Où est Iy’Oba Idia (1504-1550) ? Trajectoires et valeurs entre objets et imagesRencontres du Centre André Chastel

La reine Idia en emblème de la Faculté des arts, Université de Benin City, photo Felicity Bodenstein, 2017

Les cinq masques en ivoire de la reine-mère Idia (XVIe siècle) qui sont à Londres, New York, Seattle, Stuttgart et dans une collection privée anglaise sont sans doute les objets les plus iconiques de l’art du continent africain tel qu’il peut être illustré dans les ouvrages de référence.

Ces cinq menus objets étaient emportés comme des souvenirs personnels par les officiers les plus haut placés de l’expédition dite punitive des forces navales britanniques qui envahit le royaume du Bénin, dans le sud-ouest du Nigéria actuel, en février 1897.

Cette présentation met en regard leurs trajectoires réelles et matérielles avec l’imaginaire de la reine-mère, Iy’Oba Idia qui imprègne la culture de Benin City. Il s’agit de comprendre les différentes manières de percevoir Idia et comment ces perspectives sont entremêlées. Il y a d’une part la vision et les valeurs qui passent par les objets matériels singuliers, historiques, estimés comme authentiques et conservés dans les musées d’Europe et d’Amérique du Nord. Cette vision s’est formée au gré des déplacements des masques depuis 1897 ; c’est l’histoire du marché de l’art et de la muséographie qui a partiellement transformé des éléments régaliens en chefs-d’œuvre des arts du monde.

L’autre vision d’Idia est celle d’une grande figure historique de la défense et de l’expansion du royaume du Bénin sous le règne d’Esigie (1504-1547) et ses ambitions impériales. Elle est constituée de perceptions locales, régionales. À Benin City, Idia se reproduit pour exprimer d’autres possibles que son absence. Depuis les années 1970, son image contribue aussi à forger un discours de résilience nationale voire pan-africaine.

Nous interrogerons donc le rôle des substituts et recréations des objets enlevés face aux objets de musée. Ces répliques en ivoire, en résine, en bois, ces photographies et ces gravures, voire ces films, qui font d’Idia, une « personne distribuée », pour citer l’expression d’Alfred Gell, qui agit aussi bien globalement que localement. Les masques en ivoire et leurs avatars illustrent toute la complexité de la fabrique du patrimoine : celui des nations, des rois, des peuples et des musées universels.

Intervenante

  • Felicity Bodenstein (Centre André Chastel)

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Informations pratiques

16 janvier 2019 - 18h30
Galerie Colbert, salle Ingres
Institut national d'histoire de l'art
6, rue des Petits-Champs ou 2, rue Vivienne
75002 Paris

Entrée libre

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