Nathalie Delbard. L’œil distrait de la peinture

© Agnolo Bronzino, Portrait d’un jeune homme, vers 1540. Huile sur bois, 96 x 75 cm. Metropolitan Museum of Art, New York.

Si la distraction telle qu’elle a été théorisée par Walter Benjamin et Siegfried Kracauer se trouve fondamentalement liée au cinéma et à l’avènement de la société industrielle, peut-on penser une distraction « pré-moderne » qui serait celle de la peinture ?

À partir d’un corpus restreint constitué de tableaux aux regards divergents, il s’agira de montrer comment une autre histoire des œuvres est pensable, qui s’élabore dès le 15ème siècle, au moment même de l’instauration du portrait autonome et de la perspective, l’un comme l’autre supposant a priori une vision unifiée. L’analyse de ces formes marginales de représentation, qui se fondent sur une dissociation du regard du sujet peint entraînant une instabilité perceptive pour le spectateur, nous amènera à considérer ces cas singuliers comme mise en œuvre d’un « œil distrait de la peinture ».

Nathalie Delbard est professeure en arts plastiques à l’Université de Lille. Ses recherches initiales dans le champ de la photographie l’ont conduite à explorer des questions relatives aux conditions de production et de perception des images, à la croisée de l’histoire de l’art et de l’esthétique, tout en mobilisant d’autres disciplines (sciences juridiques ou cognitives notamment). Elle coordonne actuellement le programme « Art et droit », et mène par ailleurs des recherches autour des propriétés de la vision au sein de l’Imaginarium de Tourcoing (Lille-CNRS). Elle a publié en 2009 un essai consacré à Jean-Luc Moulène (éditions Pétra), et se prépare à publier un livre intitulé Le strabisme du tableau. Essai sur les regards divergents du portrait.

Comité organisateur

  • Dork Zabunyan (directeur de l'ESTCA,  professeur en études cinématographiques à l'université Paris 8)

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A propos du projet "Politiques de la distraction"

Le projet aimerait examiner une notion cruciale à l’intérieur des sociétés capitalistes modernes, mal-aimée dans le champ culturel et pourtant plus complexe que sa dénonciation ne le laisse supposer : celle de distraction. Il souhaiterait le faire d’un point de vue aussi bien historique et théorique qu’en mobilisant différentes pratiques artistiques : le cinéma, la musique, l’architecture, la bande dessinée, mais aussi l’art des jardins et des parcs d’attraction ou encore le jeu vidéo.

En partant de l’acception du mot « distraction » dans les avant-gardes des années 1920 et 1930, et en en scrutant l’héritage aujourd’hui, deux orientations principales seront privilégiées : d’une part, il s’agit d’envisager la distraction comme une modalité spécifique de l’attention, en explorant les mondes sensibles qui lui correspondent et la variété des perceptions qu’elle favorise : attention flottante, écoute distraite, visions périphériques, etc.

D’autre part, il convient d’analyser comment les productions artistiques accueillent dans leur composition ces diverses formes d’expérience distraite, pour en révéler la part d’aliénation ou au contraire les transformer en moteur d’émancipation.

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Informations pratiques

10 novembre 2017 - 10H-13H

Galerie Colbert, salle Mariette
Institut national d’histoire de l’art
2, rue Vivienne ou 6 rue des Petits Champs
75002 Paris

entrée libre