« Quand la tête de Louis XIV pendait au cou des autochtones »Conférence du GRHAM

Les médailles royales françaises ont connu un contexte culturel radicalement différent après avoir été décernées aux peuples amérindiens du Canada à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle. Ainsi, il peut être surprenant d’affirmer que le potentiel symbolique de ces médailles n’a été pleinement réalisé que par les guerriers autochtones auxquels elles ont été données. Ces petites sculptures, conçues à l’imitation d’anciennes monnaies romaines, sont des objets typiquement occidentaux créés pour agir comme des instruments de communication à travers différents espaces géographiques, culturels et temporels. De petites tailles et facilement transportables, les médailles étaient relativement bon marché en fonction des matériaux à partir desquels elles étaient fabriquées. Produites en grandes quantités, elles étaient l’instrument idéal pour véhiculer des messages à grande échelle.

Cette conférence se propose d’examiner plus particulièrement la médaille de la famille royale de Louis XIV qui a été décernée aux alliés amérindiens de la France. Pour certaines tribus dont les algonquins et les iroquois, le roi était appelé « le grand Onontio » titre dérivé de celui donné aux gouverneurs de la Nouvelle-France. Ce terme était une traduction huronne du nom de Charles Huault de Montmagny, premier gouverneur de la Nouvelle-France qui était perçu et présenté comme une sorte de « père » au sein de l’Alliance. Le roi de France était lui-même perçu comme le père des pères, un « Onontio » au-dessus de tous ceux qui portaient ce titre. Le concept de famille représenté sur cette médaille fonctionne par conséquent comme une allégorie du lien entre le roi de France et ses sujets, il s’agit donc d’un message idéologique puissant pour ceux qui vivent dans les colonies loin du centre de l’empire. La réception positive de ces médailles par les partisans autochtones des colons français révèle les pouvoirs talismaniques et politiques changeant que ces objets pouvaient véhiculer dans différents contextes culturels. Les lettrés et antiquaires qui ont conçu l’iconographie de ces œuvres n’avaient sans doute pas prédit avec quel enthousiasme elles seraient reçues et réinvesties par les Amérindiens. Je tenterai de démontrer que les médailles royales françaises avaient la même fonction pour les peuples autochtones que les ornements qu’ils portaient avant l’arrivée des colons européens et qu’ils ont donc dotées ces objets d’un nouveau pouvoir symbolique.

Robert Wellington est maître de conférences au Centre for Art History and Art Theory de l’Université Nationale d’Australie à Canberra et chercheur invité au Centre André Chastel pour l’année 2018. Ses recherches portent sur le rôle de la culture matérielle dans l’histoire et les échanges interculturels durant l’ancien régime français. Auteur de l’ouvrage Antiquarianism and the Visual Histories of Louis XIV : Artifacts for a future past décrit par Louis Marchesano comme « un chef-d’œuvre érudit attachant », Robert Wellington explore la place des médailles dans le projet de documentation de l’histoire de Louis XIV pour la postérité. Sa conférence s’inscrit dans le cadre d’une enquête plus large sur les estampes et médailles françaises en tant qu’objets d’échanges interculturels. Ses recherches actuelles portent sur les médailles offertes aux Amérindiens de la Nouvelle-France, il a notamment publié un article sur cette thématique : « Médailles en mouvement : la réception des médailles de Louis XIV à la croisée des cultures » [1].

[1] Robert Wellington, « Médailles en mouvement : la réception des médailles de Louis XIV à la croisée des cultures », dans Les Médailles de Louis XIV et Leur Livre, Yvan Loskutoff (dir.), 2016, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2016, 511 p.

Intervenant

  • Robert Wellington

Pour en savoir plus

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Informations pratiques

18 octobre 2018 - 19h

Galerie Colbert, salle Giorgio Vasari
Institut national d'histoire de l'art
6, rue des Petits-Champs ou 2, rue Vivienne
75002 Paris

Entrée libre

Pour tout renseignement (asso.grham @ gmail.com)