La rencontre de Paris et Venise à l’aube des Lumières. Présentation de l’ouvrage "Le Carnaval, la Fortune et la Folie"Rencontres du Centre André Chastel

Antoine WATTEAU, "Fêtes vénitiennes", 1718-1719, huile sur toile, Edimbourg, National Galleries of Scotland

« […] en vérité c’est à Venise qu’il faut venir pour trouver de véritables peintres ». C’est par ces mots que le jeune Pierre-Jean Mariette, à Venise en 1718, s’enthousiasme pour l’art de la Sérénissime. La cité lacustre et ses territoires de terre ferme attirent au début du XVIIIe siècle de nombreux artistes français désorientés par des institutions académiques mal en point. Le tropisme de Rome s’atténue au bénéfice de la République qui comble entre autres Louis Dorigny, Jean Raoux et Nicolas Vleughels par son histoire, sa lumière et son coloris. Un surprenant moment d’échange se noue, marqué par une réciprocité intense. La régence de Philippe II d’Orléans (1715-1723) en est le point d’orgue. Soutenus par le mécénat des grands financiers comme Pierre Crozat et encouragés par la prospérité économique du Système, la pastelliste Rosalba Carriera, le peintre Gianantonio Pellegrini et l’amateur Antonio Maria I Zanetti s’installent à Paris. Peu de temps avant, Sebastiano Ricci leur avait ouvert la voie.

Qu’ils soient Français à Venise ou Vénitiens à Paris, ancrés dans une carrière à long terme ou seulement de passage, que recherchent ces artistes si loin de leur terre d’origine ? Ils cèdent à la curiosité du temps et aspirent à de nouvelles références, de nouveaux savoir-faire auprès d’une école artistique qui leur est étrangère. Le goût du voyage s’exprime aussi, facilité par la paix revenue sur l’Europe. La soif de richesse, enfin, les séduit autant que les rêves de gloire au service des puissants. Venise rencontre Paris, le Carnaval rencontre la Fortune. Mais la Folie de 1720, caractérisée par l’éclatement chaotique de la bulle spéculative et l’abandon des chimères financières de John Law, bouleverse ce fragile édifice.

En cette aube des Lumières où les frontières s’atténuent pour favoriser la mobilité des hommes et des œuvres, une première République des Arts se dessine. Valentine Toutain-Quittelier brossera, à l’occasion de la sortie de son ouvrage intitulé Le Carnaval, la Fortune et la Folie aux PUR de Rennes, le portrait de deux écoles artistiques tournées l’une vers l’autre, de leurs moments d’éclats communs à leurs inéluctables désaccords. Participant au renouveau pour une période injustement appelée « de transition », ce livre met en lumière la densité des échanges transnationaux et esquisse un peu plus les contours d’une première Europe esthétique avant d’être politique. Il est issu de sa thèse de doctorat honorée du prix Nicole 2012, décerné par le Comité français d’histoire de l’art.
La communication sera l’occasion de présenter ce long travail d’investigation entre la France et l’Italie, mais aussi de saluer l’engagement de la Fondation Bru en faveur de la recherche en histoire de l’art et son soutien à l’édition. Madame Michèle Roche, secrétaire générale de la fondation, racontera les raisons de son choix à soutenir un tel projet scientifique et culturel.

Intervenants

  • Docteur en histoire de l’art, Valentine Toutain-Quittelier enseigne à l’université et en école d’art. Spécialiste de la régence de Philippe II d’Orléans et des transferts culturels au XVIIIe siècle, elle consacre sa recherche actuelle à la représentation de la finance.
  • Secrétaire générale de la Fondation Bru, de Genève, Michèle Roche dirige également le Palazzetto Bru-Zane de Venise, consacré au rayonnement de la musique romantique française.

En savoir plus sur cette rencontre

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Informations pratiques

17 janvier 2018 - 18H30-20H

Galerie Colbert, salle Perrot
Institut national d’histoire de l’art
2, rue Vivienne ou 6 rue des Petits Champs
75002 Paris

entrée libre