Jouer avec le feu. La pyrotechnie au service du pouvoirRencontres du Centre André Chastel

Dessin du troisième coup de feu, pour  le projet de feu d ’artifice tiré à  Versailles à l ’occasion du mariage du  comte de Provence,  1771, dessin à la plume, encre brune et  rouge, aquarelle, 14,1 x 25 cm,  Versailles, Bibliothèque municipale  de Versailles, Rés. 4° A 1 o

Parmi les spectacles donnés sous l’Ancien Régime, les feux d’artifice font partie des plus délicats à se représenter. Ils étaient associés à la plupart des réjouissances publiques, solennisant les grands événements des règnes.

Cette tradition des feux d’artifice pour animer les fêtes s’est perpétuée jusqu’à nous, mais les techniques et les goûts se sont tant transformés que nos feux sont devenus de lointains descendants, à la physionomie bien distincte de celle de leurs ancêtres. Les décors et les machines étaient indissociables de ces spectacles qui réunissaient les artificiers, les artistes et parfois également les gens de lettres. Les traités du XVIIe et du XVIIIe siècle insistaient sur l’importance de ces décors pensés pour servir l’événement célébré.

Des théâtres, comme on les appelait alors, prenant la forme d’architectures ou de paysages peuplés de dieux, de monstres, et enrichis d’emblèmes ou de devises, étaient construits pour accueillir et dissimuler les pièces d’artifice qui, à la nuit tombée, venaient animer les décors. Presque toujours détruits à la fin des spectacles, ces structures éphémères faites de bois et de toiles ne laissèrent que des témoignages très partiels. Les descriptions ne permettent pas de visualiser leurs formes, quant aux dessins et aux gravures ils ne peuvent que figer un instant de ces tableaux de lumières mouvantes.

La volonté, à cette époque, de conserver la mémoire de ces ouvrages éphémères prouve l’importance qu’on leur accordait. Un grand soin était porté à leur élaboration et les sommes employées pour leur réalisation étaient considérables. Les feux d’artifice étaient considérés comme des sortes de messagers, qui, par leur bruit et leur éclat au milieu de la nuit, faisaient partager la joie d’un événement heureux (une victoire, une naissance, la paix ou un mariage) tout en manifestant, au plus grand nombre, la puissance de celui qu’on célébrait. La symbolique associée à l’un des plus redoutables éléments et l’origine en grande partie guerrière de ces feux artificiels avaient la capacité de faire naître ce sentiment ambivalent de crainte et d’émerveillement chez les spectateurs. Ainsi, ces divertissements singuliers, apparus en Europe principalement à partir du XVe siècle, rythmèrent la vie des villes et des cours, métamorphosant les lieux, tantôt en terribles champs de bataille, tantôt en pays enchantés tels qu’en décrivaient la fable ou les romans.

Encore très expérimental, cet art de la pyrotechnie que l’on cherchait toujours à enrichir de nouvelles techniques dépendait particulièrement du temps et de la justesse de son exécution. Les ratés, voire les accidents, n’étaient pas rares, bien que les images que l’on nous a transmises montrent au contraire la magnificence de l’événement. Les sources permettent de suivre une partie de ces spectacles, de leur élaboration à leur réalisation. Elles nous laissent tout à la fois entrevoir le désir du commanditaire et des concepteurs, ce que virent les participants, et l’image que l’on souhaita en donner. À partir de l’étude de plusieurs feux d’artifice ordonnés par la cour de France au XVIIe et au XVIIIe siècle, nous présenterons les spécificités de ces spectacles. Au carrefour entre art et sciences, ces feux d’artifice nous font suivre un imaginaire associé au pouvoir, ainsi que les recherches des artistes et des artisans pour rendre sensible le merveilleux.

Intervenante

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Informations pratiques

17 avril 2019 - 18h30-20h
Galerie Colbert, salle Ingres
Institut national d’histoire de l’art
2, rue Vivienne ou 6 rue des Petits Champs
75002 Paris

Entrée libre

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