ode au cubisme et à son éclatement des plans, est un exemple canonique de cette transformation de choix plastiques en caractéristiques stylistiques.
Affiche de l’exposition Apollinaire : Le regard du poète du Musée de l’Orangerie, sur laquelle figure le Portrait [prémonitoire] de Guillaume Apollinaire par Giorgio de Chirico, huile et fusain sur toile, 81,5 x 65 cm
Au fil des pages, les contributions de spécialistes se succèdent ensuite afin de rendre compte de la richesse du rôle joué par Apollinaire dans l’art du début du XXe siècle, mais aussi de l’héritage conséquent qu’il a laissé :
- Carole Aurouet évoque ainsi les liens forts du poète avec le cinéma, ce nouveau moyen d’expression qui souffrait pourtant à l’époque d’une assez mauvaise réputation. Aux yeux d’Apollinaire, il représente un art complet et un médium neuf, donc un terrain exceptionnel pour de multiples expérimentations.
- Peter Read étudie la proximité d’Apollinaire avec des acteurs clés du marché de l’art. De Daniel-Henry Kahnweiler à Ambroise Vollard, en passant par Paul Guillaume auquel une salle entière est consacrée dans l’exposition de l’Orangerie, le poète a su développer un réseau complexe de collaborateurs dans le marché de l’art, même si ces relations souvent fructueuses n’ont pas toujours été exemptes de frictions voire de désaccords.
- Un imposant chapitre, rédigé par Cécile Debray, est consacré au vaste sujet d’Apollinaire et le cubisme, mouvement dont il est souvent perçu comme le principal héraut.
- Impossible d’évoquer Apollinaire critique d’art sans étudier sa relation forte avec Pablo Picasso. Si celle-ci est omniprésente, tant dans le catalogue que dans l’exposition, un chapitre et une salle lui sont spécifiquement consacrés, avec une proposition d’Henri Soldani intitulée « L’ami Picasso ? ».
- Enfin, Laurence Campa dresse un panorama des dernières années de la vie d’Apollinaire sur fond de Première Guerre mondiale, du portrait dit prémonitoire que fit Chirico du poète, jusqu’à sa mort le 9 novembre 1918, lorsqu’il fut terrassé par la grippe espagnole.
Béatrice Guillier, service du Patrimoine
En savoir plus
- Guillaume Apollinaire et Raoul Dufy, Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée, Paris : Deplanche, 1911.
- Catalogue de l’exposition du Pavillon des arts en 1993 : Apollinaire critique d’art : [exposition, Paris, Pavillon des arts, 2 février-9 mai 1993], Paris : Gallimard, 1993.
- Peter Read, Picasso et Apollinaire : Les métamorphoses de la mémoire, 1905-1973, Paris : J.-M. Place, 1995.
- Laurence Campa et Guillaume Apollinaire, L’esthétique d’Apollinaire, Paris : SEDES, 1996.
- Guillaume Apollinaire et Paul Guillaume, Correspondance 1913-1918, Paris : Musée de l’Orangerie : Gallimard, 2016.
- Laurence des Cars et Laurence Campa (dir.), Apollinaire : Le regard du poète : [exposition, Paris, Musée de l’Orangerie, 6 avril-18 juillet 2016], Paris : Musées d’Orsay et de l’Orangerie : Gallimard, 2016.