L’exotisme dans les natures mortes françaises de la première moitié du XVIIe siècle par Matthieu Creson, invité par Stéphane Castelluccio

Des ouvrages comme La Nature morte de Charles Sterling ou Le Grand Siècle de la nature morte de Michel Faré ont souligné le caractère fondamentalement sobre et dépouillé des natures mortes françaises de la première moitié du XVIIe siècle, loin de l’opulence des natures mortes flamandes et hollandaises peintes à la même époque. En effet, là où les Pronkstilleven – natures mortes fastueuses en néerlandais – ont tendance à présenter de riches ensembles d’objets rares et précieux comme des porcelaines chinoises, des verres en cristal de Venise ou de somptueux objets d’orfèvrerie, les natures mortes françaises semblent bien plutôt privilégier les objets simples et d’usage courant, comme des paniers en osier, des boîtes en bois, des bouteilles clissées ou encore des réchauds.
Il ne faut toutefois pas négliger les œuvres peintes en France entre 1600 et 1650 environ qui présentent, à l’instar de leurs modèles nordiques, des objets luxueux et coûteux comme ceux que nous avons mentionnés. Aussi la présence de ces objets témoigne-t-elle de toute évidence du goût, et même de la fascination pour l’exotisme, disposition qui est aussi largement à l’origine du développement remarquable des cabinets de curiosité au même moment.    
Ainsi étudierons-nous non seulement des natures mortes – signées notamment Jacques Linard ou Sébastien Stoskopff – avec coquillages, nautiles et corail rouge, où l’exotisme, savamment mis en scène, constitue explicitement le principal sujet du tableau, mais aussi d’autres œuvres où l’exotisme s’immisce pour ainsi dire dans la peinture pour côtoyer les objets du quotidien. C’est à cette deuxième catégorie de natures mortes qu’appartient par exemple la version des Cinq Sens du Louvre peinte par Linard en 1627 : au milieu d’un ensemble tout à fait hétéroclite d’objets en apparence de la plus parfaite banalité se distinguent en effet un certain nombre d’exotica, objets alors fort prisés des collectionneurs désireux d’enrichir leurs cabinets de curiosité – une céramique chinoise, des fruits ou des fleurs originaires de contrées lointaines ou encore un oiseau de paradis.
Que l’exotisme soit évoqué de façon exclusive ou non dans les natures mortes françaises, celles-ci traduisent incontestablement le développement de phénomènes tels que l’ouverture au monde environnant, l’essor des échanges commerciaux, l’engouement pour les cabinets de curiosité, et peut-être aussi l’apparition d’un nouvel imaginaire des lointains qu’il conviendra de préciser. C’est donc sous cet angle que nous nous interrogerons sur la place et la fonction de l’exotisme dans les natures mortes en France peintes durant la première moitié du Grand Siècle.

Pour en savoir plus

Programme des rencontres du Centre André Chastel 2017-2018

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Informations pratiques

13 décembre 2017 -18H30-20H
Galerie Colbert, salle Perrot
Institut national d’histoire de l’art
2, rue Vivienne ou 6 rue des Petits Champs
75002 Paris

entrée libre