Antiquités dépaysées au XVIIIe siècleJournées d'études organisées par Charlotte Guichard (CNRS, Institut d’histoire moderne et contemporaine, UMR 8066) avec le soutien du Labex TransferS

16 - 17 décembre 2014
Maison Suger
16-18 rue Suger
75006 Paris

Avec l’expansion impériale et la multiplication des situations de contact, un nouveau monde d’objets afflue dans les collections européennes au xviiie siècle. Qualifiés d’exotica, de curiosités mais aussi d’antiquités — américaines, égyptiennes, indiennes ou chinoises ­— ces artefacts non-européens montrent l’élargissement des horizons anthropologiques. Le projet d’une histoire universelle se déploie lentement, non plus seulement en référence à une histoire sacrée ou civile, mais par rapport à une histoire confrontée de facto aux progrès des arts, des mœurs et du commerce chez les peuples non-Européens. Comment ces antiquités venues d’ailleurs participent-elles à l’élaboration des savoirs esthétiques, historiographiques et anthropologiques alors en pleine mutation : idée de civilisation, figure du sauvage, catégorie esthétique des beaux-arts ? L’écriture d’une histoire de l’art européenne, aimantée par l’horizon d’une Antiquité classique, gréco-romaine, se trouve mise à l’épreuve par ces multiples « enfances de l’art ». L’Antiquité s’écrit désormais au pluriel.

Ces rencontres feront dialoguer historiens et archéologues, historiens de l’art, anthropologues et conservateurs. Sans exclure le comparatisme, on insistera sur les transferts antiquaires en partant des dispositifs concrets de collecte et de classification dans les collections en Europe, et de la place qui leur est réservée dans les historiographies européennes au xviiie siècle. L’approche comparatiste délimite le champ d’un certain type d’objets qui possèdent des caractéristiques visuelles et matérielles communes : vases, colonnes, tablettes, pierres gravées et médailles. Mais de nouveaux objets font leur apparition (instruments de musique, bronzes, plumes, haches). La topographie des objets dans les lieux du savoir (cabinet, collection, galerie) est le fruit d’une vision de l’histoire des peuples. Les partages d’objets sont autant de partages disciplinaires naissants. Ils seront envisagés comme un point de départ à partir duquel se construisent concrètement des valeurs et des catégories intellectuelles qui servent à l’élaboration d’un récit historique commun en Europe dans lequel les notions d’art et de civilisation sont amenées à avoir une place centrale.