Acquisition du fonds d'archives du sculpteur Antoine-Louis Barye (1795-1875)

Chasse au tigre, groupe réalisé pour le surtout du duc d’Orléans vers 1840, tirage photographique non daté. Paris, Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, collections Jacques Doucet, Archives 166, 6, 4.

Une nouvelle acquisition vient enrichir de manière exceptionnelle les fonds de la bibliothèque de l'INHA et permet de redécouvrir un des plus célèbres sculpteurs du XIXe siècle.

Ce n'est pas moins de 355 pièces d'une grande variété qui viennent compléter un fonds déjà existant de la bibliothèque de l'INHA : le fonds d'archives Antoine-Louis Barye qui devient ainsi le plus grand fonds d'archives réunies du sculpteur. 191 lettres manuscrites (dont une de son ami Delacroix), 24 photographies, plusieurs dizaines de pièces de documentation… apportent un nouvel éclairage sur la vie et le travail de l'artiste qui contredisent les aprioris qui l'ont trop souvent desservi.

Artiste célèbre pour ses sculptures animalières, Antoine-Louis Barye (1795-1875), fils d’orfèvre, se forme au travail des métaux chez un équipementier militaire avant de rentrer à l’École des Beaux-arts de Paris en 1818 où il fait son apprentissage dans l’atelier du sculpteur François Joseph Bosio et du peintre Jean-Antoine Gros. Après plusieurs échecs au Grand Prix de Rome, Barye quitte les Beaux-arts en 1825 et s’oriente ensuite vers la sculpture animalière qu’il va remettre au goût du jour. Barye devient célèbre en exposant au Salon de 1831 le Tigre dévorant un gavial (Louvre), œuvre mettant en scène un violent combat « d’une impressionnante virtuosité ». Il rencontre de nouveau un très grand succès au Salon de 1836 avec le Lion au serpent. Durant le Second Empire, l’artiste a un atelier au Louvre et devient professeur de dessin. Il laisse derrière lui une importante production de dessins, aquarelles et peintures ainsi que des sculptures et pièces d’orfèvrerie. Ses œuvres sont visibles aux musées du Louvre et d’Orsay.

Le fonds d'archives Barye proposé à la vente par la galerie Descours de Lyon se compose de lettres, d'une large documentation sur la production, la commercialisation des œuvres, leur vente après-décès, ventes posthumes, complétée par une documentation de travail qui s'appuie sur ces documents et sur un dépouillement de catalogues de ventes et notes sur les ventes et les œuvres dans les collections. À cette documentation imprimée et manuscrite s'ajoute une documentation photographique, souvent annotée. L’ensemble provient de l’expert et collectionneur André Schoeller, également à l’origine du livre de compte de Barye conservé dans le fonds Fabius de la bibliothèque de l’INHA.

Ces documents, notamment la correspondance, montrent que l'artiste n'était pas, comme on l'a longtemps cru, qu’un artiste « solitaire » (M. Poletti). L'examen de cette correspondance permet en effet d'apprécier la vie sociale et l'intégration de Barye dans la vie artistique de son temps, depuis ses débuts (1819) aux années 1870. Se dessine une personnalité très intégrée dans les cercles artistiques et littéraires, dans des échanges fréquents avec l'administration, dans des rapports étroits avec ses mécènes et ses collectionneurs, ainsi qu'avec des amateurs et des admirateurs. Apparaît notamment son rôle dans différents cercles où il fréquente des artistes peintres (Corot, Daubigny, Daumier, Dubufe, Lami, J.-F. Millet, etc.), des sculpteurs (le baron Bosio, Dantan, Debay, Desboeufs, Mène, Marochetti, etc.), des écrivains et critiques (Dumas, Planche, Silvestre, Thoré-Bürger, etc.) ou encore des architectes (Questel, Viollet-le-Duc, etc.). Ces lettres témoignent aussi de sa participation aux expositions de Barbizon (Laffitte), de luttes pour "l'indépendance de l'art" (Labourieu) et une certaine sociabilité. Sur son caractère, plusieurs lettres donnent des éléments plus personnels (Millet), parfois très descriptifs (Daumas) voire dithyrambiques (Michel Pascal). Le nombre de demandes d'aides, de placement de jeunes artistes, de recommandation à son intention témoigne de la place et du rang donnés à Barye par ces interlocuteurs ainsi que de leur confiance en un soutien sans faille mais aussi de la légitimité qui lui est accordée (conseil, avis, etc.). Cette correspondance rend compte également de sa reconnaissance en tant qu'aquarelliste (Société d'aquarelliste de Bruxelles), une partie de son travail bien moins connue.

En parallèle de l'œuvre et de la vie de Barye, on trouve dans cette documentation qui permet notamment une meilleure reconstitution de la carrière de l'artiste, de nombreuses informations sur la vie et les institutions artistiques de l'époque. Cet ensemble concerne principalement son activité, ses associations commerciales (factures, reçus, listes de matériaux…) qui enrichiront la connaissance du fonctionnement de sa production. Cet ensemble est complété par des documents de natures très diverses : calque préparatoire, papier d'identité, textes de ses discours… Le fonds comprend également une documentation sur les ventes de l'époque : catalogues de vente annotés (1847 et 1865) ainsi que plusieurs listes et procès-verbaux de ventes, souvent annotés eux aussi. Il fait également mention des nombreuses commandes publiques qui lui ont été faites (la statue de Grenoble commandée par le prince Napoléon, un bas-relief équestre pour Louis-Napoléon Bonaparte…) ainsi que des commandes privées (dont un décor de bibliothèque avec Delacroix).

Cette acquisition vient compléter des documents déjà présents dans la bibliothèque de l'INHA, autographes et photographies rassemblés par Jacques Doucet ou bien documentation provenant de la galerie Fabius. L’intérêt représenté par ce fonds a été étudié préalablement par Stéphanie Deschamps-Tan, conservateur en charge des sculptures du XIXe siècle au Louvre, France Nerlich, directrice des Études et de la Recherche à l'INHA et spécialiste de la période du XIXe siècle, et Isabelle Vazelle, chargée des collections d’autographes à la bibliothèque de l’INHA.

La valeur de cette acquisition réside d'une part dans les sources inédites sur la vie et l'œuvre d'un artiste encore mal connu, d'autre part dans la constitution d'une documentation par un marchand expert de l'artiste. En effet, dans les ouvrages sur Barye, il est à plusieurs reprises question de l'état lacunaire des sources sur l'artiste, en particulier du très petit nombre de correspondances autour de l'œuvre. Même si une ou deux lettres de ce fonds étaient connues (comme par exemple le billet célèbre de Delacroix), les 191 lettres de cette collection viennent compenser une lacune importante et apporter un éclairage inattendu - en particulier de la part de ses correspondants. Si quelques billets peuvent sembler insignifiants en soi (invitations à dîner et autres mots d'excuses), prises ensemble les lettres offrent une documentation précieuse qui renouvellera la connaissance de l'artiste et des cercles qu'il fréquentait. C'est en réalité là la qualité principale de ce fonds : les sources actuellement disponibles dans les collections publiques sont en effet plutôt limitées, sauf dans les collections de l'INHA où elles sont certes réparties dans des ensembles et des fonds divers mais avec une volumétrie néanmoins importante. 

Au-delà de la correspondance, la force et l'intérêt de ce fonds reposent sur l'ensemble qui peut intéresser différents chercheurs : les chercheurs travaillant sur Barye, mais aussi les chercheurs travaillant sur les marchands d'art. De nouvelles perspectives d'étude et différents angles de recherche du fonds s'ouvrent ainsi : sur le travail du sculpteur, le marché de l'art de l'époque ou encore l'histoire des collections.

"Le lion est mort. – Au galop ! Le temps qu’il fait doit nous activer. Je vous y attends."

Extrait du célèbre autographe d’Eugène Delacroix à son ami Louis-Antoine Barye le 19 juin 1829 au sujet de leur rendez-vous au Jardin des Plantes. Billet présent dans le fonds Barye - Bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art.

Acquisition réalisée grâce à l’aide de la Société des Amis de la Bibliothèque d’art et d’archéologie.

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